Tétanos et tétanie d’herbage, le fin mot de l’affaire : la carence en sodium

En début d’année, je me suis fait une réflexion qu’il n’y a pas dans l’article sur le tétanos. Ça concerne le signal électrique dans le corps (voir mon article précédent intitulé « Explication des problèmes neurologiques ressentis lors de l’arrêt des opiacés »). Je pense que les contractions, les crampes, le trismus, etc.., viennent en réalité d’un signal électrique qui passe mal. Du coup, pour pouvoir passer, l’intensité du signal augmente, et quand il passe, il est excessif et entraine des crampes, des convulsions ou même un trismus.

Or, comment passe le signal électrique dans le corps ? Eh bien, il me semble assez évident que ça repose sur des métaux ou des minéraux qui permettent de conduire l’électricité. Donc, la question suivante est : quel est l’élément ou les éléments qui participent le plus à sa conduction dans le corps ? Il y a longtemps, je m’étais posé la question sans que ça n’ait de rapport avec le tétanos. Et j’avais pensé que peut-être que c’était le cuivre ou le fer. Mais je n’avais pas poussé très loin la réflexion. Après, suite à l’article sur le tétanos, j’avais vaguement pensé au magnésium ou au calcium. Mais, depuis 6 mois, je pense qu’il est clair que c’est le sel en fait.

Il est connu par le grand public que le sel est un sel minéral qui conduit l’électricité sous forme d’ion (quand il est mis dans de l’eau). C’est une des premières expériences de chimie qu’on fait au collège. On essaye de faire transmettre de l’électricité dans de l’eau pure. On constate que ça ne donne rien. Et quand on ajoute du sel, on s’aperçoit que l’eau conduit désormais le signal électrique. Donc, le sel permet à l’eau de devenir conductrice.

Alors, vu qu’il y a plusieurs candidats au titre de substance majeure pour la conduction du signal électrique dans le corps (sel, magnésium, calcium, potassium, sélénium, fer, cuivre), on peut se demander pourquoi le sel serait celle-ci. Eh bien tout simplement parce que le sel est présent en quantités bien plus importantes que le reste.

Selon ce site, on aurait entre 150 et 300 g de sel dans le corps.

« Notre corps contient environ 0,9 % de sel, à savoir 9 grammes par litre d’eau. Cela signifie donc pour une personne adulte entre 150 et 300 grammes en fonction de sa taille et de son poids. Par la transpiration notamment, nous en éliminons tous les jours entre 3 et 20 grammes qui doivent être remplacés.« 

Et ici :

« Un corps humain adulte contient environ 250g de sel et tout excès est naturellement excrété par l’organisme.« 

Donc, comme il y a 60 % de chlore et 40 % de sodium dans 1 g de sel, ça veut dire qu’on a environ entre 60 et 120 g de sodium dans le corps.

Le potassium est le seul dont les quantités sont similaires à celles du sel (et même un peu supérieures, voir ici) :

« Le corps contient de 150 à 170 g de potassium : la plus grande partie est dans les cellules des muscles du fait de l’importance de la masse musculaire.« 

Le magnésium n’est présent qu’à hauteur de 25 g. Et 60 % est stocké dans les os. Donc, il n’y en a que 10 g dans les chairs et le sang, soit 6 à 12 fois moins que le sodium (voir ici) :

« Le magnésium est présent dans presque toutes les cellules de l’organisme, où il participe entre autres à plus de 300 réactions enzymatiques. Au total, le corps contient environ 25 g de ce minéral : 60 % est stocké dans les os, dont il aide à maintenir la structure. Un quart est utilisé par les muscles, où il contribue à la décontraction musculaire. Le reste se répartit à la fois dans le cerveau et dans des organes-clés comme le coeur, le foie ou les reins.« 

Le calcium est présent en quantité 10 à 20 fois plus importante que le sel dans le corps, avec 1 à 1,2 kg (voir ici) :

« Le calcium est le sel minéral le plus abondant dans l’organisme. Le corps humain en contient de 1000 à 1200 g : 99 % est situé dans les os, 1% est dilué dans le sang.« 

Seulement, 99 % se situe dans les os. Donc, en réalité, il n’y en a que 10 g de présent dans le sang. Donc, il y en a 6 à 12 fois moins que de sel.

Le fer est présent en bien moins grandes quantités (entre 2,5 et 4 g), comme on peut le voir ici :

« Le fer est un oligo-élément, c’est-à-dire qu’on le trouve à l’état de trace dans l’organisme. Ainsi, le corps d’un homme de 70 kg en renferme environ 4 g et celui d’une femme de 60 kg, 2,5 g.« 

Et on peut imaginer que le cuivre est présent en quantités bien moins importantes que le fer.

Donc, à cause des quantités très faibles présentes dans le liquide extracellulaire, on peut penser raisonnablement que le calcium, le magnésium et le fer ne sont pas les éléments qui conduisent le signal électrique entre les cellules. C’est certainement le sodium ou le potassium, qui sont présents en quantités bien plus importantes qui assurent ce rôle.

Donc, le match se joue entre le sodium et le potassium. Seulement, un excès de potassium peut entrainer des symptômes de tétanie, ce qui n’est apparemment pas le cas du sodium.

Par ailleurs, quand il y a tétanie d’herbage (pour les animaux herbivores), il y a justement souvent excès de potassium dans les plantes. Donc, ça n’est clairement pas le potassium qui permet d’éviter la tétanie. Au contraire, ça a l’air de la provoquer.

Alors, c’est vrai que le potassium est aussi un ion métallique. Donc, il doit pouvoir conduire l’électricité dans un liquide aussi bien que le sodium. Mais ce qui doit se passer, c’est que le potassium est présent surtout dans les cellules, alors que le sodium doit être présent dans les cellules, mais aussi dans le liquide extracellulaire. Donc, il doit permettre la conduction du signal électrique entre les cellules, alors que le potassium non, parce qu’il n’est pas présent dans le liquide extracellulaire (ou en faibles quantités).

Et effectivement, après vérification, on a une indication de ça dans les documents suivants.

Ici, il est dit que le taux de potassium sanguin est d’environ 4,25 millimoles par litre :

« Le potassium est un élément chimique existant sous la forme d’un ion dans l’organisme, c’est-à-dire un constituant porteur d’une charge électrique. Il est présent notamment dans les cellules, mais aussi dans le sang où il y exerce des rôles importants : un excès ou un déficit de cette substance minérale dans le plasma sanguin peut entraîner des complications, notamment cardiaques. Son taux dans le sang, appelé kaliémie, est habituellement compris entre 3,5 et 5 millimoles (unité de mesure de référence) par litre en moyenne.« 

Ici, il est dit que le taux de sodium sanguin normal est d’environ 140 millimoles par litre :

« Les dosages du sodium, du potassium, du chlorure et du bicarbonate font partie de ce que l’on appelle les ionogrammes.

En ce qui concerne le sodium, la natrémie (c’est-à-dire le taux de sodium dans le sang) normale est supérieure à 136 millimolles par litre et inférieure à 143 huit mmol par litre.« 

Donc, il y a environ 32 fois plus de sodium dans le sang que de potassium. Et ça doit être aussi le cas dans le liquide interstitiel puisqu’on apprend sur Doctissimo que :

« Le sodium (symbole Na dans le tableau périodique des éléments) compte parmi les sels minéraux. Au sein de l’organisme, il se situe principalement dans le sang et le liquide interstitiel (liquide situé autour des cellules).« 

Et concernant la concentration du liquide intracellulaire, il est dit ici que c’est bien le potassium qui est majoritaire :

« LIC, liquide intra cellulaire

– le K+ est le cation majoritaire (150mEq/L), on trouve aussi du Mg++(34mEq/L)

– Phosphates (130mEq/L), protéines (54mEq/L)« 

Le même site confirme que le sodium est le liquide majoritaire dans le liquide extracellulaire :

« LEC, liquide extra cellulaire

Plasma

– Le sodium est le cation majoritaire (140mEq/L)

– Cl- (103 mEq/L) et HCO3- (25mEq/L), l’ion bicarbonate, sont les anions majoritaires« 

Donc, le potassium se trouve dans les cellules et le sodium dans les cellules et les liquides extracellulaires. Donc, sans sodium, pas de propagation du signal électrique entre les cellules.

Donc, il me semble clair que c’est le sel qui assure principalement le rôle de conduction du signal électrique intercellulaire et donc la conduction du signal électrique tout court.

Ce qui veut dire que le sel minéral manquant, dans le tétanos, c’est le sel. Ça n’est pas le magnésium, le potassium ou le calcium. C’est essentiellement le sel.

Donc, il est extrêmement simple de se débarrasser des symptômes du tétanos. Il suffit de manger du sel ou de se faire perfuser avec une solution d’eau salée.

(Note, le sodium se trouve très peu dans le liquide intracellulaire, contrairement à mon hypothèse de départ. Mais ça n’a pas tellement d’importance en fait, puisqu’il suffit que ça joue sur un des deux éléments de la contraction : la transmission intercellulaire et la transmission intracellulaire. Si ça jouait sur les deux éléments, ça serait la totale, mais un seul suffit)

C’est pour ça qu’un bol de bouillon de poulet ou autre volaille marchait parfois assez bien sur le tétanos. C’est qu’en fait, souvent, ça devait contenir du sel. Et du coup, la personne retrouvait rapidement une concentration du corps en sel suffisante pour sortir de l’état de tétanie. Mais si la quantité n’était pas suffisante, ou que le médecin s’avisait de refaire une saignée ou une purge, le taux de sodium pouvait retomber à des niveaux bas et la personne pouvait replonger dans l’état de tétanie.

Dans mon article précédent sur le tétanos, je pensais que le bouillon apportait du magnésium. Mais en fait, c’était encore plus simple que ça. Ça apportait tout simplement du sel.

L’utilisation du petit lait était aussi évoquée (dans la partie « tétanos non traumatique »). Eh bien, sur Wikipédia, on apprend que le petit lait doux contient 2,5 g de sel par litre. Et pour le petit lait acide, c’est 7,5 g/L. Donc, ça pouvait apporter une quantité de sel suffisante pour faire disparaitre la tétanie. Après, les résultats pouvaient varier en fonction du type et de la quantité de petit lait consommé, ainsi que de l’état de manque de sel du corps, les saignées, les purges, etc…

Et on peut penser que parfois, ça ne marchait pas parce qu’on n’avait pas ajouté de sel dans le jus de volaille, ou trop peu.

On peut aussi se faire la réflexion que comme il n’y avait pas de seringue, à l’époque, on ne pouvait supplémenter la personne en produits salés que par la bouche. Seulement, comme la tétanie extrême entraine un trismus, c’est-à-dire une sorte de crampe de la bouche qui la maintient fermée, c’était souvent impossible de faire manger la personne et à peine de la faire boire. Donc, cette caractéristique de la maladie rendait parfois impossible d’administrer le remède (le sel), ce qui faisait que la personne finissait par mourir.

On peut penser aussi que s’il y avait finalement peu de cas chez les militaires, c’est en partie qu’ils devaient manger un certain nombre de produits salés, plus faciles à emmener en campagne. Donc, ils n’étaient pas trop carencés en sel. Et puis, évidemment, il fallait au moins une petite blessure pour qu’on fasse ce diagnostic de tétanos. Forcément, ça limitait le nombre de cas possibles.

Alors c’est vrai que les gens qui prennent du magnésium en supplément voient disparaitre les symptômes de tétanie. Mais pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils prennent souvent d’énormes doses de magnésium, autant, voir plus que de sel. C’est ce qui est recommandé sur les sites de médecine alternative. Donc, là, tout d’un coup, le magnésium peut remplacer le sel en tant qu’ion conducteur de signal électrique extracellulaire. Mais ça ne doit être que temporaire, puisqu’apparemment, le magnésium se trouve surtout dans les cellules. Donc il va être absorbé par elles et le taux de magnésium extracellulaire va rapidement baisser.

Ici, on apprend que le taux de magnésium sanguin normal est d’environ 0,9 mmo/L :

« À titre indicatif, les concentrations sanguines normales de magnésium varient de 0,7 à 1,1 mmol/L (millimoles par litre).

Si la concentration est inférieure à 0,7 mmol/L, on parle d’hypomagnésémie.« 

C’est donc environ 150 fois moins que le sel. Mais si on prend 20 g de magnésium par jour, ça peut faire augmenter ce taux à un niveau suffisant pour que assurer temporairement le rôle du sodium comme conducteur électrique.

Donc, effectivement, pour le tétanos ou la tétanie d’herbage (pour les ruminants), ça doit être possible de résoudre apparemment le problème avec du magnésium (avec des méga-doses). Mais, ça ne signifie pas que le problème à la base était un manque de magnésium.

Et, concernant les animaux ruminants, s’il y a tétanie d’herbage, ça ne vient donc pas d’un manque de magnésium, mais forcément d’un manque de sel à la base.

Sur Wikipédia, il est dit que la tétanie d’herbage vient d’un manque de magnésium. A mon avis, ce qu’il y a, c’est que quand les végétaux manquent de sodium parce qu’ils sont trop chargés en eau, ils manquent aussi de magnésium. Donc, c’est facile de se concentrer sur le magnésium et de dire que la tétanie d’herbage vient d’un manque de ce minéral. Et effectivement, là aussi, une supplémentation importante en magnésium va résoudre le problème. Donc, le diagnostic initial semblera bon.

Par ailleurs, comme on va le voir plus loin, un excès de nitrate dans les sols peut conduire à un manque de sodium ; mais aussi de magnésium au niveau des plantes. Donc, là encore, on peut avoir un manque de magnésium et de sodium.

Une question qu’on peut se poser, c’est que vu que l’herbe contient très peu de sel, comment font les herbivores pour ne pas être carencés ? Eh bien c’est tout simplement parce qu’ils mangent des quantités d’herbe énormes. Donc, ils arrivent malgré tout à obtenir la dose quotidienne nécessaire. Seulement, comme on peut le voir avec le problème de la tétanie d’herbage, l’équilibre est fragile, il suffit qu’il y ait un peu trop de pluie lors de la pousse de l’herbe au printemps, un peu trop de potassium dans l’herbe, que l’animal ait des problèmes rénaux, etc.., pour que les herbivores se retrouvent d’un coup en situation de carence en sel et donc de tétanie. Donc, même en mangeant toute la journée, ces animaux arrivent à être à la limite de la quantité de sel nécessaire, tellement l’herbe en contient peu.

C’est pour ça que les vaches ou les moutons d’élevage adorent lécher les pains de sel que les éleveurs mettent à leur disposition. C’est qu’ils en ont besoin.

Les carnivores, eux, semblent être assez rarement atteint de ce problème. C’est probablement parce qu’ils mangent essentiellement des animaux et boivent peu (puisque l’eau vient surtout de l’alimentation). Donc, comme les animaux qu’ils mangent ont un bon taux de sel, ils ont eux-mêmes un bon taux de sel. Et ils ne vont pas boire assez d’eau pour le diminuer de façon importante. C’est vrai que si les herbivores, rongeurs, etc.., ont un taux de sodium assez faible dans le sang à cause des problèmes vus plus haut, il est théoriquement possible que les carnivores soient impactés à leur tour. Sauf que le phénomène sera probablement plus lent à se mettre en place ; et les carnivores peuvent consommer un peu plus de proies afin d’augmenter la quantité de sel absorbée. Alors que les herbivores, eux, consomment déjà tellement de nourriture naturellement qu’ils doivent arriver rapidement à leur limite et ne pas pouvoir manger plus. Les carnivores, eux, doivent avoir une limite plus importante et peuvent donc compenser plus facilement (s’ils trouvent des proies bien sûr).

Et il est possible aussi que chez les chats et chiens domestiques actuels, il y ait problème de manque de sodium si le maitre donne des croquettes sans sel (pour diverses raison de santé).

Concernant les humains, dans les temps anciens, comme ceux-ci mangeaient beaucoup de végétaux et peu de viande, il est normal que certains aient été touchés par des problèmes de tétanie plus ou moins graves à certains moments de l’année, selon la pluviométrie. En fait, ils étaient un peu dans la même situation que les herbivores. Cela dit, les problèmes graves devaient arriver assez rarement, parce que les gens utilisaient massivement la technique de salage pour conserver les viandes, les poissons et les fromages. Le sel était indispensable pour pouvoir manger durant les mois d’hivers et de printemps, en l’absence de végétaux. Donc, ils devaient consommer régulièrement des aliments enrichis en sel. Et il devait être assez rare qu’ils se retrouvent carencés.

Par ailleurs, on ajoutait beaucoup moins de potassium et de nitrate aux cultures. Ça aussi, ça limitait en partie le problème.

Pour en revenir à la tétanie d’herbage des herbivores, j’ai trouvé cette très intéressante page (version longue disponible ici) suite à mes réflexions sur le sujet.

Un gars du nom de Thomas Swerczek, un vétérinaire américain du Kentucky, a subodoré dans les années 90 que le problème de la tétanie d’herbage venait en fait du sel et a conduit à partir de là des recherches sur le sujet.

Il a montré de façon claire que le problème de la tétanie d’herbage venait, non pas d’un manque de magnésium ou de calcium, mais bien d’un manque de sel.

Ainsi, il parle des pratiques de supplémentation en magnésium qui existaient déjà dans les années dans les années 60.

Quand on n’est pas de la partie, ça parait étonnant qu’on ait commencé à donner du magnésium dès les années 60. Mais, il faut savoir que la tétanie d’herbage a été décrite pour la première fois en 1930 en Angleterre et a été immédiatement associée à un manque de magnésium et éventuellement de calcium ainsi qu’à un excès de potassium. On avait également compris que dans des conditions fraîches, humides ou de repousse après le gel ou la sécheresse, les niveaux de magnésium dans certains fourrages chutent, tandis que les niveaux d’azote et de potassium montent en flèche. Donc, puisqu’on savait déjà tout ça depuis les années 30, il est normal qu’on ait mis en place des procédures de supplémentation dès les années 60, voir même avant.

Or, il dit que les animaux continuaient à souffrir de tétanie d’herbage malgré l’apport de magnésium.

Au début, le problème venait apparemment en partie du fait que les animaux refusaient le magnésium à cause de son gout amer : « Quand je suis arrivé au Kentucky en 1969, la prévention courante de la tétanie d’herbage était de donner plus de magnésium. Mais le bétail ne voulait pas manger du magnésium en raison de son goût amer, alors il a été mélangé avec d’autres aliments. De plus, certains agriculteurs ont donné de la farine de viande et d’os, qui est riche en magnésium« .

Evidemment, là, le problème de venait pas de l’inefficacité du magnésium, mais seulement du fait que les animaux refusaient de le manger. Mais on entre dans le vif du sujet juste après.

Par la suite, donner du phosphate dicalcique et des minéraux inorganiques est devenue une pratique courante. « Les zoologues et les nutritionnistes pensaient que certains fourrages étaient de mauvaise qualité et que nous devions ajouter des minéraux pour une meilleure gestion. Mais ces suppléments n’ont pas empêché le syndrome de la tétanie d’herbage« .

Donc, voilà, on a donné du magnésium aux animaux. Mais ça n’a pas empêché la tétanie d’herbage. Ça montre clairement que le problème ne vient pas du magnésium.

Alors, on pourra répondre que pourtant, ça marche avec les humains. Donc, ça devrait marcher avec les animaux. Oui, mais comme on l’a vu, les doses recommandées pour les humains dans les cercles de médecine alternative sont des méga-doses de magnésium. On parle de 20 g par jour. Or, ici, on a dû donner des doses normales de magnésium. Les vétérinaires ont dû mesurer le taux normal de magnésium présent dans les sang des bovins et ovins en bonne santé, et ils ont dû administrer des doses permettant d’atteindre ce taux normal. Seulement problème, comme ça n’est pas le magnésium qui assure le rôle principal de conduction électrique dans le corps (au taux normal),  ça n’a rien donné sur la tétanie d’herbage.

Et le problème a continué même en supplémentant les animaux de plus en plus tôt et longtemps.

« Ainsi, les producteurs ont évolué vers une supplémentation en magnésium pendant les 2 à 3 semaines de croissance printanière intensive. Comme cela ne réduisait pas l’incidence de la tétanie d’herbage, les nutritionnistes ont recommandé de commencer la supplémentation encore plus tôt, soit 4 à 5 semaines avant le pic de croissance des pâturages.

Ça n’a pas marché non plus. Ils ont donc recommandé de commencer en février, avant que l’herbe ne commence à pousser. Dans les années 1980, on recommandait de prendre des suppléments tout au long de l’année afin de les introduire dans les os des animaux « , explique M. Swerczek. L’idée était que le bétail aurait accès à la réserve osseuse de magnésium lorsque les niveaux de sang chuteraient en raison de changements soudains dans les pâturages.

Donc, voilà, il est clair qu’aux doses administrées, la supplémentation en magnésium ne marche pas, et ce tout simplement parce que ça n’est pas le magnésium le conducteur du flux électrique dans le corps.

On nous donne ensuite quelques précisions sur le parcours professionnel de Swerczek. On apprend qu’il faisait des diagnostics et des nécropsies sur le bétail jusqu’au début des années 70, puis que pendant 15 ans, il a travaillé comme pathologiste en recherche diagnostique équine. Donc, d’après ce qu’on comprend, il n’a plus fait de diagnostics ni de nécropsies, ou alors, pas sur ce qu’il appelle le « bétail », ce qui doit désigner à priori les vaches, les moutons, etc.., à l’exclusion des chevaux. A priori, ça doit être plutôt ça, il devait continuer à faire des nécropsies, mais seulement sur les chevaux. Mais, à partir de 1986, il a étendu son champ de recherche à nouveau sur tous les types d’herbivores. Il a alors été surpris de voir à quel point la situation de la tétanie d’herbage chez les autres herbivores s’était aggravée durant ces 15 années.

Il s’est alors mis à travailler avec un certain William McCaw. Et à eux deux, ils ont fait des recherches sur divers troupeaux. Ils ont également essayé de convaincre des éleveurs de l’état du Kentucky de changer l’alimentation de leurs animaux.

Déjà, Swerczek a trouvé un troupeau de bœufs hybrides Hereford-Simmental auxquels l’éleveur donnait du sel en vrac (c’est-à-dire du sel sous forme de grains, par opposition aux blocs de sel) plutôt que des mélanges à haute teneur en minéraux (magnésium, calcium, etc…) et faible teneur en sel.

Il mettait ce sel en grains dans des petits hangars (un hangar par pâturage) afin qu’il soit à l’abri des intempéries et ne soit pas dissout dans de l’eau. Ceci, alors que la plupart des agriculteurs étaient passés du sel en vrac aux mélanges de minéraux et aux blocs de sel et de minéraux.

Et par ailleurs, il ne donnait aucune supplémentation en magnésium.

Or, cet éleveur était dans le métier depuis 40 ans et n’avait jamais eu un seul cas de tétanie d’herbage.

Swerczek relate une expérience avec un autre éleveur ayant un troupeau de 1000 têtes de vaches de race angus. On a un premier cas avec une vache souffrant de tétanie depuis plusieurs jours malgré de multiples traitements avec du magnésium et du calcium. Swerczek a mis du sel de mer devant la vache. Trois heures après, la vache s’était levée et avait marché. Puis, elle s’est recouchée. L’éleveur a alors mis plus de sel devant elle. Et le lendemain, elle s’était levée et avait rejoint le troupeau.

Donc, ici, on constate que le traitement au magnésium ou au calcium, même répété plusieurs jours de suite ne marche pas, alors que celui avec le sel marche immédiatement.

On a un deuxième cas, toujours avec le même troupeau et apparemment le même jour, d’autres vaches qui étaient atteinte de tétanie d’herbage et se trouvaient couchées. Swerczek a dit à l’éleveur de mettre une poignée de sel devant elles, ou même d’en mettre carrément dans leur bouche. Elles ont toutes été guéries.

Du coup, Swerczek a proposé à l’éleveur de supprimer leur supplémentation riche en minéraux et pauvre en sel et de leur en donner une riche en sel et avec une faible teneur en oligo-éléments. L’éleveur a accepté pour un petit groupe de vaches, qui a été confiné sur une parcelle séparée. La vague de froid suivante, les vaches ayant accès à des mélanges à haute teneur en sel et faible teneur en oligo-minéraux n’ont pas été affectées par la tétanie, tandis que les autres ont été affectées.

Donc, là encore, on constate que c’est bien le sel qui protège contre la tétanie d’herbage, alors que les suppléments à haute teneur en minéraux ne marchent pas.

Ensuite, Swerczek donne des détails pratiques et théoriques très importants qui permettent de répondre aux objections qui pourraient être faites à sa théorie.

Les détails pratiques portent sur la façon d’administrer le sel aux herbivores. Il montre que les pains de sel sont parfois insuffisants.

Ils peuvent être insuffisants quand les vaches ont besoin de beaucoup de sel d’un seul coup. Or, c’est ce qui se passe dans certains cas de tétanie d’herbage où ça n’est pas seulement un manque de sel qui est en cause, mais également un excès de potassium ou/et de nitrate. Là, les besoins en sel peuvent être très importants et le pain de sel peut ne pas en fournir assez.

C’est logique, parce qu’il faut se souvenir que les vaches et autres ruminants consomment des quantités énormes de nourriture chaque jour. Donc, lécher un peu de sel va représenter un apport assez faible par rapport aux quantités de nourriture ingérées. Dans une situation normale, ça va suffire. Mais dans une situation où les besoins sont élevés, ça risque fort de ne pas l’être.

Il peut y avoir des problèmes avec les pains avec les autres espèces que les vaches. Apparemment, les pains de sel pour les vaches ne sont pas adaptés à certaines autres espèces. Les vaches ont une langue rappeuse qui permet de prélever une quantité plus importante de sel sur un pain. Mais les chevaux ont une langue plus lisse. Du coup, il leur faut un pain de sel spécial chevaux. Mais souvent, les éleveurs de chevaux vont leur donner des pains de sel pour vache qui ne seront donc pas adaptés. Donc, selon les espèces, les pains de sel utilisés peuvent être inadéquats et l’animal peut souffrir malgré  tout de manque de sel.

Par ailleurs, il semble dire que le sel pur n’est parfois pas suffisant probablement parce que pas bien accepté et qu’il faut alors ajouter le sel dans la ration de grains ou dans du sucre.

Effectivement, on peut se dire que certaines vaches ou autres herbivores vont refuser de manger du sel en grain ou en pain pour une raison ou pour une autre. Il est possible que l’animal n’ayant jamais mangé la chose sous cette forme se méfie. Une autre éventualité est qu’il ait mangé trop de sel d’un seul coup une première fois et qu’il ait identifié là chose comme mauvaise. La même chose peut se voir chez un enfant humain. Si on lui fait manger 10 g de sel d’un coup, ça va lui sembler très désagréable. Il peut alors en garder un mauvais souvenir et ne plus toucher au sel sous cette forme. Donc, mettre le sel dans des grains ou dans un aliment sucré peut être intéressant dans certains cas.

On a des témoignages ici sur ce problème des pains de sel pour chevaux.

Par exemple, certains vont avoir tendance à en manger trop par ennui et à consommer tout le pain de sel. Et du coup, les autres ne vont pas en manger. Certains détruisent le pain de sel avec leurs pattes, encore par ennui.

C’est à vérifier, mais ce qui doit se passer, c’est que comme les blocs de sels destinés aux chevaux doivent être plus tendres, ils sont aussi plus friables et doivent casser ou s’effriter plus facilement.

Ces détails pratiques sont cruciaux. Parce que beaucoup d’éleveurs et autres spécialistes pourraient dire que la théorie du sel est fausse puisque beaucoup de troupeaux ont accès à des pains de sel et souffrent malgré tout de tétanie d’herbage. Là, la contradiction apparente est résolue.

Les détails théoriques concernent les nitrates et le potassium.

Concernant les nitrates, il dit une chose que je ne crois pas avoir vue ailleurs jusque-là. Il a analysé deux groupes de chevaux, un avec un apport de sel et l’autre sans. Il a alors mesuré les taux de nitrates sanguin et a vu que chez ceux n’ayant pas d’apport en sel, les niveaux de nitrates augmentaient fortement, alors que ça n’était pas le cas chez les autres.

Son explication est que les cations, spécialement le sodium, servent à éliminer les nitrates en excès. Et effectivement, quand on se renseigne sur les nitrates, il semble que ça a une forte affinité pour le sodium (ça forme alors du nitrate de sodium). En fait au niveau chimique, le nitrate est un anion. Et les anions se lient aux cations. Or, l’ion sodium est un cation, de même que l’ion magnésium ou l’ion calcium. Donc, il est normal que le sodium et les nitrates se lient ensemble, de même que le magnésium et le calcium se lient avec les nitrates.

Du coup, selon lui, quand le taux de sel diminue, les nitrates se fixent aux autres cations disponibles, à savoir le magnésium et le calcium. Effectivement, c’est très certainement le cas.

C’est à ce moment-là que mon opinion diffère de la sienne. Il semble qu’il reste dans la théorie officielle et dise que l’important ici n’est pas tellement la perte de sodium, mais la perte de magnésium et de calcium et que ça soit le manque de ces deux derniers éléments qui provoque la tétanie. Selon lui, le seul rôle du sodium serait de protéger le corps de la perte de magnésium et de calcium. Je pense au contraire que l’important ici, c’est bien le sodium, et pas le magnésium ni le calcium. A mon avis, on peut avoir des taux de magnésium et de calcium bas tout en n’ayant pas de tétanie, si le taux de sodium reste important.

D’ailleurs, son raisonnement est relativement contradictoire avec ses expériences, parce qu’il a bien vu que le fait de supplémenter les animaux en magnésium et en calcium n’avait aucun effet. Donc, c’est bien que le problème ne vient pas d’un manque de magnésium et de calcium. Bien sûr, on peut mettre en avant l’idée que le sodium est présent en quantités bien plus importantes que le magnésium et le calcium dans le sang et les tissus. Donc, le fait d’augmenter la consommation de magnésium et de calcium risque d’être insuffisant en termes de quantités pour éliminer les nitrates en surplus ; ce qui pourrait expliquer pourquoi les suppléments de magnésium et de calcium n’ont pas réussi à soigner la tétanie. Mais, toutes les tétanies ne sont pas liées aux nitrates. Il y en a qui sont liées essentiellement au manque de sels minéraux dans l’herbe. Et dans ce cas-là, le magnésium et le calcium devraient marcher ; mais ça ne semble pas être le cas. Donc, ça montre bien que le problème se situe au niveau d’un manque de sodium.

Par ailleurs, le succès du magnésium à méga-doses chez les humains, et l’échec en doses normales chez les animaux montre que c’est bien le fait d’avoir des quantités similaires au sodium qui est important. 

En fait, ce qui est possible, c’est que contrairement à ce que dit Swerczek, les nitrates consomment tous les cations présents sans préférence particulière (ou une préférence faible). Donc, en fait, tous les éléments cationiques verraient leur niveau diminuer dans une même proportion (plus ou moins). Donc, tous les cations métalliques susceptibles de transmettre le signal électrique verraient leur quantité diminuer. Et donc, le signal électrique serait transmis de plus en plus mal. On n’aurait pas d’abord le sodium qui serait consommé, puis le magnésium et le calcium. Tout arriverait en même temps. Quant au fait que l’apport en magnésium et en calcium viendrait des os ou des cellules, je ne pense pas que la présence de nitrates influence beaucoup le phénomène. Et de toute façon, ça reviendrait au même, ces minéraux seraient consommés au fur et à mesure dans les mêmes proportions que le sodium par les nitrates.

Malgré ces divergences de vues, sa théorie reste très intéressante. Parce que ça veut dire qu’une augmentation du taux de nitrate dans l’herbe ou l’eau peut entrainer des tétanies. Parce que si le sodium permet d’éliminer les nitrates, ça veut dire à l’inverse que l’excès de nitrate peut lessiver le corps du sodium. Donc, sans apport de sel, la bête va se retrouver en état de tétanie. Et c’est intéressant aussi parce qu’on peut appliquer le principe également aux humains. Des personnes qui vivent dans une région ou l’eau et les végétaux sont riches en nitrates risquent de développer des crampes ou même des tétanies (ou, au niveau psychologique, des périodes d’énervement, de stress).

Alors, le rapport entre nitrates et tétanie est apparemment connu, puisqu’on en parle dans le livre « Santé animale: bovins, ovins, caprins » De Carole Drogoul, Hubert Germain, page 53. Mais ici, on a une explication intéressante et qui relie le problème au sel et pas au magnésium ou au calcium.

Ensuite, il parle du problème du potassium. Là encore, le problème est connu. Mais il donne un détail intéressant.

Il dit qu’il y avait des morts d’animaux dans des troupeaux malgré un apport de sel adéquat. Ce qui se passait, c’est que les bêtes ne mangeaient pas assez de sel. Il a remarqué par ailleurs que le niveau de potassium dans l’herbe montait en flèche après une forte gelée, surtout lorsqu’elle était luxuriante et très fertilisée (ça aussi, c’est apparemment une chose connue). Le potassium était alors 15 fois plus élevé que la normale.

Il a alors fait l’hypothèse que, dans la mesure où l’ion potassium ressemble fortement au sodium, le corps n’est pas forcément capable de faire la différence et peut croire qu’il est saturé en sodium alors qu’en fait, il est saturé en potassium et en carence de sodium. Donc, l’animal arrête de manger du sel, et se retrouve encore plus carencé en sodium, ce qui peut le conduire à la mort.

Du coup, il est possible que dans certains cas d’excès de potassium, le fait de laisser du sel à disposition ne serve à rien. Il faudrait alors faire des injections d’eau salée.

Là aussi, c’est une idée importante, parce que certains éleveurs pourraient répondre que la théorie du sel est fausse puisqu’ils ont mis à disposition du sel en grain et que pourtant, les animaux sont morts de tétanie d’herbage.

Donc, dans la mesure où il est clair que le tétanos et la tétanie d’herbage, c’est la même chose (mêmes causes), le fait que Swerczek ait bien montré que le sel prévient et guérit la tétanie d’herbage donne une indication supplémentaire que c’est bien le manque sel qui cause le tétanos et pas le manque des autres minéraux. Et donc, ça va sans dire sur ce blog (voir mon précédent article sur le tétanos), mais c’est mieux de le redire : il n’y a jamais eu de tétanos au sens d’une maladie microbienne. Le tétanos microbien ça n’a jamais existé. Le tétanos a toujours été causé par un manque de sel.

Quant au fait qu’on ait dit que la tétanie d’herbage était causée par un manque de magnésium, c’est dans la longue tradition de l’orthodoxie médicale de viser à côté. Là, la base de départ était bonne. Mais au dernier moment, ouuups, on se trompe de minéral et on ne donne pas la vraie cause du problème, ce qui fait que le problème de la tétanie d’herbage continue, ce qui permet aux vétérinaires de continuer à s’en mettre plein les poches.

2 réflexions sur « Tétanos et tétanie d’herbage, le fin mot de l’affaire : la carence en sodium »

  1. Ce qu’on peut se dire aussi, c’est que le mercure qui était souvent utilisé comme remède il y a 150 ans se lie apparemment assez bien avec le sodium (ça fait un alliage appelé amalgame de sodium). Donc, administrer du mercure pouvait entrainer une baisse du taux de sodium corporel et donc des symptômes de tétanie.

    Heureusement, le mercure devait être assez cher à l’époque. Donc, ça ne devait être administré qu’à des gens relativement riches, ce qui devait limiter le nombre de cas liés à la consommation de cette substance.

  2. Ce qu’on peut penser aussi, c’est que, dans les temps anciens, le fait d’administrer des purgatifs, qui non seulement ont tendance à drainer le sel par les diarrhées qu’ils entrainent, mais en plus, augmentent le signal électrique corporel, devait favoriser la survenue de ce genre de problème.

    De nos jours, comme on administre des opiacés ou analogues d’opiacés très souvent en fin de vie ou en cas de douleur, et qu’on injecte aussi des solutions physiologiques salées les épisodes de tétanies extrêmes apparaissent beaucoup plus rarement. Et s’ils apparaissent, ils sont traités très rapidement.

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