Gangrène généralisée suite au léchage d’une blessure par un chien ; ou syndrome de Lyell causé par des antibiotiques ?

 

Je suis tombé début aout sur une nouvelle à propos d’une femme américaine ayant été amputée des mains et des pieds soi-disant à cause du fait que son chien l’aurait léchée à une plaie. Ça aurait provoqué une infection foudroyante et donc une gangrène rapide. Et les médecins auraient été obligés de l’amputer.

Pour donner plus de détails, cette femme de 54 ans a commencé à ressentir de la fièvre et a cru à une grippe. Sa température corporelle a subitement augmenté. Elle s’est rendue aux urgences. Là, on lui a diagnostiqué un sepsis, ainsi qu’une insuffisance rénale et hépatique. Elle s’est plainte également d’intenses douleurs aux jambes et aux mains. Les médecins l’ont alors plongée dans un coma artificiel. Dans les heures qui ont suivi, elle a commencé à développer des gangrènes et des nécroses sur ses membres. Sa peau a pris une couleur rouge violacé. L’infection s’est propagée au bout de son nez et de ses oreilles. Les médecins lui ont alors amputé les mains et les pieds. Ayant fait un test sanguin, ils ont trouvé la bactérie capnocytophaga canimorsus, présente dans la salive des chiens, ce qui les a conduit à faire le diagnostic que c’était son chien qui l’avait contaminé en léchant une plaie présente sur son bras.

La cause du problème (la salive du chien) est certainement fausse. Mais l’affaire semble anecdotique a priori. Donc, on peut avoir tendance à se dire que c’est une malheureuse histoire, mais que c’est un cas totalement isolé (du genre 1 cas  sur 10 million) et que ça n’a pas d’intérêt de l’analyser.

Mais finalement, c’est beaucoup plus intéressant que je ne le croyais.

En effet, en faisant une recherche rapide, je suis tombé sur cet article du journal « Le Dauphiné » qui donne plus de détails.

La principale information en plus, c’est qu’on apprend qu’à la base, les médecins se sont dit qu’il s’agissait d’une maladie tropicale, puisque la femme était allée récemment en République dominicaine. Ce n’est qu’après avoir fait un test sanguin qu’ils ont écarté cette hypothèse et se sont orienté vers l’idée que ce serait le chien de cette femme qui lui aurait léché une plaie et que celle-ci se serait infectée.

En apprenant ça, d’un seul coup, j’ai eu une idée du parcours de cette femme et de la vraie cause du problème. En réalité, les médecins étant partis sur l’idée d’une maladie tropicale microbienne, ont dû lui donner des doses massives d’antibiotiques. Et il est possible qu’elle ait pris des antibiotiques ou/et des anti-inflammatoires avant d’arriver aux urgences et que ce soit ça qui ait causé ses douleurs diverses.

Par ailleurs, croyant à un problème grave, et à cause des douleurs intenses ressenties par cette femme, ils l’ont mise en coma artificiel. Et il est clair que le coma, en ralentissant la circulation des fluides corporels, a réduit la capacité du corps de cette femme à éliminer les antibiotiques.

Du coup, en fait de gangrène causée par une bactérie, ce qui s’est passé, c’est que la femme a subi un syndrome de Lyell à cause de la dose massive d’antibiotiques qu’on lui a administrée et de la situation de coma dans laquelle on l’a mise.

Et si elle a eu ses membres amputés, c’est donc à cause d’une erreur médicale. Les médecins, loin de l’avoir sauvée, ont fait une erreur de diagnostic (en fait, plusieurs erreurs) ; et ce sont donc eux la vraie cause de l’amputation.

Le syndrome de Lyell se caractérise par le fait que des cloques voire des bulles se développent sur la peau et sur toutes les muqueuses, comme si la personne avec été brulée au 2ème ou 3ème degré. A terme, les chairs se nécrosent, les organes lâchent et la personne meurt. J’ai décrit quel était le mécanisme à l’œuvre dans un article récent. Pour faire simple, c’est clairement lié à l’usage de toute substance qui a un pouvoir anticoagulant, comme, entre autres, les antibiotiques. La pression osmotique s’effondre parce que le foie est attaqué et aussi parce que les particules du sang sont désagrégées. Dès lors, la zone interstitielle se remplit de liquide. Ce liquide migre vers la peau, ce qui provoque des cloques.

Il y a trois composantes au problème ici : 1) une gangrène des extrémités, peut-être réelle, peut-être pas ; 2) de possibles débuts  de nécroses ailleurs qu’aux extrémités ; 3) des symptômes classiques du syndrome de Lyell de type brulure ailleurs qu’aux extrémités.

  1. Lors d’un syndrome de Lyell, comme les liquides ne circulent plus correctement, les tissus sont privés d’oxygène et se mettent rapidement à mourir. Ce sont les extrémités qui vont souvent le plus souffrir, parce que c’est là qu’il va y avoir le moins de pression sanguine à ce moment-là. Donc, elles peuvent développer une gangrène en premier. C’est ce qui s’est apparemment passé ici. Seulement, le problème ne venait pas d’une bactérie, mais de la combinaison « antibiotiques + coma ». Donc, ce sont les médecins qui ont provoqué la gangrène en question.

Mais en fait, il est tout à fait possible que les mains et les pieds n’aient pas été encore en situation de gangrène véritable, mais dans une situation ressemblant à des brulures, avec formation de bulles. Dans ce cas, il n’y avait pas encore de risque de perte des extrémités et pas de raison d’amputer. Il fallait juste arrêter le traitement et attendre que la situation revienne à la normal et faire de la chirurgie réparatrice pour les zones « brulées ». Mais comme les médecins croyaient que le problème venait d’une infection bactérienne, et vu l’apparence des extrémités à ce moment-là, ils se sont dit qu’il s’agissait de gangrène et que l’infection risquait de se propager au reste du corps. Donc, ils ont amputé.

  1. Il y a eu apparemment des atteintes au bout du nez et des oreilles. Comme ce sont des extrémités, il est possible qu’il y ait eu un début de nécrose à ces endroits. Mais il est possible également que, là-encore, ça n’ait été que des simili-brulures. D’ailleurs, on ne parle pas de perte de ces zones. Alors que si c’était des nécroses, ces parties auraient dû être amputées. Donc, selon toute probabilité, ces zones étaient en fait seulement en état de pseudo-brulure. Et elles étaient suffisamment peu atteintes pour pouvoir récupérer par la suite. Mais ça a participé à l’idée que c’était une gangrène généralisée causée par une bactérie. En effet, dans la mesure où ça se situait à d’autres endroits que les pieds et les mains, ça pouvait faire penser à une infection. Et comme l’aspect brulure devait être plus marqué que dans d’autres zones, ça faisait penser à des débuts de gangrène.
  2. Enfin, les symptômes classiques du syndrome de Lyell, de type pseudo-brulures qu’on peut trouver un peu partout sur le corps ont également fait penser à une gangrène qui se répandait un peu partout, et donc, à une infection bactérienne. Si on ne pense pas au syndrome de Lyell et à un phénomène physico-chimique généralisé, effectivement, l’idée de l’infection microbienne semble s’imposer. Là, il ne s’agissait très probablement pas encore de nécroses. Mais c’était suffisamment impressionnant pour faire penser à l’idée que la gangrène se répandait.

 

L’avantage pour l’orthodoxie, c’est que la localisation des symptômes permet de faire passer plus facilement le phénomène pour un problème microbien. En effet, le syndrome de Lyell est général. Du coup, des cloques et des nécroses peuvent survenir un peu partout. Donc, ça va apparemment dans le sens d’une origine microbienne, parce qu’un microbe peut infecter n’importe quelle zone.

Le côté très soudain du phénomène lui permet aussi d’avancer cette théorie. Le fait que le corps se couvre tout d’un coup de cloques, de zones rouges, voire de nécroses et de gangrènes s’accorde avec une source microbienne.

Le problème des gangrènes, c’est que normalement, ça commence par les membres. Et la plupart du temps, ça n’est limité qu’à un seul membre, généralement aux jambes ; ceci sans s’étendre plus loin. Ça vient du fait que le problème est lié à un arrêt de la circulation sanguine ou lymphatique et au fait que dans les extrémités, il n’est pas possible de recevoir du sang par plusieurs endroits différents, contrairement à des zones qui sont entourées de chair de tous les côtés.

Donc, il ne va pas y avoir d’apparitions de nécroses ou de pseudo-brulures ailleurs sur le corps. Le phénomène va être limité à une seule zone du corps, généralement le pied ou le bas de la jambe.

Par ailleurs, les personnes touchées ont souvent une maladie chronique ou un état dégradé avec un risque de gangrène connu (généralement liés à un risque de formation de caillots sanguins, comme le diabète et l’hypertension).

C’est ce qui fait que l’orthodoxie médicale reconnait que souvent, les gangrènes sont liées à un phénomène de blocage sanguin ou lymphatique (je pensais que c’était la plupart du temps, mais ce qu’on va voir ensuite laisse à penser que les cas « microbiens » sont plus fréquents que je ne le croyais).

Mais en assimilant des problèmes liés au syndrome de Lyell à des gangrènes, l’orthodoxie médicale peut trouver des signes de gangrène qui sont apparemment situés ailleurs que dans les membres. Et du coup, elle peut inventer une origine microbienne à ces gangrènes. Ça renforce la théorie des microbes pathogènes. Et ça lui permet de se dédouaner de ses responsabilités quand une personne développe un syndrome de Lyell à cause des médicaments administrés.

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