Maladie d’Alzheimer, le danger d’augmentation des doses d’opiacés est présent aussi dans la famille

 

Lors de mon dernier article sur la maladie d’Alzheimer (17 décembre 2011), j’avais parlé du problème de l’entretien, voire de l’aggravation de la maladie dans les hôpitaux à cause de l’administration de médicaments antipsychotiques et somnifères dans les maisons de retraite ou les instituts plus médicalisés. J’avais mis en avant qu’on devait utiliser ces médicaments pour qu’ils ne posent pas de problème au personnel qui s’en occupe.

Je ne sais pas pourquoi je suis passé à côté  du problème que je vais exposer ici, qui me semble d’un seul coup assez évident. Peut-être que j’étais trop concentré sur les hôpitaux et sur les autres détails du problème.

En effet, en y repensant aujourd’hui en lisant l’article d’AlloDocteur « Démence sénile: Le temps de la camisole chimique est dépassé« , je me suis dit que ce qui est valable dans les hôpitaux l’est aussi en partie à domicile.

Les gens qui sont diagnostiqués Alzheimer, ou démentes posent également des difficultés à domicile pour leur famille. Ils peuvent se lever la nuit et partir de la maison. Ils peuvent être agités, voir violents. Ils peuvent partir dehors le jour également. Ils peuvent prendre des initiatives dangereuses. Du coup, les proches vont très souvent demander au médecin traitant de l’aide par rapport à ces problèmes. Et celui-ci va alors prescrire des opiacés-likes pour calmer la personne et la faire dormir. Du coup, le ou la patiente sera à moitié assommé(e) par les opiacés le jour et restera dans son fauteuil, et dormira la nuit au lieu de se lever. Le problème sera ainsi réglé.

Bien sûr, la personne sera assez légumisée. Mais, même si la famille se dit que le traitement aggrave l’état de leur parent, comme elle pensera qu’on ne peut pas guérir de la maladie, elle se dira que de toute façon, la personne sera dans cet état légumisé dans à peine 3 ou 4 ans. Donc, un peu plus vite ou un peu moins vite, ça ne change pas grand-chose. Et puis, après tout, vu que la personne est déjà un légume au niveau du cerveau, qu’elle le soit aussi au niveau physique n’est pas si gênant, surtout si ça résout les problèmes importants liés à la maladie. Et même s’ils se disent que les médicaments l’assomment et que ça n’est pas très bon, ils se diront que l’autre possibilité, c’est tous les problèmes qu’il y avait avant. Donc, face à ce choix, ils préféreront recourir aux médicaments.

Mais, la plupart du temps, comme ça arrangera tout le monde, personne n’ira se dire que c’est mal de lui donner ces médicaments. Tout le monde évitera de réfléchir à ce problème et d’en parler. Et, s’ils y réfléchissent un peu, les proches se diront que le problème vient de la maladie elle-même et pas des médicaments. Ils penseront que l’état s’est aggravé rapidement, et pas que ce sont les médicaments qui ont soudainement renforcé la maladie.

Seulement, si l’état d’Alzheimer de la personne est dû à la prise prolongée d’opiacé-likes, alors, en fait, lui donner d’autres médicaments de type opiacé va l’enfermer encore plus dans la maladie. Ça va fortement aggraver son état cognitif. Sans ces médicaments supplémentaires, avec seulement les médicaments opiacés déjà utilisés jusque-là, il y aurait eu une petite chance que la personne voit son état s’améliorer. Ou alors, celui-ci aurait pu au moins rester stable pendant un certain temps, ou se dégrader bien plus lentement. Mais là, sa mémoire va se détériorer rapidement et fortement, confirmant encore plus le diagnostic d’Alzheimer.

Bien sûr, si la personne, non seulement ne prenait pas ces médicaments supplémentaires, mais arrêtait également de consommer les analogues d’opiacés qu’elle prenait avant (et qui l’ont conduite à cet état d’Alzheimer), alors, elle pourrait voir son état fortement s’améliorer, et même redevenir normal.

Cela dit, on peut penser que les traitements déjà prescrits pourront servir aussi à entretenir la maladie à domicile. Le médecin traitant pourra prescrire des doses plus élevées de somnifères si la personne en prenait déjà. Idem pour les antipsychotiques. Donc, le fait de ne pas prendre de médicaments opiacés supplémentaires ne garantit pas que la maladie va évoluer plus lentement ou se stabiliser ou s’améliorer. Mais quand même, ne pas charger la barque avec des médicaments supplémentaires va souvent aider.

Donc, ce qu’on constate ici, c’est que le problème de la prise d’analogues d’opiacés qui aggravent le problème cognitif se situe aussi au cœur même des familles. Il n’est pas limité aux maisons de retraite.

Ce qui veut dire que dès qu’une personne est diagnostiquée alzheimer et est dans un état déjà un peu avancé de la maladie, alors, son destin est très souvent scellé (si son état et dû aux opiacés à l’origine). La famille va aller consulter un médecin qui va donner des calmants et des somnifères. Et là, l’état de la personne s’aggravera plus ou moins rapidement et fortement. Etre au sein de sa famille ne protégera pas la personne par rapport au fait d’être dans une maison de retraite.

Donc, souvent, la personne ne pourra pas se sortir de la maladie. Ce sont ses proches eux-mêmes qui l’enfonceront encore plus dans celle-ci.

C’est vrai qu’on pourrait dire que si la personne est Alzheimer à cause de traitements opiacés déjà prescrit, son destin est de toute façon déjà scellé. Souvent ça va être vrai. Mais parfois, ça ne sera pas le cas, parce que l’effet des opiacés ayant tendance à diminuer avec le temps, l’état de la personne pourrait éventuellement s’améliorer. Ou au moins, il pourrait se stabiliser ou se dégrader seulement lentement.

Bien sûr, si l’état cognitif de la personne est lié à un AVC causé par des médicaments à effet anticoagulants, la situation est différente. L’état pourrait s’aggraver ou rester identique même sans prise d’opiacés. Mais tout de même, dans un certain nombre de cas, la consommation d’opiacés aggravera l’état en question.

 

PS : concernant les comportements violents ou énervés, ça peut arriver plus souvent qu’on ne l’imagine à priori. En effet, si le problème d’Alzheimer vient de la consommation d’opiacés, alors, comme la personne ne sera plus en état de dire qu’elle a besoin qu’on augmente ses doses, souvent, on arrivera au point où les opiacés feront moins effet. Etant en état de manque, elle deviendra stressée, excitée, voire violente. Bien sûr, la façon de réagir dépendra de la personne. Si c’est une personne calme, son caractère pourra rester suffisamment normal et pacifique pour qu’on n’ait pas recours à des opiacés supplémentaires. Une fois qu’on se sera aperçu du problème, on augmentera juste les traitements déjà administrés, mais de façon raisonnable. Mais si c’est une personne naturellement plus excitée et agressive, là, après quelques épisodes de ce genre, on aura tendance à lui donner des traitements en plus (ou à augmenter un peu trop ceux déjà utilisés).

Alors, si le problème vient de la prise de somnifères, il sera relativement facile de voir que la personne est debout la nuit. Donc, là, la famille pourra demander au médecin d’augmenter les doses de somnifère. Mais, s’il s’agit d’un antipsychotique, ça sera parfois plus délicat à voir.

 

PS 2 : J’ai parlé plus haut de l’article d’AlloDocteur « Démence sénile: Le temps de la camisole chimique est dépassé« . Selon le titre, on aurait tendance à se dire que les autorités médicales se sont rendu-compte que les médicaments psychotropes posent problème. Et effectivement, le terme de camisole chimique indique bien que les professionnels de la santé sont conscients du but recherché quand ils utilisent les psychotropes, à savoir rendre amorphe la personne pour qu’elle ne pose pas de problème au personnel des maisons de retraite et des hôpitaux.

Cela dit, quand on lit l’article on se rend compte qu’il n’y a aucune précision sur les problèmes en question. On nous dit juste qu’on essaye depuis 15 ou 20 ans de limiter leur usage. Donc, on évite de donner des précisions sur le sujet. Déjà, on sent venir la langue de bois et les mini-mesurettes juste pour faire bien.

Mais bon, on pourra dire que l’important est que l’industrie médicale se soit rendu compte du problème et en ait fini avec la camisole chimique. Il est effectivement ajouté dans l’article : « L’une des particularités du service est de supprimer au maximum les médicaments« .

Seulement, quand on lit l’article, on voit bien qu’on évoque un cas spécial qui n’est certainement pas généralisable aux maisons de retraite et aux hôpitaux « ordinaires ». La personne qui est citée dans l’article est un chef de service de L’unité cognitivo-comportementale de l’hôpital Corentin Celton. Et on apprend qu’en fait, il s’agit d’une unité fermée. C’est-à-dire que les patients ne peuvent pas sortir de l’établissement. Par ailleurs, c’est unité de soin temporaire. Les patients y restent pendant seulement 6 semaines, puis vont en EHPAD ou à l’hôpital. Enfin, on apprend que « Ces séjours sont fait pour passer un cap, pour passer un moment particulier dans l’univers psychique de ces patients, un passage entre une situation extrêmement douloureuse et un apaisement« . Donc, on peut penser que ce sont des patients qui viennent d’être diagnostiqués et qui ne sont pas encore trop atteints.

Forcément, ça change beaucoup de choses, puisqu’avec une unité fermée, il n’y a pas de risque que les patients sortent et se mettent en danger. Tout est sous contrôle. Par ailleurs, puisque que c’est une unité où les patients ne doivent pas être trop avancés dans la maladie, ils sont plus faciles à gérer. Et vu le but de l’établissement, il doit avoir des moyens humains plus importants qu’ailleurs, ce qui rend plus facile la gestion de la population en question. Et même si ça n’était pas le cas, c’est de toute façon une sorte d’établissement-vitrine par rapport aux bonnes pratiques en vogue. Donc, il faut qu’il ait peu recours aux médicaments et utilise des méthodes plus douces pour être en adéquation avec ses buts affichés. Mais qui dit établissement-vitrine dit exception par rapport à ce qui se fait par ailleurs.

Et il est pratiquement certain que dans les maisons de retraites ou les hôpitaux, on continue à avoir recours en masse aux analogue d’opiacés. C’est forcé. Comme on cherche à optimiser les ressources, on met le moins de personnel possible (surtout qu’une bonne partie des EHPAD sont aux mains de compagnies privées, et que les établissements publics n’ont pas de moyens). Et comme une partie de la population en question est très difficile à gérer, les responsables sont obligés d’utiliser des psychotropes pour que les patients se tiennent tranquilles. Sans ces médicaments, le nombre de problèmes exploserait et il n’y aurait pas assez de personnel pour y faire face. Donc, les belles paroles disant que désormais, on limite l’utilisation des calmants sont certainement uniquement de la propagande. Dans la réalité, on continue à assommer les patients diagnostiqués déments ou Alzheimer pour qu’ils se tiennent tranquilles.

 

Et on doit faire de même avec un certain nombre de personnes qui ne sont pas Alzheimer, mais qui prennent des analogues d’opiacés et qui sont susceptibles, si l’effet de leur traitement faiblit, de devenir plus agressives, imprévisibles, envahissantes, emmerdantes, ou d’être éveillées la nuit et dormir le jour (n’étant alors plus en phase avec l’organisation des repas et des activités), etc…

Surtout qu’il faut voir que les médecins peuvent coller un diagnostic de démence à ce genre de personnes. En effet, tout comportement un peu excessif peut conduire à un diagnostic de ce genre chez une personne âgée (surtout dans une maison de retraite ou un hôpital). Un type de 80 ans qui devient un peu trop agressif parce que ses médicaments opiacés font moins effet peut se voir diagnostiqué dément. Et il ne sera très probablement pas mis au courant de son état, puisqu’on considérera qu’il n’est plus en état de réfléchir par lui-même. Donc, on lui donnera des opiacés en plus du traitement qu’il prend déjà. Et là, étant plus ou moins assommé par tous ces opiacés, il risquera de devenir Alzheimer. Et on dira que son état s’est amélioré, puisque comme on a pu le voir dans un précédent article sur le sujet, le fait que la personne arrête d’être agitée ou agressive, etc.., est considéré comme un progrès.

Il faut voir que tous les gens qui sont en maison de retraite ne sont pas forcément que des gentils petits vieux inoffensifs. Hommes et femmes confondus, il y avait des gens dominateurs, agressifs, désagréables, surexcités, violents, etc… C’est vrai que l’âge diminue l’agressivité. Mais si les opiacés font moins effets, celle-ci peut revenir.

Par ailleurs, le personnel soignant est très majoritairement féminin, population potentiellement moins forte que certains vieillards.

On a deux exemples ici de la part de quelqu’un qui a travaillé pendant quelques temps en maison de retraite :

« JusteMoi 04/12/2004

J’ai vu une personne de 75 ans soulever une table en chêne type monastère de plusieurs mètres et la projeter assez loin ou un autre qui voulait tuer ses petits camarades alors que c’était l’heure du repas (le personnel soignant aide à la distribution) que l’on a été obligé d’attacher sur son lit avec une ceinture de cuir -ventrière, poignets et chevilles – Le type faisait plus d’ 1.90m, et en pleine crise a arraché ce qui le maintenait aux poignets et chevilles (4.5mm de cuir en épaisseur) et a arraché le lit du parquet auquel il était boulonné. Ensuite il a entrepris de nous courser, mais c’est l’encadrement de la porte qui l’a arrêté. Des exemples comme cela j’en ai à la pelle, tout cela parce qu’il y avait eu diminution du traitement suite à une rémission apparente (ordre du médecin).« 

Et le personnel ne peut de toute façon pas violenter physiquement les patients. Donc, face à des gens agressifs, la solution est évidemment la camisole chimique. Les infirmières ne vont probablement pas demander directement qu’on assomme chimiquement telle ou telle personne. Elles vont simplement signaler que telle personne est agitée. Et ce sont les médecins qui prescriront des opiacés et analogues pour résoudre le problème. Comme ils sont moins en contact au quotidien avec les patients, ça les gênera moins émotionnellement de faire ça. Pour eux, les patients sont beaucoup plus des étrangers que pour les infirmières, qui les côtoient tous les jours.

Et les responsables de l’établissement craignent les revendications des infirmières. Or, s’ils n’appliquent pas la camisole chimique aux patients « difficiles », il va rapidement y avoir un véritable flot de protestations et de revendications de la part de ces dernières (et de mises en congé maladie), ce qui plombera l’ambiance au quotidien et possiblement les résultats financiers de l’entreprise. Donc, pour éviter ça, les responsables de l’établissement font ce qu’il faut, et ils feront en sorte que les médecins administrent des calmants rapidement dès qu’un patient sera un peu trop embêtant. Comme ça, tout restera relativement vivable (et profitable).

Et du côté des infirmières, comme ça les arrange, elles ne vont rien dire contre ces pratiques.

Bien sûr, une fois la méthode utilisée pour prévenir les cas potentiellement dangereux, on a tendance à généraliser et à administrer ces traitements de plus en plus facilement, par confort. Et dans le personnel, il n’y a personne pour trouver à y redire quoi que ce soit. Tout le monde y trouve son intérêt (à part les patients, c’est-à-dire nous, à plus ou moins longue échéance).

 

2 réflexions sur « Maladie d’Alzheimer, le danger d’augmentation des doses d’opiacés est présent aussi dans la famille »

  1. Exactement.

    Mais bon, comme dit dans l’article, il y a des cas d’Alzheimer ou de démence qui sont dus à des AVC, ou a des opérations chirurgicales, etc… Donc, parfois, les opiacés ne vont pas changer grand chose. Mais très souvent, ça va être le cas. Et là, effectivement, le problème, c’est la solution mise en oeuvre.

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