Le tétanos (partie 2/4)

 

La raison du faible nombre de cas chez les militaires

 

Le problème, c’est que vue les causes de tétanie évoquées, il aurait dû y avoir plus de cas que ce qu’il y a eu durant les campagnes militaires du 19ème siècle. En effet, même si les militaires étaient les plus touchés par le problème, le tétanos était finalement très peu fréquent durant celles-ci. Tel qu’on nous en peint le portrait actuellement, on pourrait croire que ça faisait des ravages. Mais en réalité, la plupart du temps, il n’y avait que 2 cas pour 1000 blessés (0,2 %). C’est dérisoire.

C’est ce qu’on peut lire dans « From Sumer to Rome: The Military Capabilities of Ancient Armies », Par Richard A. Gabriel,Karen S. Metz, ABC-CLIO, 1 janv. 1991 – 182 pages, page 97 (voir ici) :

« Taux de tétanos pour les blessures de guerre durant le 19ème siècle

Guerre d’Espagne (guerre napoléonienne) : 12,5/1000

Guerre de Crimée : 2/1000

Guerre civil (américaine) : 2/1000

Guerre de 1870 (franco-prussienne) : 3,5/1000« 

Et dans « Health: The Casualty of Modern Times », Par Jesse Sleeman, Dragon Lair Publishing, 2010 – 362 pages, page 59, (voir ici):

« Et cependant, sur le sol africain aride durant la guerre des Boers à l’aube du nouveau siècle, il n’y a eu que 0,28 cas pour 1000 blessés.« 

 

Donc, on peut se demander pourquoi c’était si peu fréquent. Je pense que c’est à cause des raisons suivantes.

Déjà, on recrutait quand même des hommes jeunes, en bonne santé, et assez solides dans les armées. Ca n’était pas des gens en situation de carence avancée. Le terrain de base étant plutôt bon, ça limitait la probabilité de développer des tétanies.

Par ailleurs, généralement, les batailles se faisaient à la fin du printemps, en été ou au début de l’automne. Donc, une période où les gens sont le moins en situation de carences diverses.

Et puis, il faut voir que les soldats mangeaient beaucoup. Donc, ils ne devaient pas être spécialement carencés en sels minéraux, au contraire. Et une fois à l’hôpital, la plupart étaient en état de manger. Donc, là-aussi, ça pouvait éviter une carence importante. Parce que là, on parle bien de carences très sévères. La plupart du temps où il y en avait, ça devait être limité, et du coup, la personne n’avait que quelques crampes et tremblements légers. Rien qui pouvait entrainer un diagnostic de tétanos.

Autre chose : il fallait quand même qu’il y ait perte de sang importante. Relativement peu de ceux qui étaient comptabilisés comme blessés devaient être dans ce cas. En effet, ceux qui l’étaient mourraient généralement rapidement et étaient alors comptés parmi les morts (et le décès arrivait trop rapidement pour qu’ils aient pu être en situation de carence à un moment ou à un autre). C’était spécialement vrai lors des batailles napoléoniennes, où les soldats blessés pouvaient rester sur le champ de bataille pendant des heures à attendre l’arrivée des soins. Et, au 19ème siècle en général, à cause du manque de moyen, même si un soldat blessé était amené assez vite à l’infirmerie, il pouvait là-encore attendre des heures avant d’être soigné. Donc, s’il avait perdu beaucoup de sang, il y avait un risque important qu’il meurt avant d’être soigné. Ce qui veut dire à l’inverse que les soldats qui arrivaient à survivre plusieurs heures après leur blessure et continuaient à vivre par la suite (après l’opération) n’étaient pas si durement touchés que ça. Au final, peut-être que seulement 20 % des blessés subissaient une perte de sang vraiment importante et survivaient au delà d’une ou deux journées.

L’alcoolisme favorisait très probablement la survenue du problème. Mais, on avait affaire essentiellement à des hommes très jeunes, qui n’avaient pas eu le temps de développer une addiction importante à l’alcool. Donc, beaucoup devaient boire, mais pas de façon déraisonnable.

Et puis, lors d’une campagne militaire, le soldat pouvait être pendant des mois dans une situation où il ne pouvait pas trop se souler à répétition. Les deux mois précédent la mise en marche, il devait être soumis à un entrainement intense. Et ensuite, la campagne pouvait durer un ou deux mois avant qu’il n’y ait la première bataille. Donc, pendant tout ce temps, le soldat restait dans ses campements et subissait un demi-sevrage. Beaucoup devaient continuer à boire, mais moins qu’avant. Ca limitait fortement les carences liées à l’alcool.

C’est vrai que les autorités militaires devaient laisser les soldats boire juste avant la bataille pour qu’ils aient du courage. Mais elles devaient contrôler la chose pour ne pas que les soldats soient ivres morts. Et puis, ça n’était le cas que pendant une ou deux journées. Donc, ça n’avait pas d’incidence sur le problème des carences en sels minéraux.

Par ailleurs, comme on le verra plus en détails un peu plus loin, on mettait tout ce qui n’était pas cas extrêmes de tétanie, et de trismus + crampes généralisées, dans les catégories spasmes et convulsions. Ainsi, dans le livre « Traité théorique et pratique des blessures par armes de guerre, Volume 1« , Guillaume Dupuytren, édition J.-B. Baillière, Paris, 1834, page 92 et 93 (voir ici), on parle des convulsions et des spasmes.

« Les blessures par ponction sont très souvent compliquées d’accidents nerveux. Ces accidents sont de nature variée ; tels que spasmes, convulsions, douleur, tétanos.« 

« Les spasmes ne sont pas, comme on pourrait le croire, un accident qui dépend toujours de la faiblesse physique ou morale.

… Ils consistent dans des mouvements brusques, involontaires, mais passagers, moins douloureux et moins graves en eux-mêmes, qu’à cause des tiraillements, des déplacements qu’ils déterminent dans les plaies, les fractures, dans les appareils qui les entourent, et par les accidents qui peuvent en résulter. Ils n’ont jamais plus d’inconvénient que lorsqu’ils surviennent dans le cas de plaies, dont on voudrait obtenir la réunion par première intention, car ils ne manquent pas d’en écarter les bords. Ils ne sont jamais plus dangereux que dans le cas de fractures, et surtout de fractures communicatives, car ils en déplacent les fragments, et les enfoncent dans les chairs. Ils méritent alors d’autant plus d’importance, qu’ils précèdent communément le tétanos, et que, pour prévenir cet accident terrible, il faut faire cesser les spasmes. Les sangsues, les saignées, et surtout les antispasmodiques à l’intérieur, sont, avec une exacte contention des membres blessés, le meilleur moyen de faire cesser les symptômes nerveux.« 

« Les convulsions, analogues, par leur nature, aux spasmes, mais beaucoup plus graves, consistent en des contractions involontaires, douloureuse, plus ou moins durables, d’une partie ou de la totalité du système musculaire soumis à l’empire de la volonté, et par lesquelles les membres sont déviés, étendus, fléchis ou contournés avec une force qui est de beaucoup supérieure à la forces ordinaire… »

Donc, les cas avec symptômes partiels de tétanos étaient fréquents et on devait avoir tendance à les mettre dans les catégories spasmes et convulsions. Il fallait vraiment qu’il y ait tous les symptômes de ce dernier pour qu’on en fasse le diagnostic (c’est-à-dire crampes généralisées ou des crampes + trismus). Comme ça arrivait très rarement, le nombre de cas de tétanos était très faible.

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Le tétanos (partie 3/4)

 

Le tétanos traumatique des civils : les raisons de sa rareté

 

D’une façon générale, les causes initiales étaient à peu près les mêmes que pour les militaires. Là aussi, les problèmes de manque de sels minéraux divers, de mâchoire, l’alcoolisme, la déshydratation, les efforts intenses suivis de refroidissement, les saignées répétées, éventuellement l’usage de certains médicaments causant un manque de sels minéraux (ex : les diurétiques, les purgatifs), le stress, les diarrhées, etc.., étaient à l’origine des épisodes de tétanie. Mais bien sûr, les situations étaient différentes. En l’occurrence, la situation des militaires, avec des efforts intenses, des blessures graves avec souvent fracture des os, un stress énorme, le froid après la blessure, n’arrivait que très rarement. Donc, les cas de tétanos après blessure devaient être encore moins nombreux.

Pour le tétanos non traumatique, on a vu que les cas de tétanie ne devaient pas être si nombreux que ça pour diverses raisons. On a vu également qu’il devait y avoir plus de cas que ceux répertoriés, mais qu’ils étaient ventilés dans diverses autres maladies.

Donc, forcément, ça se répercutait également sur le tétanos traumatique. S’il y avait relativement peu de cas en général, et que ceux qu’il y avait étaient dispatchés sur diverses maladies, ça laissait peu de cas disponibles pour le tétanos traumatique.

Ce qui aurait pu rendre ce dernier plus fréquent, c’est si on avait considéré que de simples éraflures pouvaient provoquer le tétanos. En effet, comme la plupart des gens exerçaient un métier manuel, pratiquement tout le monde en subissait au moins une par mois. Donc, il aurait été plus facile de « relier » n’importe quel cas de tétanie à une plaie et de dire qu’il s’agissait de tétanos traumatique. Ca n’aurait quand même pas entrainé des dizaines de milliers de cas de tétanie, puisqu’il n’y en avait que quelques milliers en tout chaque année. Mais ça aurait pu faire plus de cas qu’il n’y en avait.

Mais, jusqu’à presque la fin du 19ème siècle, les éraflures ne devaient très probablement pas être considérées comme pouvant provoquer le tétanos. Il devait certainement falloir une blessure profonde pour qu’on en parle à l’époque. De nos jours, on dit que de simples piqures ou éraflures peuvent causer le problème. Et à l’époque, on évoquait la possibilité de ce fait. Mais c’était apparemment considéré comme très rare. L’essentiel des cas était supposé venir des blessures profondes.

C’est ce qu’indique le « Précis sur le tétanos des adultes », N. Heurteloup (chirurgien consultant des armées), 1793, 40 pages, page 10 (voir ici) :

« Les grandes plaies doivent y donner lieu plus souvent que les autres, parce qu’ayant beaucoup de surface, elles offrent plus de point de contact à l’air extérieur, que l’on regarde comme une cause de tétanos,… »

« Les grandes hémorragies et en général toutes les évacuations, l’inanition, suite d’une trop longue abstinence, les passions immodérées, etc. sont des causes de cette maladie. »

Dans « Dictionnaire de chirurgie pratique », Samuel Cooper, Libr. de Crévot, 1826 – 623 pages, page 480 (voir ici) :

« Toutes les blessures de quelque espèce qu’elles soient, peuvent donner lieu au tétanos, et dans les pays chauds on le voit survenir à la suite des lésions les plus simples.

… Quoi qu’il en soit, il est certain que dans les pays froids on ne voit guère le tétanos qu’à la suite de plaies contuses ou déchirées, ou des plaies par instruments piquants ; dans les plaies des articulations ginglymoïdales, avec déchirure des tendons et des ligaments, les luxations, les fractures compliquées. Les principales causes de cette affection sont certainement les piqûres profondes de la plante du pied, les déchirures des doigts et des orteils.« 

Dans « Principes de médecine et de chirurgie, à l’usage des étudiants », Dominique Villars, chez J.T. Reymann et Comp., 1797 – 246 pages, page 78 (voir ici) :

« Le tétanos est beaucoup plus commun (note d’Aixur, que la catalepsie) ; il est la suite des plaies graves, avec piqûres ou déchirement incomplet des parties tendineuses et aponévrotiques des extrémités ou des articulations. Le tétanos est encore commun à la suite des grandes hémorragies, des plaies d’armes à feu, à la suite des fatigues et des combats de la guerre ; il est commun sous les tropiques et dans les pays chauds. »

Et c’était logique, puisqu’on devait supposer, en accord avec la théorie hippocratique, que dans les chairs écrasées ou simplement endommagées, devaient se développer des sortes de miasmes produisant un poison se répandant ensuite dans tout le corps. Donc, quand il y avait des blessures minuscules ou seulement légères et qu’il y avait une crise de tétanie, on ne parlait pas de tétanos, mais de spasmes, de convulsions, de délirium tremens, d’hystérie, etc…

Or, bien sûr, des blessures profondes, il n’y en avait que rarement. Et en plus, il fallait qu’une tétanie se déclare après ça. Or, comme il fallait que la personne soit en situation de faible taux de sels minéraux, ou qu’elle ait un traumatisme à la mâchoire entrainant un trismus pour qu’une telle chose se produise, ça arrivait très rarement. Du coup, forcément, il était extrêmement peu fréquent qu’on ait une combinaison d’une blessure profonde et de symptômes complets de tétanos.

Il est vrai qu’apparemment, des plaies pas trop importantes comme celles provoquées par des clous pouvaient être considérées comme provoquant le tétanos. Ça aurait donc dû augmenter la quantité de cas. Mais ça aussi, c’était rare. Et là aussi, la conjonction d’un tétanos et d’une blessure de ce type était exceptionnelle. Donc, ça ne changeait pas grand-chose. C’est si une simple éraflure ou une petite piqure de rosier avait pu être considérée comme une cause potentielle qu’on aurait pu multiplier les cas. Mais ça n’était pas ce qui se passait.

Donc, ça limitait le nombre de cas de tétanos traumatique possibles. On aurait pu avoir 2.000 ou 3.000 cas sinon (4.000 ou 5.000 en étant moins à cheval sur les symptômes). Mais là, ça limitait les cas à quelques centaines.

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Le tétanos (partie 4/4)

7)    Le tétanos animal

 

Il est dit que, parmi les animaux, les chevaux sont particulièrement touchés par le tétanos. D’autres herbivores le seraient, mais beaucoup moins. Parmi les animaux de compagnie, les chiens pourraient l’être, mais très rarement, et les chats ne l’attraperaient pratiquement jamais.

Il est tout à fait possible que certains animaux soient touchés par des problèmes plus ou moins similaires au tétanos. En effet, certaines causes de tétanie qui touchent les humains peuvent affecter également les animaux. C’est le cas du manque de magnésium, de calcium, de potassium, etc…

 

Manque de magnésium : tétanie d’herbage

 

Il existe en particulier une maladie des herbivores qui s’appelle la tétanie d’herbage et qui est en fait un problème de manque de magnésium. Sur le Wikipédia anglais, on apprend que la tête peut partir en arrière et que ça peut aboutir au coma et à la mort. Sur le Wikipédia français, on parle de : hyperexcitabilité neuromusculaire, raideur de la démarche, grincements de dents et crises convulsives. Ici, on ajoute le symptôme de trismus. , on parle aussi de salive écumeuse. Bref, tout à fait des symptômes de type tétanos (hormis pour la salive). , on a : tremblements musculaires, hypersensibilité aux stimulus extérieurs, démarche hésitante ou encore convulsions.

Ce problème apparait souvent au printemps. A cette époque, l’herbe jeune est très pauvre en magnésium. Un excès d’engrais azotés et potassiques augmente encore cette pauvreté en entrainant un lessivage du magnésium lors des pluies (voir le site de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, l’ENVA).

« Dans le sol, un excès d’engrais azoté et potassique entraîne un lessivage du magnésium présent par la pluie. L’herbe qui pousse est donc carencée en magnésium, ce qui diminue l’apport à la brebis. Par ailleurs, l’herbe jeune est riche en eau et en azote soluble, ce qui aggrave la situation. La production lactée, l’âge ou un stress tel que le froid ou une agression provoque un accroissement des besoins qui ne peuvent plus être couverts. L’hypomagnésémie est à l’origine des symptômes nerveux observés.

Les réserves corporelles de magnésium sont très faibles. Pour 70%, cet élément est stocké au niveau des surfaces cristallines de la charpente osseuse, surtout au niveau des côtes et des vertèbres. Si chez les jeunes animaux, cette charpente est relativement perméable, permettant de satisfaire les besoins en magnésium pendant 40 à 50 jours, chez l’adulte, les réserves ne permettent pas d’assurer les besoins plus de 4 à 5 jours. Les adultes sont donc très dépendants de l’apport alimentaire en magnésium. Si la ration est pauvre, les réserves sont vite épuisées et il en résulte une chute de concentration au niveau sanguin mais aussi dans le liquide céphalorachidien et dans l’urine, ainsi que dans des organes tels le cœur ou l’encéphale.« 

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La rage (partie 1/4)

 

Comme la polio, le paludisme ou la tuberculose, la rage est une maladie totalement emblématique de la théorie microbienne.

Première raison à ça : il s’agit de la première maladie traitée par vaccin du début de l’ère microbienne, qu’on peut situer vers 1880. Bien sûr, avant, il y avait eu Jenner et le vaccin contre la variole en 1796. Mais c’est avec la rage que l’ère microbienne s’impose vraiment. Le vaccin contre la variole était comme un succès sans lendemain. Pendant ensuite presque 80-90 ans, on a continué à croire plus ou moins à la théorie hippocratique. Alors qu’avec le vaccin contre la rage, la théorie microbienne se met à remplacer celle-ci.

Deuxième raison : le vaccin a été inventé par Pasteur, lui-même emblème absolu de la théorie microbienne.

Troisième raison : la maladie est supposée être pratiquement toujours mortelle une fois les symptômes déclarés, ce qui lui donne un caractère terrifiant.

Et puis bien sûr, comme c’est une maladie qui est supposée avoir été décrite par la médecine depuis des temps immémoriaux, et que la contagion est censée être établie de façon indubitable, les gens pensent qu’on a là une preuve claire et nette qu’on est face à une maladie réelle et qui est microbienne. Le succès du vaccin renforçant bien sûr encore plus cette impression d’être face à quelque chose d’indéboulonnable, une maladie que seuls les fous oseraient remettre en cause.

Mais, là encore, on va voir que la maladie en question n’a tout simplement jamais existé, et qu’il ne s’agissait que d’une invention. Invention locale même.

 

Comme toujours lorsque je fais un très long article, il y a un résumé à la fin.

 

 

1)    Données générales sur la rage

 

 

Officiellement, la rage est donc une maladie microbienne causée par un virus. Elle touche tous les mammifères, mais en particulier les animaux comme le chien, le loup, le renard, le chat, la vache, le blaireau, le chevreuil, la chauve-souris, etc.., et se transmet par morsure, griffure ou léchage d’une plaie ou d’une muqueuse. Le virus ne traverse pas la peau saine. Les oiseaux, reptiles, poissons et insectes ne transmettent pas la maladie.

Concernant l’être humain, elle se transmet de la même façon, mais uniquement par un animal. Il n’y a pratiquement pas de contamination entre êtres humains (les seuls cas connus concernent des greffes).

Une fois la contamination réalisée, l’animal et l’être humain développent des symptômes différents.

Chez l’animal, les symptômes dépendent de l’espèce concernée. On trouve :

  • un manque de coordination des mouvements volontaires (ataxie généralisée)
  • une hypersensibilité des sens (hyperesthésie), qui concerne plutôt la vue
  • des douleurs cervicales
  • une hypersalivation
  • des convulsions des muscles faciaux
  • chez les carnivores, un comportement anormalement agressif est fréquent mais pas systématique

Chez l’homme, les symptômes sont les suivants :

  • Anxiété
  • Confusion
  • Agitation avec trouble du comportement
  • Hallucinations
  • Insomnies
  • Eventuel délires
  • Production d’une grande quantité de salive et de larmes avec difficulté de déglutition
  • Hydrophobie (la vue d’un liquide provoque une peur irraisonnée)
  • Le contact entraine des sensations de brulures insupportables

 

La maladie est systématiquement mortelle une fois les symptômes cliniques développés (souvent par arrêt respiratoire). Chez l’homme, elle arrive de deux à dix jours après les premiers symptômes.

Selon le site de l’Institut Pasteur, la rage est à l’origine de quelque 55 000 décès annuels dans le monde, le plus souvent suite à une infection transmise par un chien enragé. On trouve encore le chiffre de 55.000 sur topsante, ou dans un document pdf de Pasteur de novembre 2009, sur une page web de Sanofi-Pasteur de 2006 (ici), sur une page du CDC (mise à jour le 25 septembre 2014), etc… L’OMS parle de 60.000 cas dans ce document de 2013, qui fait référence au « WHO Technical Report Series, No. 982 » (les chiffres sont donnés page 9, tableau 2).

Et selon l’OMS : « 95% des cas humains mortels surviennent en Asie et en Afrique ». Selon ce document de Sanofi-Pasteur, 20 000 sont en Inde et 24 000 en Afrique. Selon le document 982 de l’OMS, en 2010, 24.000 sont en Afrique, 16.500 en Inde, 7.500 en Chine et 10.500 dans d’autres pays d’Asie. Elle a pratiquement disparu dans la plupart des pays occidentaux

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La rage (partie 2/4)

1)    L’hydrophobie

 

 

L’hydrophobie est supposée être le grand symptôme de la rage humaine ; c’est le plus spécifique de cette maladie (ou tout du moins, ça l’était jusqu’au 19ème siècle). Ça se traduit par une agitation extrême à la simple vision de l’eau, ainsi que le refus de son absorption.

Seulement, si on y réfléchit deux minutes, cette histoire d’hydrophobie est ridicule. S’il y a hydrophobie, c’est qu’une zone très particulière du cerveau est attaquée (sur Wikipédia, il est dit que la rage provoque une encéphalite). Mais si le virus s’attaque aux neurones ou encore à d’autres cellules du cerveau, il ne peut pas le faire de façon spécifique. Il doit s’attaquer à l’ensemble du cerveau.

Donc, les symptômes devraient forcément varier selon les personnes. Jamais on ne retrouverait un symptôme aussi particulier de façon aussi régulière. L’hydrophobie est clairement le symptôme d’une démence. Or, avec une maladie de ce type, les symptômes sont différents d’individu à individu. Untel va devenir agressif, tel autre va avoir une idée fixe, tel autre encore va devenir aphasique, ou hémiplégique, ou perdre la mémoire, etc…

Donc, il est clair que : soit ce symptôme relève de l’invention pure et simple, soit il avait une certaine réalité, mais différente de ce qu’on en disait, et causée par autre chose. A l’analyse, il semble que ce soit un peu des deux. On analysera plus en détail le problème dans la partie 9, mais en voici déjà un petit aperçu.

Déjà, on sait que l’usage de certains médicaments provoque une sensibilité à la lumière. C’est le cas du mercure, qui était souvent utilisé. Ici, on apprend que la belladone et la quinine le faisaient aussi.

Une simple migraine ophtalmique peut entrainer des problèmes un peu similaires.

Par ailleurs, certains médicaments provoquaient aussi une irritation de la gorge et du conduit digestif.

Et ces médicaments peuvent provoquer une démence.

Donc, parfois, la personne avait reçu un traitement au mercure, ou à la belladone, etc.., et développait une sorte de photophobie. Comme la lumière danse sur l’eau, pour quelqu’un qui est atteint de ce problème, ça peut être désagréable à voir. La personne refusait donc de regarder l’eau.

Dans d’autres cas, elle refusait tout simplement l’eau à cause de la souffrance que celle-ci lui procurait lors de l’absorption.

Et avec la démence que provoquait le mercure (ou d’autres médicaments, les traitements étaient très variés), les réactions pouvaient être violentes. A ce moment-là, le médecin pouvait interpréter ça comme une hydrophobie.

Donc, ici, on avait quelque chose qui pouvait être interprété comme une sorte d’hydrophobie. Mais le problème était causé par des substances chimiques toxiques.

Mais d’un autre côté, souvent, le symptôme ne venait que de l’hystérie du malade, ou était imaginé par les proches ou le médecin qui voyaient un peu ce qu’ils voulaient voir. Donc, là, on était dans l’invention pure et simple.

 

 

2)    Absence de rage dans d’autres pays

 

 

Un autre élément montrant qu’on a affaire à maladie complètement inventée, est que dans divers pays, la rage n’existait pas, ou n’était que très peu présente.

Ainsi, on trouve dans le livre « Nouveau traité de la rage, observations cliniques, recherches d’anatomie pathologique, et doctrine de cette maladie », Louis Francois Trolliet, 1820, page 272 :

« Cette cruelle maladie exerce ses ravages dans les climats tempérés de l’Europe, dans nos contrées ; c’est en France, en Allemagne, en Angleterre et en Italie, que les médecins ont le plus écrit sur cette matière.

Elle ne se montre point dans une partie de l’Asie, en Egypte et dans l’Amérique méridionale.

On n’observe point la rage en Syrie, ni en Egypte, selon Volney (Voy. En Syrie, t. 1er). Savari dit que les chiens ne sont jamais atteints de ce mal dans l’île de Chypre et dans la partie de la Syrie qui avoisine la mer.« 

« On n’observe point l’hydrophobie en Egypte, selon M. Larrey, qui attribue cette heureuse exception d’un mal aussi redoutable, à l’inaction des chiens pendant le jour, à l’eau fraiche qu’on tient continuellement à leur portée, à leur vie solitaire et à la rareté de leurs accouplements.

On lit dans un voyage de Brown en Afrique (Browne’s reisen in Affrica, AEgipten, etc.), qu’en Egypte, la rage n’existe pas ou parait à peine. Un accord aussi grand entre les savants qui ont parcouru ces contrées, ne laisse aucun doute à cet égard. Il cadre avec le silence d’Hippocrate.

De semblables observations ont été faites en Amérique. Moseley, cité par Plouquet, dit que la rage n’existait pas dans les Indes occidentales avant 1783. Il parle sans doute de la partie méridionale, puisque Portal s’exprime ainsi « Elle n’est pas connue, au rapport de quelques auteurs et de plusieurs voyageurs que j’ai consultés, dans toute la partie méridionale de l’Amérique« .« 

« De la Fontaine, auteur cité par Plouquet, dit qu’elle est extrêmement rare en Pologne.« 

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