Tests d’adn : autres informations concernant l’article de 2009

 

J’avais parlé en novembre 2009 du fait que les tests d’adn sont bidon. J’avais rapporté l’histoire d’un avocat américain appelé William C. Thompson. Celui-ci avait raconté sur cette page, comment les procédures des tests d’adn pour les enquêtes policières étaient faites. Et ce qu’il disait était accablant. En gros, les techniciens sont au courant de l’enquête policière et adaptent ainsi les résultats pour fournir aux policiers le résultat qu’ils attendent. Pour ça, le technicien trafique le test purement et simplement. Il utilise un logiciel du genre Photoshop pour rendre les bandes d’adn plus ou moins lumineuses qu’elles ne le sont réellement, il les déplace, il les agrandit ou les rétrécit, etc…

 

Un autre élément accablant dont je n’avais alors pas parlé, est la difficulté extrême qu’a eue William Thompson pour accéder aux éléments de l’enquête avec la société qui avait fait le test d’adn.

L’affaire en question consistait en un viol. Deux personne étaient accusées : un dénommé Sammy Marshall et un autre homme. Du sperme avait pu être récolté sur la victime et donc des tests d’adn avaient pu être effectués.

Voyant que malgré ce qui était déclaré sur le résultat du test génétique, les bandes d’adn ne correspondaient pas entre celle du présumé coupable et celle de son client (Sammy Marshall), Thompson a d’abord essayé de convaincre le procureur de ne pas recourir à l’adn comme preuve de la culpabilité de son client en lui montrant les bandes qui ne semblaient pas correspondre. Ayant appris que l’opérateur était au courant des détails de l’affaire, ce qui pouvait l’influencer, il a également avancé le problème du « biais de l’observateur ». Mais ça n’a pas convaincu le procureur. Ce dernier a avancé l’argument que le test d’adn en question était objectif parce qu’il ne comportait pas d’intervention humaine. En effet, les résultats étaient entièrement obtenus grâce à un système d’imagerie automatique contrôlé par ordinateur (ici une machine BioImage). Donc, la procédure ne pouvait qu’être parfaitement objective.

Ca semblait imparable. Mais Thompson n’a pas abandonné l’affaire et s’est dit que puisque le résultat était objectif, il devrait alors être possible de reproduire le résultat de Genetic Design (l’entreprise qui avait conduit le test). Il a donc cherché des gens qui pourraient réaliser le test, et il a appris qu’Aimee Bakken, une biologiste moléculaire de l’université de Washington, avait accès à une machine BioImage, comme celle qu’avait utilisée Genetic Design. Le professeur Bakken  a généreusement proposé son aide. En utilisant sa machine, et des copies des autorads, elle a essayé de répliquer les résultats du laboratoire médico-légal. Elle a échoué. Elle n’a pas réussi à détecter certaines des bandes qui incriminaient soi-disant Marshall, et elle a détecté d’autres bandes qui ne l’incriminaient pas.

Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est un autorad, il s’agit d’un film radio qui fixe la radioactivité des bandes d’adn identifiées. La procédure est la suivante. On réalise d’abord la multiplication de l’adn cible par PCR (technique qui permet de multiplier un brin d’adn particulier par milliard). Puis on sépare les différent brins d’adn cibles obtenus, par leur poids moléculaire. Pour ça, on utilise la technique de l’électrophorèse. Concrètement, il s’agit d’un bac rectangulaire dans lequel il y a un gel. On applique un courant électrique, et les brins les plus légers se déplacent en ligne droite vers l’extrémité du bac tandis que les plus lourds restent plus près de l’autre extrémité. Le résultat se présente sous forme de bandes d’adn réparties sur le gel. On transfert ensuite le résultat sur une feuille en nylon par effet papier buvard. On colle aux brins d’adn fixés sur cette feuille en nylon d’autres brins d’adn collés eux-mêmes à des particules radioactives. Ça permet de transférer le résultat obtenu sur un film radio (les zones soumises à la radioactivité vont se noircir sur le film), ce qui permet d’avoir un résultat visuel. Ce sont les autorads en question. Enfin, on scanne le résultat et on obtient une image sur ordinateur. Le résultat est présenté soit sous forme de bandes d’électrophorèse (c’est-à-dire les bandes telles qu’elles se présentent visuellement sur l’autorad), soit sous forme de courbes. Si les bandes se retrouvent au même endroit sur l’autorad du suspect et l’autorad contenant l’adn trouvé sur le lieu du crime, normalement, c’est que le suspect est coupable ; si cet adn ne pouvait appartenir qu’au criminel bien sûr.

Donc, ici, Thompson possédait une copie des autorads originels, et a demandé au docteur Bakken de le rescanner et de les réanalyser, pour voir si l’ordinateur BioImage donnerait un résultat considéré comme similaire entre les deux tests. Mais le résultat était là-encore différent. Thompson pensait alors que ce rapport pourrait influencer le procureur, mais ça n’a pas été le cas.

Le procureur a soutenu que les résultats du docteur Bakken étaient non significatifs parce qu’elle avait utilisé des copies de deuxième génération des autorads qui contenaient moins de détails que les originaux. Thompson a alors suggéré que le procureur envoie les autorads originaux au professeur Bakken et le laisse les rescanner et les réanalyser.  

Mais le procureur a refusé avec l’argument que les preuves appartenant à l’état ne peuvent jamais être données à un expert de la défense, qui pourrait les perdre, les détruire, ou les altérer, etc… Les autorads originaux devaient rester à Genetic Design. Thompson lui a alors demandé s’il pouvait envoyer le professeur Bakken à Genetic Design afin qu’il réanalyse les autorads originaux. Le procureur a aussi refusé cette requête parce que Genetic Design ne voulait pas qu’un expert extérieur utilise sa machine BioImage.

Thompson a alors défendu l’idée que l’état devait permettre à l’expert de la défense de réanalyser les autorads au laboratoire médico-légal. La réponse du district-attorney a été qu’il n’y avait pas de telles exigences légales et que des désastres divers pourraient s’abattre sur le laboratoire médico-légal si un expert de la défense était autorisé à mettre ses mains sur les ordinateurs du laboratoire. La réponse de Thompson contestait les assertions de l’attorney. Mais après une brève discussion, le juge Mary Ann Murphy a décidé de donner tort à Thompson.

Mais, ne se décourageant pas, Thompson a alors essayé une autre approche. Il avait appris que la machine BioImage fonctionne en utilisant un scanner pour créer une image digitale des autorads. Cette image est alors analysée par l’ordinateur, qui produit ensuite une image sous forme de courbes. Il n’y avait donc pas besoin des autorads originels, mais juste des images scannées. Son nouveau plan était d’obtenir une copie de l’image informatique qui avait été créée au laboratoire médico-légal afin que le professeur Bakken puisse l’analyser à nouveau. Si le professeur Bakken échouait à répliquer les résultats obtenus en utilisant l’image informatique, le problème ne pourrait plus être attribué à une mauvaise copie. Une image digitale et ses copies devraient être identiques. Par ailleurs, il n’y avait aucun problème pour transmettre les images informatiques en question, contrairement aux autorads originels.

Obtenir l’image informatique s’est alors révélé être un vrai challenge. C’est là que ça devient intéressant. C’est en effet là qu’un directeur de Genetic Design a opéré un travail d’obstruction manifeste à la justice.

Thompson a demandé à Genetic Design de scanner et analyser les autorads une seconde fois en utilisant la machine BioImage. Il a demandé que l’analyste ne pratique aucune modification sur le résultat obtenu par la machine. Il a demandé également qu’une copie de l’image digitale de chaque autorad soit transférée sur une disquette et lui soit envoyée.

Au début, Genetic Design a semblé coopérer. Les autorads ont été réanalysés. Michael DeGuglielmo, le directeur de la branche « tests médicaux-légaux », a déclaré que la machine BioImage avait confirmé les résultats initiaux qui incriminaient Sammy Marshall. Mais, première entrave à la justice, il a dit que les fichiers images ne pouvaient pas être copiés sur des disquettes standards, ainsi que Thompson l’avait requis, mais exigeaient des disques optiques de grande capacité.

Quand Thompson a recherché des informations sur le type de disques optiques nécessaires (afin de pouvoir trouver un expert ayant un équipement approprié pour les lire), Il s’est heurté à un mur. DeGuglielmo a refusé soudainement de communiquer avec lui, à part via le procureur (donc, deuxième entrave à la justice). Ce dernier est alors devenu non coopératif lui-aussi. Thompson n’arrivait à rien dans sa tentative d’obtenir des informations supplémentaires, et il faisait face à une forte pression pour amener le cas au procès avec les informations qu’il avait déjà (la procédure judiciaire en était à une phase pré-procès).

C’est alors qu’il s’est mis à avoir de la chance. Il s’est trouvé qu’il a assisté à une conférence professionnelle sur les tests d’adn médico-légaux. Un certain nombre de firmes commerciales y présentaient leurs produits. Une d’entre elles était la compagnie BioImage, la productrice de la machine utilisée pour scanner et analyser les autorads de Marshall. Thompson a discuté avec un représentant de cette compagnie, et a fait part de sa déception concernant le fait que les fichiers images produits par la machine ne pouvaient pas être transférés sur des disquettes standard. Le représentant a réagi avec surprise et a déclaré « bien sûr que vous pouvez mettre les images sur une disquette ». Et à ce moment précis, qui est entré dans la salle ? Michael DeGuglielmo ! Celui-là même qui avait écrit une lettre indiquant que les disquettes ne pouvaient pas être utilisées à cette fin. Thompson a fait venir DeGuglielmo et lui a expliqué (à lui et à d’autres personnes qui étaient là) qu’on l’avait induit en erreur et que les disquettes pouvaient facilement contenir les fichiers images. Ça a été un moment à la « Annie Hall », durant lequel l’expert de BioImage est venu pour lui assurer que Thompson avait raison à propos de la possibilité d’utiliser des disquettes. DeGuglielmo semblait très peu apprécier de recevoir cette information. Il a fait plusieurs commentaires déplaisants à propos des avocats, mais il a accepté d’envoyer à Thompson les images sur des disquettes.

Un mois plus tard, Thompson n’avait toujours pas reçu les disquettes. Genetic Design semblait aussi retenir d’autres éléments qu’il avait demandé de lui transmettre. En conséquence de quoi, Thompson a alors utilisé une « Motion to Compel Discovery« , apparemment une obligation de délivrer les informations demandées. Dans cette dernière, il accusait le DA (district attorney je suppose) et Genetic Design d’obstruction à la justice. Le DA donna une réponse niant l’accusation. Mais, nouveau coup de chance, le juge Murphy fut remplacé par un nouveau juge. Lors d’une réunion, le nouveau juge écouta attentivement les arguments de Thompson. Il signa alors une série d’ordres exigeant que le procureur présente les fichiers image et les autres éléments qui avaient été demandés.

Malgré tout, les fichiers images n’étaient toujours pas produits. Quand Thompson a appelé Michael DeGuglielmo, plusieurs semaines plus tard pour lui demander quand il pourrait les recevoir, celui-ci lui a répondu que les fichiers images n’existaient plus ; ils avaient été effacés du disque dur de Genetic Design. L’entrave à la justice devenait de plus en plus hallucinante. En se basant sur cette révélation, Thompson envoya une motion de sanction pour destruction intentionnelle de preuves. Le jour où cette motion devait être discutée, le procureur produisit une déclaration sous serment (un affidavit) de DeGuglielmo déclarant (surprise, surprise) qu’il avait été induit en erreur et que les fichiers images n’avaient finalement pas été effacés.

A ce point de l’histoire Thompson était si suspicieux envers Genetic Design et M. DeGuglielmo qu’il doutait de pouvoir faire confiance aux fichiers images qu’il produirait. Quel assurance avait-il que les fichiers images reflèteraient de façon fidèle les autorads originels ? Heureusement, il a pu alors convaincre le nouveau juge d’ordonner à Genetic Design de rescanner et analyser les autorads, et ceci pendant que lui et un expert de la défense regarderaient.

C’est là que débute l’article que j’avais écrit en novembre 2009, où on constate que l’opérateur bidonne dans les grandes largeurs le résultat final. Il corrige manuellement le résultat donné automatiquement par l’ordinateur afin de fournir le résultat qu’il croit que la police attend.

 

Donc voilà.

– Michael DeGuglielmo ment quand il dit que les images ne peuvent être transmises par disquettes standards.

– Il refuse soudainement de communiquer avec Thompson quand celui-ci cherche à savoir quels disques optiques il faut utiliser.

– Lorsque Thompson le confond et lui prouve qu’il peut utiliser des disquettes standards, Michael DeGuglielmo fait mine d’accepter de lui envoyer, puis un mois plus tard, n’a toujours rien envoyé.

– Malgré une série d’ordres du juge lui-même, Michael DeGuglielmo n’envoie toujours pas les fichiers images. Ça dure plusieurs semaines.

– Il ment en disant que les fichiers images n’existent plus.

 

On a donc un comportement d’entrave à la justice clair et net de la part du directeur en question.

Vu ce qu’on sait par ailleurs sur la façon dont sont bidonnés les tests, cette réaction d’entrave totale à la justice est exactement celle qu’on attendrait de la part des têtes pensantes de ces compagnies face à quelqu’un qui s’interrogerait sur leur validité. Les tests sont trafiqués manuellement pour obtenir le résultat désiré, un avocat vient poser des questions gênantes, et bien sûr, c’est l’affolement et l’obstruction face aux demandes d’information. Ça doit passer au-dessus de la tête de bon nombre de techniciens, qui ne se posent aucune question, mais les personnes haut placées savent que la méthode est bidonnée.

Si les tests génétiques étaient aussi fiables que ça, s’ils correspondaient à ce qu’on en dit, alors, il n’y aurait absolument aucune raison que DeGuglielmo (et derrière lui, Genetic Design) ait ce comportement de sabotage de l’action de l’avocat. Il ne s’affolerait pas le moins du monde devant une demande de vérification d’un seul test d’adn. Une erreur serait tellement exceptionnelle que ça n’aurait aucunement lieu d’inquiéter qui que ce soit dans la compagnie en question. Mais voilà, les tests ne sont pas fiables. Et donc, très logiquement, on constate un comportement de non coopération.

 

Cela dit, justement, si Genetic Design avait si peur de montrer ses procédures truandées, alors, ils auraient très bien pu montrer une procédure qui ne l’était pas en exigeant de la part du technicien qu’il ne bidonne pas cette fois. Donc, s’ils ont montré la truande sans faire de problème, c’est bien que finalement, ça n’était pas ça le problème. Mais, l’action claire et nette d’entrave à la justice montre pourtant qu’ils craignaient la révélation d’un défaut fatal dans la procédure.

Pour comprendre, il faut voir comment la chose s’est déroulée, et aussi déterminer la cause de l’obstruction à la justice.

 

–          Ce qui semblait gêner Genetic Design au départ

 

En l’occurrence, ce qui gênait Genetic Design apparemment (en tout cas au début), c’était de communiquer l’autorad originel ou les images informatiques de l’autorad. C’est là-dessus qu’ils ont tout le temps fait obstruction. Donc, manifestement, ce qui leur posait problème, c’est que Thompson puisse prouver que les résultats (le leur et celui de  Bakken) ne correspondaient pas. En quoi ça pouvait les gêner ? Eh bien, l’autorad lui-même ou l’image informatique de l’autorad, n’est que le matériel de base. Le résultat final passe par l’ordinateur et le traficotage manuel de l’image. Donc, avec l’image informatique de l’autorad, analysée par un autre ordinateur, sans truandage manuel, le résultat aurait été totalement différent. Et donc, Genetic Design aurait dû être sommée de s’expliquer sur sa façon d’interpréter informatiquement l’autorad.

Là, le résultat était effectivement différent. Mais ils pouvaient toujours arguer du fait que Bakken n’avait à sa disposition qu’une copie de l’autorad originel. Donc, ils pouvaient dire que son résultat n’était pas significatif. En communiquant l’autorad originel ou les images informatiques de celui-ci, l’argument n’était plus valable, et ils auraient dû s’expliquer sur la cause de cette différence.

Donc, en communiquant l’autorad originel ou les fichiers images à l’avocat, l’analyse informatique aurait pu être faite par l’expert qui aidait l’avocat. Le résultat aurait été complètement différent de ce qu’avait obtenu par deux fois Genetic Design. Et là, ils n’auraient pas pu invoquer la mauvaise qualité de la copie de l’autorad. Donc, ça aurait montré qu’à partir d’une même image, avec deux labos différents, on obtient deux résultats différents. Il ne s’agit même pas de toute la procédure du test d’adn, mais simplement de la procédure finale (l’analyse de l’image par l’ordinateur). C’est une révélation énorme. C’était accablant pour les tests d’adn. D’où le fait que Genetic Design ait refusé toute collaboration avec Thompson.

En plus, il ne pouvait pas y avoir d’histoire de contamination génétique ou autre. Tout le problème était l’interprétation informatique de l’autorad originel. Ça se situait en aval de toute la procédure de réplication et d’isolement des fragments d’adn cibles.

Ils auraient pu dire qu’il y avait eu erreur informatique la première fois. Mais le problème, c’est qu’ils avaient dit qu’ils avaient refait l’analyse informatique une deuxième fois et que le résultat obtenu avait été le même.

« L’obtention des images numériques s’est révélé être un défi. J’ai demandé à Genetic Design d’analyser les autorads une deuxième fois avec la machine BioImage. J’ai demandé que l’analyste s’abstienne de toute « modification faite par l’opérateur » des analyses calculées par l’ordinateur concernant les bandes d’adn. J’ai aussi demandé à ce qu’une copie de l’image numérique de chaque AUTORAD soit transférée sur une disquette et me soit envoyée. Au début Genetic Design a semblé coopérer. Les autorads ont été analysés à nouveau. Michael DeGuglielmo, le Directeur des tests médico-légaux, a indiqué que la machine BioImage avait confirmé les conclusions initiales qui incriminaient Sammy Marshall. Mais il a dit que les fichiers image ne pouvaient pas être copiés sur des disquettes standards, comme je l’avais demandé, mais nécessitait des disques optiques de grande capacité. »

Donc, sur ce point, ils étaient coincés.

 

–          Au final

 

Le fait qu’au final, Genetic Design ait accepté de montrer que la procédure était traficotée manuellement montre que ce problème était moins important pour eux que la révélation du fait que deux analyses informatiques réalisées à partir d’une même image donnent deux résultats complètement différents. Si la révélation du traficotage manuel des analyses avait été leur crainte principale, alors, le jour de la venue de Thompson, ils auraient préféré obtenir un résultat différent des deux premiers, mais non trafiqué. Ainsi, Thompson n’aurait rien su des méthodes de bidonnage.

Mais ce qu’on peut se dire, c’est que :

– Un résultat différent aurait impliqué forcément une manipulation manuelle les fois d’avant

– Ils ont peut-être été pris de court par l’injonction soudaine de Thompson

– Ils devaient se dire qu’ils pouvaient tchatcher

 

Le problème, c’est que de toute façon, un résultat différent lors de la visite de Thompson aurait forcément impliqué une manipulation humaine lors des deux analyses précédentes. Comme l’analyse de l’autorad est faite par ordinateur, il est impossible que le résultat soit différent d’une analyse à l’autre (ou d’un labo à l’autre), si l’analyse est faite avec une machine identique. Pour qu’il le soit, il faut forcément qu’il y ait bidouillage manuel. Donc, là, soit les responsables de Genetic Design révélaient tout de suite la truande de l’intervention manuelle, soit ils obtenaient un résultat différent, ce qui révélait que précédemment, il y avait eu intervention d’un opérateur. Donc, quoi qu’il arrive, l’intervention manuelle était révélée.

Du coup, puisque de toute façon, ils étaient pris la main dans le sac, autant avoir un résultat identique aux précédentes fois, montrer la truande, et chercher à l’expliquer en disant que c’était normal de faire comme ça pour des raisons x ou y.

Je pense que ce qui a décidé DeGuglielmo de faire ça au final, c’est qu’il a dû se dire qu’il pouvait tromper Thompson en lui faisant croire que le bidonnage était une pratique normale. Dans la mesure où celui-ci n’était qu’un avocat, donc pas un technicien, il a pu se dire qu’il pouvait l’enfumer, même en présence d’un expert.

D’où le choix de montrer l’intervention humaine dans la procédure.

Est-ce que Thompson s’est laissé enfumer ? Oui et non. Non, parce qu’effectivement, il a bien vu que l’intervention manuelle était une truande. Et il a relaté son expérience. Mais quelque part, oui, parce qu’il n’est pas allé plus loin et a dit que d’habitude, les tests génétiques sont bien faits.

Et finalement, ça n’a pas été si grave pour Genetic Design, parce que l’accusé a accepté de plaider coupable en échange d’une peine de seulement 4 ans, qu’il avait déjà purgé. Donc, il était remis en liberté immédiatement. Et du coup, il n’y a pas eu vraiment de procès. Donc, toute la problématique mise en avant par l’avocat n’a pas été utilisée pendant un vrai procès (là, c’était les travaux préliminaires avant le véritable procès). Durant un procès, ça aurait pu faire du bruit. Mais avec le procès avorté, ça n’en faisait quasiment pas.

Cela dit, Thompson aurait pu utiliser cette connaissance pour d’autres procès. Donc, c’était potentiellement très dangereux pour Genetic Design. Mais il semble que ça n’ait pas été le cas. Donc, finalement, toute l’affaire est tombée à l’eau.

Peut-être aussi qu’ils ont été pris de court et que du coup, mis au pied du mur, ils n’ont pas vu d’autre solution que de révéler la vérité sur la procédure.

 

En résumé, les choses ont du se passer de la façon suivante.

Au départ, le problème pour Genetic Design était que donner l’autorad ou l’image informatique de celui-ci aurait entrainé la mise en évidence qu’avec un même autorad et une machine identique, on obtient des résultats très différents. Les responsables de Genetic Design le savaient parfaitement, et donc ont refusé totalement de coopérer. Leur espoir devait être que la procédure préliminaire au procès finirait par être close par le juge pour ne pas qu’elle prenne trop de temps et que Thompson serait obligé d’abandonner ses demandes. Ils devaient jouer la montre.

Mais, manque de chance, Thompson les a pris de court en obtenant une injonction pour refaire la procédure d’analyse de l’autorad chez eux en sa présence et celle d’un expert.

 A ce moment-là, ils avaient deux possibilités : 1) soit ils privilégiaient la cohérence entre les résultats déjà obtenus avant, mais en montrant la truande consistant à désactiver l’analyse automatique et à trafiquer les résultats manuellement ; 2) soit ils privilégiaient le fait de ne surtout pas montrer la truande, mais en obtenant un résultat différent des deux précédentes fois (ce qui révélerait de toute façon la truande, mais sans en donner le mode d’emploi).

Comme de toute façon, la truande aurait été révélée, ils ont choisi la possibilité 1, mais en essayant de faire avaler à Thompson que tout le traficotage des résultats était normal et justifié. Ils ont utilisé une stratégie de « contrôle des dégâts ».

Manque de chance pour eux, ça n’a pas marché. Thompson a bien compris qu’il s’agissait d’un bidonnage et l’a révélé au grand public via un site web. L’échec a été toutefois relatif, puisque Thompson n’a pas exploité tout ceci par la suite et il a continué à croire que cette pratique était peu fréquente.

Malgré tout, la bombe logique était posée, et n’attendait que des personnes plus sceptiques pour exploser.

 

PS :

Au passage, ce texte nous révèle encore 2 ou 3 choses importantes sur les tests d’adn.

Premièrement, il y a la problématique de l’automatisme de l’analyse des résultats. C’était une chose dont je n’avais pas parlé lors de mon premier article sur le sujet (à priori, ça ne devait pas être traité dans l’autre texte écrit par Thompson, ou pas très clairement). On pouvait objecter alors que je parlais de tests faits manuellement à la base (je  croyais que c’était le cas) et donc que comme les tests sont faits actuellement de façon automatique, il n’y a pas de possibilité de truande. J’aurais donc parlé d’une procédure obsolète et ma critique l’aurait été aussi. Là, avec l’information que le test en question était à la base supposé être fait entièrement par ordinateur et que le technicien a corrigé manuellement l’analyse en question, on voit que ça n’est pas le cas. Déjà à l’époque, l’analyse de l’autorad était censée être faite entièrement par ordinateur. Et en réalité, on pouvait tout à fait corriger manuellement les résultats donnés.

Evidemment, c’est très important. Parce que l’argument de l’automatisme total de la procédure est extrêmement fort. Si on ne sait pas qu’on peut outrepasser l’analyse automatique, l’orthodoxie médicale peut se retrancher derrière cet argument avec toute la mauvaise fois qu’on lui connait. Une fois qu’on le sait, cet argument s’effondre.

 

A quel moment se fait le trucage ? Apparemment, ça se fait après que le fichier image de l’autorad ait été créé. Grace à un logiciel du genre Photoshop, l’opérateur trafique l’image sur ordinateur, en poussant la luminosité, en déplaçant les bandes, en les rétrécissant ou en les élargissant, etc… Une fois l’image de l’accusé devenue identique à celle du coupable, on la fait analyser par l’ordinateur. Et l’analyse informatique considère évidemment que les deux images sont identiques.

 

Un autre élément important qui était implicite dans le papier précédent, mais qu’il convient de souligner, c’est que finalement, peu importe le vrai résultat de la PCR. Quel qu’il soit, le labo peut ensuite arranger le résultat en fonction de ce qu’il veut obtenir. Donc, on peut dire tout ce qu’on veut sur la PCR ou l’électrophorèse, dans la mesure où on bidonne après pour obtenir ce qu’on veut, les étapes précédentes n’ont qu’une importance assez moyenne.

 

Enfin, il semble possible que mettre un coup de feutre sur l’autorad permette de faire détecter une bande complète par l’ordinateur lors de l’analyse. Un petit coup de feutre, et hop, on obtient la bande désirée. Ça aussi, c’est une méthode de truande intéressante.

 

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