Pourquoi la péridurale n’est pas un bon plan

 

En visionnant par hasard une vidéo sur l’accouchement, je me suis mis à penser au problème de la péridurale. Et rapidement, tout un tas d’idées sur le sujet me sont venues.

La péridurale pour l’accouchement repose sur l’emploi d’un antidouleur de type opiacé. Alors, a priori, c’est super, parce que ça supprime, ou au moins diminue fortement la douleur. Et comme l’emploi de l’opiacé ne dure que quelques heures ou dizaines d’heures, il n’y a aucun danger d’addiction. Donc, ça ne semble présenter que des bénéfices.

Seulement, quand on connait les propriétés de ce type de médicaments, on sait qu’il y a un autre effet qui va avec, à savoir la relaxation musculaire. Et ça, ça présente un gros problème.

En effet, l’accouchement repose justement sur la contraction des muscles pour pouvoir faire sortir le bébé. Si les muscles ne peuvent pas se contracter, le bébé ne peut pas sortir. Donc, si on utilise un décontractant musculaire, que va-t-il se passer ? Eh bien il est clair que, les muscles ne pouvant plus faire leur travail d’éjection du bébé via les contractions musculaires, l’accouchement va durer beaucoup plus longtemps.

Et sur un site dont je n’ai plus la référence en tête, quelqu’un a fait une réflexion à laquelle j’aurais dû penser moi-même vu mes travaux récents, à savoir que ça diminue également la réactivité des nerfs. Autrement dit, les nerfs sont anesthésiés et donc les contractions ne se font plus, ou moins fort. La pression sur le col de l’utérus ne génère plus un signal électrique suffisamment important pour que soit envoyé un signal de contraction des muscles. Les témoignages rapportent effectivement que les femmes ne sentent plus ce qui se passe.

Donc, si on cherche sur Internet, on doit trouver une confirmation de ça. Et effectivement, c’est le cas. Sur ce site et sur celui-là, on apprend que la péridurale allonge le travail de 2 ou 3 heures (au passage, heureusement que j’ai réfléchi à ça seulement maintenant, parce que l’étude ne date que de début 2014).

Mais ça, c’est une moyenne. Dans de nombreux cas, l’accouchement pourra durer 12 heures, voire même 24 ou 48 heures. Et il est très possible aussi que la moyenne en question soit sous-estimée.

Donc, cette technique qui semble géniale à priori est très loin de l’être au final. Parce que si au lieu de durer 1 ou 2 heures, l’accouchement dure 6, 12, 24 ou même 48 heures, l’intérêt par rapport à un accouchement normal devient bien moins important. Parce que, même si les contractions sont moins violentes et la douleur moins présente, la femme fait alors face à un désagrément qui peut être tout aussi pénible : l’épuisement. Un accouchement qui dure 24 heures va être tellement épuisant que finalement, il aurait probablement été préférable qu’il soit un peu plus douloureux, mais beaucoup moins exténuant parce que beaucoup plus court.

 

Mais en fait, même concernant le problème des contractions et de la douleur brute, les choses ne vont pas être si avantageuses avec la péridurale, rendant ainsi l’avantage de la chose nulle ou même clairement négative.

En effet, très souvent, l’opiacé injecté va carrément arrêter complètement le travail d’accouchement. Si la situation ne change pas, rien ne va se passer. La femme pourrait bien rester des jours à essayer d’accoucher sans y arriver.

Pour pallier à ça, les médecins utilisent un médicament appelé Syntocinon. C’est soi-disant de l’ocytocine de synthèse. En réalité, c’est tout simplement un anti-inflammatoire (voir mes articles montrant que la médecine utilise en réalité seulement 2 types de médicaments). Ce médicament a un effet d’excitation musculaire. Ça permet de déclencher l’accouchement, ou de l’accélérer quand il est déjà commencé. Seulement, comme pour les opiacés, mais de façon inverse, ces médicaments viennent avec d’autres effets. En l’occurrence ici, l’augmentation de la sensation de douleur et l’augmentation de la violence des contractions.

Donc, quand la personne ne sera arrivée à rien après plusieurs heures, les médecins injecteront du syntocinon pour accélérer le travail. En fait, ils donneront une sorte d’antidote à l’opiacé. Seulement alors, les contractions et la sensation de douleurs redeviendront normales et la femme souffrira de la même façon que si elle avait accouché sans péridurale, rendant toute cette technique totalement sans intérêt. Elle sera même désavantageuse, puisqu’alors que la douleur aura été la même, la pénibilité globale aura été supérieure vu qu’il y aura eu la même « quantité » de douleur, avec en plus un travail bien plus épuisant parce que beaucoup plus long.

Et même souvent, le dosage de syntocinon ne sera pas idéal et les contractions et la douleur seront largement plus désagréables que lors d’un accouchement naturel. Donc là, toute cette prise en charge médicale (péridurale, syntocinon, etc…) aura été clairement contre-productive puisqu’elle aura abouti à un accouchement globalement beaucoup plus pénible qu’un accouchement naturel. Non seulement ça aura été beaucoup plus long, mais en plus, ça aura été beaucoup plus douloureux. Le truc complètement foireux.

Mais, n’étant pas conscientes de tout ça, les femmes ne verront pas les choses ainsi. Au lieu de se dire qu’en plus d’avoir eu de fortes douleurs, l’accouchement a duré un temps fou, elles vont se dire qu’heureusement qu’elles ont bénéficié de la péridurale, parce que les douleurs qu’elles ont ressenties durant les pires moments étaient tellement fortes que si ça avait été comme ça pendant tout ce temps, ça aurait été insupportable. Donc, dans leur esprit c’est « merci la péridurale ». Ne sachant pas que la très longue durée d’accouchement vient de cette dernière, elles vont croire que c’est normal et que ça aurait duré le même temps sans péridurale. Donc, avec cette vision erronée des choses, elles vont chanter les louanges de la péridurale et de la médecine moderne.

 

Autrement dit, en prenant par exemple une durée d’accouchement de 12 h, elles vont considérer que sur les 11 h de temps où elles n’ont rien ressenti, elles doivent remercier l’opiacé. Et pour les 1 h de souffrance, elles vont penser que c’était une souffrance inévitable. Elles vont se dire que normalement, elles auraient dû souffrir autant que durant les 1 h en question, et que si elles ne l’ont pas fait durant les 12 h de temps, c’est grâce à l’opiacé. Sauf qu’en réalité, elles auraient souffert au pire autant, au mieux moins et moins longtemps sans l’opiacé et l’ocytocine durant les 1 h. Et les 11 h auraient été réduites à beaucoup moins de temps. Donc elles ne doivent rien remercier du tout. On leur a inutilement allongé l’accouchement (avec l’épuisement que ça implique, et le stress de se dire que ça ne se passe pas normalement), et en plus, on ne les a pas fait échapper aux douleurs. Au contraire, les périodes de douleurs ont même été souvent bien pires que ce qu’elles auraient subi naturellement.

 

 

Et non seulement la péridurale va rendre l’accouchement bien plus long et souvent aussi douloureux, voire d’avantage, mais en plus, ça va faire augmenter fortement le nombre de césariennes. En effet, vu que la péridurale rend souvent les contractions trop faibles pour permettre la délivrance du bébé, au bout d’un moment, devant l’absence de résultat, les médecins vont proposer la césarienne. Si ça fait 48 h que la femme essaye d’accoucher, mais n’y arrive pas, le docteur va finir par proposer cette solution. Donc, en plus d’avoir subi un accouchement long et souvent aussi douloureux ou même plus qu’un accouchement normal, la femme va subir une opération chirurgicale et se retrouver avec une belle cicatrice sur le ventre.

Et du coup, on comprend pourquoi on a un taux important de césariennes désormais. Comme on utilise beaucoup la péridurale, on est naturellement amené à pratiquer beaucoup de césariennes.

Combien ? En France, 21 % des accouchements se font par césarienne (voir ici). Donc, le pourcentage de césariennes induites par la péridurale est très important.

Mais en fait, la France est plutôt bonne élève dans ce domaine-là. Beaucoup d’autres pays européens font bien pire. En Allemagne c’est 31 % (voir ici), en Suisse, c’est 32 %, en Pologne c’est 35 %, au Portugal 36 %, en Roumanie 37 %, et en Italie 38 %. A Chypre, on atteint même le record de 52 % ! Dans les pays nordiques, c’est un peu moins, dans les 15 à 17 %.

Donc, dans beaucoup de pays, on a pratiquement une chance sur trois d’avoir une césarienne lors de l’accouchement. Et c’est clairement à cause de l’analogue d’opiacé injecté via la péridurale.

 

Mais, c’est vrai aussi pour l’épisiotomie. Ce geste chirurgical va permettre de faciliter la sortie de l’enfant. Donc, on va l’utiliser également fréquemment lors des accouchements qui durent trop longtemps ; c’est-à-dire des accouchements sous péridurale. Donc, là-encore, on va avoir beaucoup d’épisiotomies.

En France, le taux d’épisiotomie global est de 30 % (47 % pour le premier accouchement et 16 % pour les suivants). Et encore, en 2005, c’est-à-dire encore récemment, le taux global était de 47 %.

Ce qui veut d’ailleurs dire qu’on a pu réduire fortement le taux d’épisiotomie sans que l’apocalypse ne se déclenche. Parce qu’on peut imaginer aisément qu’avant la réduction, les médecins justifiaient la fréquence de cet acte par le fait qu’il y allait y avoir plus de déchirures et de complications. L’argument devait être que tout ça était fait dans l’intérêt du patient. Et finalement, il y a eu réduction du pourcentage d’épisiotomie sans qu’on assiste à l’augmentation des problèmes qu’étaient supposés prévenir cette intervention. Et d’autres pays ont un taux d’épisiotomie plus bas que la France, sans qu’il n’y ait de problèmes non plus ; ce qui montre qu’on pourrait baisser le taux d’épisiotomie encore largement plus en France.

 

Au final, en France, on a une chance sur deux de subir soit une césarienne soit une épisiotomie. Et dans d’autres pays européens, ça doit être bien plus, quelque-chose comme 70 %.  C’est énorme. Et tout ça est en très grande partie dû à la péridurale.

2 réflexions sur « Pourquoi la péridurale n’est pas un bon plan »

  1. Très intéressant ce point de vue qui corrobore mon expérience personnelle.
    Pour mon (unique) accouchement, j’ai vécu le protocole inverse. En jardinant encore à plus de 8 mois et 1 semaine, j’ai percé la poche des eaux.
    Je suis rentrée à l’hôpital le vendredi soir pour voir l’évolution mais comme les médecins craignent les risques d’infection, on m’a injecté de l’ocytocine le samedi vers 9h en me disant que l’accouchement serait long et qu’il terminerait sans doute par une césarienne!! Et je suis restée seule dans ma chambre avec un monitoring enregistrant les contractions. Avant 10 h, j’ai commencé à avoir des contractions très douloureuses et très rapprochées. Mais les oscillations du monitoring étaient de faible amplitude (en fait, il ne marchait pas correctement). La sage-femme m’a dit que les oscillations devaient être beaucoup plus grandes (avec une proportion d’autant de la douleur). Encore laissée seule, j’ai débranché tout le barda et me suis mise à 4 pattes tellement la douleur était intense. Du coup, avec cette position qui est plus naturelle pour accoucher (voir les livres de Bernadette de Gasquet), le bébé s’est engagé correctement dans les bons axes.
    Une nana qui passait par là m’a évidemment engueulée de ma position mais en m’oscultant, elle a vu que l’accouchement était plus rapide que prévu. Du coup salle de travail en mode express. Redoutant des douleurs plus grandes et longues, j’ai évidemment demandé la péridurale mais c’était le we et l’anesthésiste était prise ailleurs. Elle est arrivée à 12h30 et hop péridurale. Du coup, en effet quel soulagement. Mais par contre, cela a en effet retardé la suite. Sans cette péridurale, ma fille naissait à 13 h. Elle est née à 14h10 et je ne sentais plus rien pour l’expulsion.
    Pour un premier enfant, j’ai accouché super vite (moins de 4h) car j’ai eu la péridurale tard, après avoir eu l’ocytocine et aussi car j’ai pu me mettre à 4 pattes.
    Je partage totalement l’idée que la péridurale retarde l’affaire. Celles qui l’ont accouchent entre 15 et 20h avec épuisement de la maman et souffrances pour le bébé.
    La péridurale n’est finalement pas un progrès. De plus, les matrones d’autrefois savaient remettre en place un coccyx luxé lors de l’accouchement et faire évacuer le placenta sans appuyer sur le ventre comme sur un citron comme on m’a fait (ce qui peut donner suite à des prolapsus pour certaines femmes).
    L’accouchement est trop médicalisé…
    Ce qui m’a tjs étonnée, c’est la vitesse d’accouchement des femmes qui le font en cachette (la nuit aux toilettes)…

  2. Bonjour Maelle,

    En fait, cet article est juste le début d’un article plus grand (ou je montre qu’on utilisait déjà des techniques d’anesthésie de la douleur et d’accélération du travail dans les temps anciens ; et d’autres choses). Je voulais publier ça avant de partir en vacances.

    Je m’attaquerai probablement aussi aux menaces brandies par les médecins concernant les possibles complications du style maladies microbiennes (on a déjà vu ici l’arnaque de la fièvre puerpérale, mais il y a aussi l’histoire du risque d’hémorragie, et celui de l’enroulement du cordon autour du cou du bébé).

    Il y a déjà une bonne page sur le sujet du cordon ombilical ici (avec d’autres bons articles sur l’accouchement) :

    http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/2016/07/27/la-procidence-du-cordon-le-point-godwin-de-lobstetrique/

    Sinon, effectivement, concernant votre expérience, ça va évidemment complètement dans le sens de l’idée qu’il faut laisser la femme choisir sa position et que celle sur le dos est complètement contre-productive. J’ai vu aussi que marcher et bouger aide à accélérer l’accouchement. Mais évidemment, accoucher à 4 pattes, ça n’est pas pratique pour les médecins.

    On peut effectivement penser que s’ils avaient fait la péridurale plus tôt, et que vous n’aviez pas changé de position, ça aurait pu durer 2 ou 3 heures de plus, ou même davantage.

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