Les vraies raisons de l’amélioration de l’espérance de vie : le fin mot de l’affaire (partie 2/3)

 

Les moines servaient également de médecins aux villageois

 

Un autre élément très important est que les moines prodiguaient des soins aux villageois ou aux citadins.

Pendant des centaines d’années, ce sont les religieux qui avaient tout le savoir, et logiquement aussi celui de la médecine. Certains prêtres apprenaient la médecine en plus de leur enseignement religieux. En conséquence de quoi, ils représentaient évidemment l’écrasante majorité des médecins.

Il y avait une infirmerie partout où il y avait des établissements religieux d’une taille un peu raisonnable. Et ces infirmeries, en plus de soigner les religieux, soignaient également les gens des villages alentours et les personnes de passage.

Et non seulement on soignait dans les établissements religieux, mais jusqu’au 12ème siècle, les médecins qui y étaient rattachés se déplaçaient en plus à domicile dans les villages.

Et comme des établissements religieux un peu importants, il y en avait presque partout, et que les soins prodigués par les religieux étaient gratuits pour les indigents, la population avait un large accès à la médecine par ce biais-là.

 

Type de médecine qui y était pratiqué

 

Les religieux cultivaient des plantes médicinales. C’est ce qu’on peut trouver dans ce document (intitulé : « la médecine monastique dans l’occident médiéval ») :

« L’infirmerie, quelle que soit son importance était toujours située à côté du Jardin des simples ou Herbularius, où se cultivaient les plantes médicinales. Souvent entouré de murs, il était généralement suivi du potager, ou Hortus, pour les légumes et les racines, lui-même proche du verger, pour les fruits ; car légumes, racines et fruits servaient très souvent aux moines de médicaments.

Distinct du Jardin des simples dans les grandes abbayes, mais confondu avec lui ailleurs – existait le Jardin des fleurs ; elles aussi en plus de leur rôle décoratif, ayant une action médicamenteuse. »

 

Ils pratiquaient aussi la saignée. C’est ce qu’on peut constater dans le même document :

« La deuxième structure de soins est l’infirmerie monastique. Toujours située à l’Est, « au soleil levant », elle pouvait être réduite à une petite construction où le moine infirmier entreposait les simples et fabriquait ses préparations ou au contraire – comme le prévoyait le plan architectural de l’abbaye de St Gall, avoir un dortoir et un réfectoire pour les moines malades, et à côté une domus medicorum qui comprenait une chambre réservée aux malades graves, la chambre du médecin, une pharmacie, une salle de saignées, une salle pour des bains thérapeutiques« .

 

Après le 12ème siècle

 

Selon l’histoire officielle, au 12ème et 13ème siècle (entre 1130 et 1287), différents papes émettent des restrictions concernant la possibilité pour les religieux d’apprendre, d’enseigner et de pratiquer la chirurgie, puis carrément la médecine. Ce qui est bien sûr crucial par rapport au fait de savoir si la médecine a continué à être accessible à tous via les institutions religieuses. Si les religieux n’ont plus pu pratiquer la médecine, alors, il est possible que l’accès à la médecine soit devenu fortement restreint pour les populations « ordinaires » et que seuls les riches aient pu y accéder. Mais si ça n’est pas le cas, alors tout continuait comme avant.

Ce qui est important ici, c’est de savoir l’intention qui a présidé à ces limitations. Si c’était à cause d’une critique de la théorie ou de la pratique médicale par les autorités religieuses, alors, on peut effectivement penser que tout exercice de la médecine a ensuite été interdit dans les établissements religieux. Si la cause était autre, c’est différent.

Mais l’église n’a jamais critiqué la médecine que ce soit en théorie ou en pratique. Et on voit d’ailleurs mal comment elle aurait pu le faire soudainement, après l’avoir pratiquée pendant des centaines d’années et en avoir même été l’unique pilier. Ça aurait pu éventuellement être le cas si la théorie ou la pratique avait changé vers le 12ème siècle. Mais jusqu’au 19ème siècle, la médecine n’a pratiquement pas évolué. Et de toute façon, puisque la médecine était pratiquée essentiellement par les ecclésiastiques, on voit mal comment elle aurait pu évoluer dans un sens qui aurait déplu aux autorités religieuses de l’époque. Logiquement, la cause de la limitation ne pouvait pas avoir de lien avec une critique de la médecine elle-même.

 

Ce qui semble s’être passé est la chose suivante. Jusqu’au 12ème siècle, les religieux pouvaient pratiquer la médecine non seulement dans l’établissement religieux, mais également en dehors. Et parfois, ils se faisaient payer leurs services. Ca a donc posé des problèmes non seulement d’enrichissement, mais également de corruption des mœurs religieuses. Parce que certains moines médecins profitaient de leur visite pour avoir des relations sexuelles avec certaines des femmes qu’ils soignaient. Evidemment, ça n’a pas plus aux autorités religieuses.

Au travers de ces édits, l’église a donc interdit :

  • le fait que les religieux se fassent rémunérer pour les actes médicaux qu’ils pratiquaient. Ça, c’est l’interdiction dont la véracité semble la plus sûre.
  • éventuellement (mais ça n’est pas sûr), la pratique de la médecine pour certaines catégories de religieux. 1) Il est possible que ça ait été interdit aux religieux des ordres supérieurs et laissé aux clercs, qui alors ne pouvaient pas progresser dans la hiérarchie ecclésiastique, et aux ordres ayant fait vœux de pauvreté. Ainsi, il y avait moins de risque d’enrichissement. 2) il est possible aussi que ça ait été interdit à certaines catégories de religieux qui, aux yeux des autorités religieuses, ne devaient se consacrer qu’à leur mission ecclésiastique et pas à la médecine. Donc, là, ça n’aurait rien eu à voir avec l’enrichissement, mais essentiellement avec le fait de remplir la fonction pour laquelle ils avaient été nommés.
  • la pratique de la médecine en dehors des cloitres et autres établissements pour certaines catégories de religieux. Par exemple, les prêtres ayant fait vœux de pauvreté (ordres mendiants) le pouvaient. Mais là encore, la véracité de cette interdiction n’est pas complètement sûre.

 

Donc, en aucun cas, l’église n’a remis en cause la médecine de l’époque. Ces interdictions n’ont rien eu à voir avec l’idée que la médecine aurait été considérée comme anti-chrétienne, ou barbare, ou quelque chose comme ça. Elles étaient essentiellement liées à des soucis de contrôle de la corruption financière et sexuelle.

Et en aucun cas, l’église n’a remis en cause la possibilité pour tous les religieux de pratiquer la médecine.

Et enfin, en aucun cas, l’église n’a fermé ses hôpitaux ou ne les a rendus payants (en tout cas pour les pauvres). D’ailleurs, on pourrait en rester à ce dernier argument, qui clôt apparemment le problème, puisqu’ici, c’est le fait que la médecine ait été accessible au plus grand nombre qui nous intéresse. Mais l’orthodoxie se sert de l’idée que l’église a interdit la pratique de la médecine aux religieux pour laisser entendre (sans jamais le dire vraiment ouvertement) qu’elle n’a plus assuré de services médicaux ou alors (plus ouvertement) des services médicaux extrêmement basiques (eau, nourriture, coucher).

 

Selon certains auteurs, il y aurait eu également interdiction de pratiquer la chirurgie. L’église aurait d’abord interdit la chirurgie à certains religieux, puis aurait étendu cette interdiction à toute la médecine. On peut trouver trois raisons à ça dans les textes. 1) Ça se serait heurté à la mission initiale du prêtre, qui était de prêcher ou de penser à des sujets religieux ; 2) Pour pratiquer la chirurgie, il fallait voir les corps nus, ce qui allait à l’encontre de la pudeur ecclésiastique ; 3) l’église aurait déclaré avoir horreur du sang.

C’est pour ça qu’au 12ème siècle, plusieurs bulles papales auraient soi-disant restreint la possibilité pour certaines catégories de religieux de pratiquer la chirurgie.

C’est un élément crucial là aussi, parce que dans l’interdiction de la chirurgie était peut-être incluse la saignée. Donc, si les religieux ne pratiquaient plus cette dernière, une cause majeure de morts n’était plus accessible au plus grand nombre. Alors, comme il y a eu petit à petit utilisation de médecins laïcs dans les hôpitaux religieux, la saignée aurait pu continuer à être prodiguée par ces derniers. Mais tout de même, ça laisse entendre là aussi que l’église désapprouvait la chirurgie et peut-être également la saignée. Donc, elle aurait pu interdire également aux médecins laïcs de la pratiquer dans les hôpitaux religieux.  

Mais là aussi, la véracité de l’interdiction est sujette à caution (voir l’annexe). Et de toute manière, la chirurgie n’a été interdite qu’à certaines catégories de religieux. Donc, d’autres continuaient à exercer des opérations. Il est rapporté par ailleurs que certains ordres religieux la pratiquaient. Et de nombreuses évidences prouvent que la saignée a continué à être effectuée dans les hôpitaux religieux jusqu’à la révolution. Donc, il est assez improbable que la chirurgie ait vraiment été totalement (ou même partiellement) interdite. Et de toute façon, même au cas improbable où ça aurait été une réalité, il n’y avait pas défense de réaliser des saignées.

 

Pour ne pas alourdir l’article, on va analyser les textes évoquant l’interdiction de la chirurgie et de la médecine en annexe (en fin de la partie 3 de l’article). On va constater que la plupart des textes sont de deuxième ou de troisième main, voire plus. Donc, il est difficile de savoir exactement ce qui a été dit par l’église au départ. On peut quand même se faire une idée de ce qui s’est passé ; et je propose une théorie alternative. Mais ça reste théorique si on se contente de ces seuls documents.

 

1° les preuves de la pratique et de l’enseignement de la chirurgie et de la médecine par les religieux après les interdictions des 12ème et 13ème siècles

 

Donc, dans la mesure où on n’a pas accès aux textes initiaux, remettre en cause la théorie officielle sur l’interdiction de la pratique de la médecine par les religieux ne suffit pas. Il faut avoir également des preuves que, bien au-delà du 13ème siècle, les religieux ont continué à pratiquer la médecine et que l’église a continué à avoir des hôpitaux dans lesquels on utilisait la saignée. Or il y a effectivement de nombreuses preuves de ça.

 

Déjà, on apprend ici que :

« Profitons de ce moment pour rappeler qu’en 1536, François Rabelais lui-même se voit accorder l’absolution par le pape Paul III Farnèse, qui régularise sa situation en lui autorisant à reprendre à la fois son habit de bénédictin (qu’il avait abandonné sans tambours ni trompettes!) et l’exercice de la médecine…qu’il ne pratiquait pas pour s’enrichir, il n’avait pas besoin de cela.« 

Donc, Rabelais était à la fois religieux et médecin en 1536, soit 250 ans après les dernières interdictions.

Et on apprend également que :

« A côté de ces moines « libéraux », et pendant longtemps, il se trouvera dans les abbayes des médecins soignant les pauvres gratuitement en les visitant. Ainsi, on sait que jusqu’à la Révolution, le médecin de l’abbaye de Jumièges visitait gracieusement les malades à domicile et leur délivrait des remèdes.« 

Le médecin de l’abbaye de Jumièges, visitait donc gracieusement les malades à domicile un peu avant la révolution. Cette fois-ci, c’est un peu plus de 500 ans après les premières interdictions. Alors, c’était peut-être un laïc. Mais il dépendait d’un établissement religieux.

 

Dans le livre « Bibliothèque choisie de médecine : tirée des ouvrages périodiques tant françois qu’étrangers, Volume 3 » ; de François Planque, éditions Chez d’Houry père, 1750 (page 490), l’histoire suivante, survenue en 1746, est retracée :

« Une fille du service de l’Hôtel-Dieu, âgée d’environ vingt ans, se donna un coup à la tête, à l’union des futures sagittales et transversales, au lieu que l’on nomme communément fontenelle, et en termes de chirurgie bregma ; le coup fut si violent que cette fille tomba en syncope, et demeura trois-quarts d’heure dans une espèce de lipotymie ; état dans lequel l’on voit et l’on entend sans pouvoir parler. La lipotymie est un diminutif de la syncope ou faiblesse ordinaire.

Les personnes qui se trouvèrent auprès de cette fille au moment de cet accident lui firent respirer et avaler de l’eau vulnéraire, et de l’eau de mélisse distillée. Dès qu’elle fut revenue, une religieuse de l’Hôtel-Dieu la saigna du bras, et après la saignée, on lui donna un lavement.« 

Donc, en 1746, là aussi 500 ans après la soi-disante interdiction d’exercer la médecine, une religieuse pratique une saignée au bras. Et ni l’auteur, ni les personnes présentes ne manifestent aucune forme d’étonnement à la vision de cet acte.

Donc, il est assez clair que ni la médecine ni la saignée n’avaient été interdites aux religieux, en tout cas pas à tous les types de religieux.

Le pape Jean XXI (1276-1277) était également chirurgien. Or, en 1276, on se trouve supposément en pleine période où l’église est sensée se braquer contre la chirurgie et la médecine. Bizarre de choisir alors un pape qui est aussi chirurgien. Bien sûr, s’il ne pratiquait plus, ça ne posait pas de problème. Mais ça prouve en tout cas que l’église n’avait aucun problème avec la chirurgie en général ou la médecine.

Plusieurs médecins de la faculté de Paris sont chanoines : Robert de Provins, médecin de Saint-Louis (donc, a priori jusqu’en 1270) ; Albert le Riche vers 1395, médecin du duc d’Orléans ; Michel de Colonia, doyen de la faculté en 1490. Voir le livre « La médecine à la Renaissance et évolution des connaissances, de la pensée médicale du XIVème au XIXè » par Roger Teyssou, Editions L’Harmattan, 2002 – 657 pages ; page 13.

Donc, là encore, on pouvait tout à fait être religieux et médecin, 100 ou 200 ans après les dernières interdictions (celles supposées interdire la médecine à tous les religieux).

Ici, on apprend que l’ordre des Antonins, qui contrôlait de nombreux hôpitaux, a commencé à pratiquer la chirurgie en 1400 :

« A partir de l’an 1400, les frères antonins pratiquèrent la chirurgie (amputation des membres secs).

Certains d’entre eux furent d’excellents médecins : les médecins personnels des papes ont longtemps été recrutés parmi les Antonins. En 1253, Innocent IV les choisit même pour constituer un hôpital ambulant qui suit le pape et son entourage dans ses déplacements« .

Donc, là, on a carrément des religieux pratiquant la chirurgie. Alors que c’est supposé être l’interdiction la mieux établie par les historiens officiels. Et certains d’entre eux sont même les médecins des papes. Ceci en 1253, alors qu’on est censé être en plein dans la phase d’interdiction de la pratique de la médecine par les religieux. Et s’ils se sont mis à pratiquer la chirurgie en 1400, ça veut évidemment dire qu’ils ont continué à pratiquer la médecine entre 1287 et 1400 (et même après bien sûr). Donc, pendant les 120 ans qui ont suivi les interdictions qui sont supposées avoir abouti à un arrêt total de la pratique médicale par les religieux, on a des religieux qui la pratiquent.

 

Sur la page Wikipédia sur l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem on trouve aussi des choses intéressantes :

« Du XVIe au XVIIIe siècle, les Hospitaliers vont développer de manière très importante les techniques de médecine et de chirurgie comme des éponges imbibées d’opium que les malades suçaient jusqu’à s’évanouir.

Mais tout commence réellement avec l’Hôpital de Jérusalem, puis avec celui de Rhodes. En 1523 les Hospitaliers innovent dans la médecine d’urgence en créant le premier navire hôpital avec la caraque Santa Maria ; ils inventent les infirmeries de campagne sous des tentes afin de pouvoir soigner les militaires blessés durant la guerre contre le corsaire ottoman Dragut en 1550.

Parallèlement, entre 1530 et 1532, le grand maître Villiers de L’Isle-Adam crée une « Commission de santé » composée de deux chevaliers et de trois notables et recrée un grand hôpital la Sacra Infermeria (Sacrée infirmerie) et une apothicairerie à Malte.

En 1595, une école de médecine est créée puis en 1676, c’est l’école d’anatomie et de chirurgie, puis l’école de pharmacie de Malte en 1671 et enfin en 1687, la bibliothèque médicale. Mais c’est en 1771 qu’est créée la célèbre université de médecine qui ajoutera au rayonnement des hospitaliers dans toute la Méditerranéenne mais aussi dans tout le monde occidental.

On peut également noter la création de l’école de mathématiques et des sciences nautiques au sein de l’université de Malte en 1782 ; puis, en 1794, la création de la chaire de dissection. »

Donc, là aussi, totale contradiction avec ce que nous dit l’histoire officielle. On a un ordre dont on va voir un peu plus loin qu’il possédait des centaines d’hôpitaux, qui enseignait et pratiquait la médecine et la chirurgie des siècles après l’interdiction papale (dans ses hôpitaux ou lors des guerres pour soigner les soldats blessés).

 

On a également une information très intéressante ici (Bulletin de la Société d’histoire de la pharmacie, Année 1926, Volume 14, Numéro 53, pp. 360-362) :

« Quant à M. Bargallo, de Paris, il nous a remis un beau cadre de 0,41m x 0,31m contenant une ordonnance du sénéchal de Rodez qui porte la date du 17 août 1756. Cet acte interdit aux chirurgiens, aux religieux et autres personnes d’exercer « l’art de la pharmacie » dans la ville et la sénéchaussée de Rodez, s’ils n’ont pas été reçus maîtres dans cet art.« 

Ce qui signifie clairement que les religieux pouvaient exercer sans problème l’art de la pharmacie. Il suffisait simplement qu’ils aient été reçus maîtres. Et s’ils sont mentionnés, ça veut dire qu’il y avait des religieux pharmaciens. Donc, on constate qu’il n’y a pas eu une véritable interdiction d’exercer la pharmacie pour les religieux.

Alors, c’est vrai qu’il s’agit ici de la pharmacie et pas de la médecine. Mais lors de l’interdiction finale aux religieux d’exercer la médecine, cette dernière et la pharmacie n’étaient pas bien séparées. Il y a bien eu un édit italien en 1241 qui a séparait les deux corporations. Mais en réalité, il a fallu des siècles pour que ce soit vraiment effectif. Donc, vers 1287, quand les soi-disantes dernières interdictions papales de pratiquer la médecine ont été publiées, elles concernaient aussi bien le fait de pratiquer la médecine que la pharmacie. Or, on constate bien ici que cette interdiction n’a une fois de plus pas été respectée.

 

Encore sur l’exercice de la pharmacie par des religieux, ici (Les apothicaires contre les moines (Montpellier 1679-1680), Revue d’histoire de la pharmacie, Année 1933, Volume 21, Numéro 81, pp. 48-53) :

« L’assistance aux malades était une des formes de la charité pratiquée par les moines au Moyen Age. Chaque monastère avait son officine où un frère apothicaire, ou une sœur « apothicairesse », recueillait des simples pour préparer des médicaments destinés à soulager les pauvres du voisinage ou les pèlerins atteints de maladie.

A cette époque, surtout dans les campagnes, les boutiques d’apothicaires étaient rares et ce rôle charitable du clergé régulier correspondait à un besoin. Plus tard, il fut moins nécessaire et cependant les communautés monastiques d’hommes et de femmes continuèrent à l’exercer, ainsi que le prouvent les nombreux pots de pharmacie aux armes conventuelles qui figurent encore dans bon nombre de collections.

Cette pratique ne tarda pas à donner lieu à des abus dont se plaignirent plusieurs fois les apothicaires. Ils alléguaient que, jusque dans les villes, les couvents distribuaient des remèdes et qu’ils ne se contentaient pas de les donner aux indigents, mais que, le plus souvent, ils les vendaient à beaux deniers à ceux qui pouvaient payer. Au 17ème siècle, ils reprochaient en particulier à la Compagnie de Jésus de faire commerce de la poudre de quinquina par elle rapportée du Pérou et vendue sous le nom de « poudre des jésuites ». »

Donc, les religieux fournissaient des médicaments à la population. Et ceci au 17ème siècle. Bref, ils exerçaient l’art de la pharmacie, contrairement à ce que les historiens officiels nous affirment. Et ça ne datait pas d’hier, comme le dit l’auteur. Ca durait depuis le moyen-âge. C’est-à-dire, depuis la soi-disante interdiction.

Et on constate ici que la seule interdiction réelle concernant la pharmacie (et certainement aussi la médecine) était de faire de l’argent. En effet, comme on peut le voir dans ce texte, ce n’était pas le fait de distribuer les médicaments gratuitement aux indigents qui était attaqué par les apothicaires, mais le fait d’en faire commerce. La distribution gratuite, elle, était inattaquable.

En fait, c’était très probablement encore moins restrictif que ça : l’interdiction devait surtout viser l’enrichissement excessif des religieux. Le fait de faire commerce des médicaments devait être autorisé dans la mesure où l’enrichissement n’était pas immodéré. Ou en tout cas, même si ça n’était pas expressément autorisé, ça devait être largement toléré par l’autorité papale, parce que ça permettait de faire vivre les établissements religieux. D’où le fait que les apothicaires n’aient pas arrêté de se battre contre cette concurrence gênante. Les autorités religieuses n’ayant pas le moins du monde envie d’interdire réellement cette pratique, le problème a perduré au moins jusqu’à la révolution et les apothicaires ont du se batte encore et encore contre les religieux faisant commerce de médicaments.

 

L’analyse de l’histoire des universités de médecine fournit d’autres informations intéressantes. On apprend ainsi les choses suivantes sur l’université de Montpellier (source Wikipédia) :

« L’université de Montpellier est le rassemblement de plusieurs écoles d’enseignement supérieur apparues dans le courant du XIIe siècle et attirant des personnes ayant des connaissances médicales de tout le pourtour méditerranéen (communautés chrétiennes, juives et arabes)…

…Le cardinal Conrad, légat du pape Honorius III, accorde une reconnaissance pontificale à l’école de médecine en 1220, rendant caduc l’édit de Guilhem VIII puisque ces statuts donnent à la faculté de Montpellier le monopole de l’enseignement et de la pratique de la médecine. La proximité de la cour pontificale d’Avignon accroît rapidement le rayonnement de l’université. En 1242, l’évêque de Maguelone, chancelier des écoles, confère à l’école des arts libéraux ses premiers statuts. L’université de Montpellier elle-même est créée le 26 octobre 1289 par la bulle papale Quia Sapientia du pape Nicolas IV qui en fait une studium generale c’est-à-dire un centre d’enseignement de toutes les disciplines (médecine, théologie, lettres).

L’école de théologie resta indépendante jusqu’à une décision pontificale de 1421 qui la rattacha à l’école de droit. L’université est relativement indépendante du pape et du roi.« 

Donc, c’est le pape lui-même qui crée l’université de médecine en 1289, soit quelques années après la dernière interdiction conduisant à la proscription totale d’étudier, d’enseigner ou de pratiquer la médecine pour les religieux. Et avant ça, alors que l’interdiction totale était déjà bien avancée (1242), l’évêque de Maguelone donne à l’école ses premiers statuts.

Bien sûr, on peut répondre qu’elle aurait créé cette université pour les seuls médecins laïcs. Mais déjà, ça montre clairement une fois de plus que l’église n’avait rien contre la médecine en elle-même.

Et surtout, si l’église ne voulait plus rien avoir à faire avec la médecine par ailleurs, pourquoi créer l’université de médecine la plus importante de France ? Surtout seulement deux ans après l’interdiction définitive pour les religieux de pratiquer la médecine. Ça n’a aucun sens. Et ça aurait été comme l’enseigner elle-même indirectement et les gens n’auraient pas manqué de pointer du doigt cette hypocrisie.

Donc normalement, elle aurait laissé ça aux autorités laïques. Ou alors, elle aurait crée l’université sans intégrer l’enseignement de la médecine dedans. Bref, la création de l’université de médecine est absurde ; sauf si cette histoire d’interdiction de la médecine aux religieux est fausse.

Et puis ensuite, l’université de Montpellier, et aussi celle de Paris, c’est-à-dire les deux plus importantes de France ont continué à être en grande partie contrôlées par l’église (au moins jusqu’en 1450 pour Montpellier). Donc, l’illogisme ne s’est pas limité au seul 13ème siècle.

Il est vrai qu’il est dit sur Wikipédia que l’université était relativement indépendante du pape et du roi. Mais, même comme ça, le simple fait d’avoir à un lien, même un peu distendu, avec les universités de médecine était déjà complètement illogique. Et puis, vu l’importance de l’enseignement de théologie, il est clair que l’église avait un pouvoir considérable sur les facultés (sinon, cet enseignement n’aurait pas eu lieu d’être). Et par ailleurs, un élément nous montre que l’université était très loin d’être indépendante de l’église.

En effet, jusqu’en 1452, les docteurs qui étaient issus des facultés de médecine étaient obligés de rester célibataires durant toute leur vie.

C’est ce qui est dit ici :

« Ce n’est que peu à peu que la médecine devient laïque, mais les « physiciens » ou « mires » qui l’exercent sont astreints au célibat jusqu’en 1452, date à laquelle Guillaume d’Estoutrville obtient en leur nom une dispense pontificale.« 

Et ici :

« Jusqu’alors, aussi, les docteurs régents étaient condamnés au célibat, quoique les hautes dignités ecclésiastiques leurs fussent devenues inaccessibles. C’est le cardinal d’Estouteville qui en 1452 fit disparaître cette anomalie et supprima le célibat. Les facultés profitèrent vite de cette disposition, et désormais l’enseignement de la médecine fut laïc et l’érudition classique brilla d’un grand éclat. C’était le commencement de la Renaissance.« 

Donc, si l’église avait le pouvoir d’imposer une règle aussi lourde aux futurs médecins (parce qu’on ne voit pas quelle autre organisation aurait pu avoir envie d’imposer une telle chose), c’est bien qu’elle avait un pouvoir énorme sur les étudiants et donc sur les universités de médecine. On ne peut pas dire qu’ils étaient vraiment libres et indépendants de l’église, bien au contraire.

Une telle obligation semble incroyable. Mais on en a une explication éventuelle dans le livre « Histoire et description de Provins », écrit par Opoix, publié par Raynal, 1823.

Le docteur Cabanis en parle dans son ouvrage intitulé : « coup d’œil sur les révolutions de la médecine », page 130 (note d’Aixur en 1804). Voici à quelle occasion : « Les prêtres, dans ces temps, dit-il, firent défendre, par leur crédit, aux médecins de se marier, ce qui fit que la plus grande partie d’entr’eux s’engageaient dans l’état ecclésiastique, comme N…… et Robert de Provins, médecin de Saint-Louis. Ils joignirent donc la médecine au sacerdoce, et acquirent, par ce double moyen, beaucoup de richesses et de considération. »

Donc, l’obligation de célibat aurait eu pour but d’obliger les médecins issus des universités à devenir religieux par la suite.

Là encore, ça introduit une absurdité par rapport à l’histoire officielle. Si l’église avait voulu interdire la médecine aux religieux, elle n’aurait évidemment pas obligé les futurs médecins au célibat, les poussant ainsi vers la carrière ecclésiastique. Donc, là encore, on a un élément montrant que l’église ne voulait pas du tout interdire la médecine aux religieux.

Cela dit, il est bien possible que cette explication soit fausse et que les docteurs aient été astreints au célibat tout simplement parce qu’ils étaient destinés à devenir religieux par la suite. Le fait que le texte parle d’acquérir beaucoup de richesses, alors les religieux-médecins étaient supposés ne pas s’enrichir le rend suspect et rejaillit sur l’explication qu’il donne de l’obligation de célibat.

Enfin, selon les historiens officiels, une des preuves de l’interdiction de l’exercice de la médecine par les religieux serait que les médecins laïcs les auraient totalement remplacés dans les hôpitaux (même ceux contrôlés par l’église évidemment). Et effectivement, divers témoignages parlent de médecins laïcs employés dans des hôpitaux tenus par des religieux.

Sauf qu’on n’a pas de preuve que les religieux aient été totalement remplacés par les médecins laïcs. Donc ça ne prouve rien. Il est possible en effet que petit à petit, l’église ait utilisé les services de médecins laïcs. Ils pouvaient servir à faire des saignées ou des lavements impliquant de voir des endroits « impudiques ». Et comme à la fin du moyen-âge, les universités ont commencé à former des médecins laïcs, il est possible que certains hôpitaux en aient parfois utilisés un certain pourcentage. Mais rien ne prouve que les médecins aient complètement remplacé les religieux. Comme on n’a que très peu de données sur la composition des équipes dans les hôpitaux, hôtels-Dieu, etc.., difficile en fait de savoir quelle part du personnel médical ils représentaient. Mais, comme on l’a vu, les religieux continuaient à pratiquer la médecine. Donc, il est clair que les médecins sont très loin d’avoir remplacés tous les médecins religieux.

En fait, la réflexion suivante laisse à penser qu’ils ont dû juste servir de main d’œuvre d’appoint. Pourquoi créer des hospices et des hôtels-Dieu, qui ont une mission de charité, c’est-à-dire de médecine gratuite, et interdire la possibilité d’enrichissement aux religieux pratiquant la médecine, si c’est pour confier le rôle de médecins des établissement médicaux religieux uniquement à des laïcs qui se font payer et font même des fortunes ? Ça n’a aucun sens. A la rigueur, si l’église avait abandonné toute aide médicale au peuple, pour la laisser à d’autres, ou aux mains d’un marché libre, ça aurait été logique. Si l’église avait maintenu des services médicaux gratuits assurés par des religieux vivant chichement, ça aurait été logique. Mais maintenir un service médical gratuit via ses hôpitaux, et le confier à des médecins laïcs rémunérés grassement, tout en interdisant la pratique de la médecine aux religieux à cause des risques d’enrichissement, c’est complètement absurde. Si l’église avait employé des médecins en les payant cher, il aurait fallu de toute façon récupérer l’argent d’une manière ou d’une autre. Donc, il y aurait eu enrichissement de ses employés. Et par ailleurs, la mission de charité aurait été illusoire. Tout le monde aurait critiqué cette façon de faire, aussi bien le peuple que les religieux. Et on aurait des traces de ça. La seule solution logique, c’est que les médecins laïcs étaient uniquement des supplétifs. Ils ne devaient représenter qu’une petite partie des médecins employés par l’église. Et du coup, il n’y a plus illogisme quant au fait d’employer des médecins laïcs au salaire onéreux. S’ils ne représentaient qu’une petite partie des médecins opérant dans les hôpitaux contrôlés par l’église ça ne représentait pas une charge remettant en cause la mission de charité de celle-ci.

 

2° Les preuves de la présence de nombreux établissements médicaux religieux après les 12èmes et 13èmes siècles et qu’on y pratiquait la saignée

 

Donc, comme on l’a vu, les religieux pouvaient clairement pratiquer la médecine. De nombreux exemples le prouvent. Mais en plus, l’église gérait une quantité considérable d’hôpitaux (probablement la plupart).

Déjà, il y avait des centaines d’hôpitaux tenus par des ordres hospitaliers (rien qu’en France).

Par exemple, les Antonins, qu’on a déjà cités, avaient 640 établissements en Europe en 1340. Et encore 370 à la fin du 15ème siècle. C’est ce qu’on peut lire ici (page 8) :

« Vers 1340, on dénombrait jusqu’à 640 établissements d’Antonins en Europe, répartis le long des routes de pèlerinage : Aquitaine, vallée du Rhin et Bavière, « Camino Francès » en Espagne.« 

Sur la page Wikipédia concernant les ordres hospitaliers, on parle de l’ordre des Hospitaliers du Saint Esprit :

« Les Hospitaliers du Saint-Esprit, dont les origines remontent à Jérusalem au XIe siècle, furent refondés en 1195 à Montpellier par Guy de Montpellier. Ils adoptèrent les constitutions des hospitaliers de Saint-Jean et furent formellement reconnus dès 1198 par le pape Innocent III qui leur confie l’hôpital du Saint-Esprit à Rome. Nombre d’hôpitaux à travers l’Europe s’affilièrent à l’ordre, car cela leur donnait certains privilèges religieux avec la protection du pape et des évêques. Dès 1291, on compte 99 institutions dans cinq pays et au XVe siècle, plus d’un millier d’hôpitaux, dont 400 en France. Pour certains ce n’était plus devenu qu’un « patronage ». L’ordre fut décimé par la Réforme. Certains hôpitaux survécurent jusqu’au XIXe siècle. L’ordre fut finalement supprimé par Pie IX en 1854.« 

Donc, pour ce seul ordre, on parle d’un millier d’hôpitaux dans toute l’Europe en 1291, dont 400 en France.  Si on considère une proportion de 40 % d’hôpitaux en France aussi pour les Antonins, on arrive à environ 550 hôpitaux en France au 15ème siècle, rien que pour ces deux ordres hospitaliers.

En France en 2006, il y avait 2877 hôpitaux, pour une population environ 3 à 4 fois supérieure à celle du 15ème siècle. Donc, si on arrondit à 3000 hôpitaux, ça veut dire qu’à population égale, on n’aurait actuellement que 1000 ou 750 hôpitaux. Pas très loin du nombre d’hôpitaux de l’époque. Bien sûr, ils devaient avoir un nombre de lits bien inférieur. Mais quand même, la population était relativement bien couverte compte tenu des moyens d’alors.

Non seulement l’église tenait la majeure partie des hôpitaux ordinaires, mais elle tenait également les hôtels-Dieu, qui étaient des hôpitaux de plus grosse importance et qui se trouvaient généralement dans les villes (même de faible importance).

Sur Wikipédia, on a ça concernant les hôtels-Dieu :

« Situés en général à l’ombre de la cathédrale et dépendant de l’autorité de l’évêque, les premiers hôtels-Dieu font leur apparition en France au VIIe siècle. Il semble qu’au départ ils servent à héberger les pèlerins et à évangéliser les voyageurs mais, petit à petit, cette fonction hospitalière se transforme d’une part en hospice et hôpital général, et d’autre part en hôpital accueillant principalement les vieillards, les malades et les nécessiteux. Celui de Saint-Julien-du-Sault intégrait une école dès 1559.« 

Donc, il est clair que les hôtels-Dieu étaient bien dépendants de l’autorité de l’église.

 

On apprend également ici  et ici qu’il y avait 2000 léproseries en France en 1225. Léproseries qui étaient également gérées par les religieux. La lèpre a été quasiment éradiquée dès le milieu du 16ème siècle. Mais tout de même, ça veut dire que jusqu’au début du 14ème ou 15ème siècle, il y avait encore beaucoup de léproseries.

Il y a eu aussi création d’ordres hospitaliers comme les chevaliers du temple, les chevaliers teutoniques, les chevaliers du Saint-Esprit, etc… Tous ces ordres ont fondé de nombreux hôpitaux.

Il y avait également de très nombreux petits hôpitaux de provinces qui étaient établis dans des bâtiments de faible importance.

 

Bref, l’église contrôlait effectivement de très nombreux hôpitaux. Et dans beaucoup de cas, les médecins ecclésiastiques se déplaçaient encore à domicile. Donc, les gens avaient accès facilement à la médecine via l’église.

 

 

La dernière ligne de défense des historiens officiels consiste à faire croire qu’on ne pratiquait pas la médecine dans les hôpitaux tenus par les religieux, mais simplement des soins extrêmement basiques. Par exemple : permettre à la personne de se reposer, ou lui donner à manger, ou faire des prières. Puisque l’église était censée avoir proscrit la médecine, ça peut sembler crédible.

Le problème, c’est qu’on a de multiples témoignages prouvant qu’on y pratiquait une médecine tout à fait classique ; à savoir : le clystère, la saignée et les purges médicamenteuses.

On en a un témoignage dans le document « A propos des palettes à saigner en étain« , par Claude Renner, publié en 2004, dans « Histoire des sciences médicales, tome 38, n°2« , page 222 :

« Ce matériel est longtemps aux mains des garçons barbiers qui pratiquent la saignée sur prescription médicale dans les hôtels-Dieu et hospices.

… C’est la procédure exposée par Dionis au début du 18ème siècle.« 

Donc, dans les hôtels-Dieu et les hospices, on pratiquait bien la saignée.

Plus bas dans la page, on trouve :

« Les palettes appartenant aux congrégations religieuses, dispensées de l’impôt, portent souvent leur seul poinçon de propriété : Monastère de la Visitation de Nantes, Hospice de Tonnerre, Monastère de la Visitation de Metz… etc.« 

Ce qui signifie qu’on pratiquait aussi la saignée dans les Monastères.

 

Sur le site du Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse, il y a des informations sur l’ancien hôtel Dieu de cette ville :

« Nous ne pouvons parler de l’Hôtel Dieu sans relater l’existence de ce « Joyau » de notre patrimoine local qu’est l’Apothicairerie.

Installée en 1790 dans ce nouvel hôpital, elle était destinée à fournir les médicaments aux patients.

Cette « pharmacie » venait de l’ancien hôpital ouvert en 1652 dans le secteur du Centre-Ville et avait été mise en place par les religieuses appartenant à l’ordre de St Augustin.

De nombreux objets y sont ramenés, entre autre un mortier de 1663, des pots, vases et bassins à saignées portent des dates de1663 à 1734.

Ce magnifique ensemble de l’apothicairerie se compose de 3 pièces : un laboratoire où l’on préparait les médicaments, une pièce de stockage des matières premières et enfin l’officine, la plus belle pièce riche de par son contenu.

L’Apothicairerie a fonctionné jusqu’en 1947.« 

Donc, à l’hôtel-Dieu de Bourg-en-Bresse, ouvert en 1652, on utilisait des médicaments et la saignée. On ne se contentait pas du tout de soins basiques.

 

Sur l’hôtel-Dieu de Belleville, on a ici :

« L’Hôtel-Dieu de Belleville a vécu l’évolution de la chirurgie. De la médecine au temps de Molière où la théorie des humeurs imposait une élimination acharnée, subsistent : lancettes et palettes pour la saignée, clystères pour la purge.« 

 

Dans le livre « l’hospice de Charenton », de Pierre Pinon, Editions Mardaga, 1989, page 18, on trouve l’extrait suivant qui évoque le traitement des fous dans un hôtel-Dieu parisien :

« C’est dans ce contexte que se situe le supposé grand acte politique de Ph Pinel, la libération des fous de Bicêtre en 1794 (dont nous savons aujourd’hui qu’il s’agit d’un mythe), mais surtout son réel travail, à Bicêtre puis à la Salpêtrière.

La grande idée de Pinel, c’est le « traitement moral », en opposition aux traitements physiques brutaux qui accompagnaient l’internement.

Ainsi à l’hôtel-Dieu, les reclus étaient soumis « à des saignées, des bains ou des douches, livrés à toute l’impéritie d’un directeur sans humanité et aux froides brutalités de gens de service » rappelle Pinel, suivi par Esquirol : « Que penser d’un traitement médical appliqué indistinctement à toute sorte d’individus, et qui consisterait toujours dans l’usage des bains, des douches, des saignées multipliées, des purgatifs, des antispasmodiques ; quels que soient le siège, la cause et l’espèce de l’aliénation ? ».« 

Donc, là encore, utilisation de la saignée et des purgatifs.

 

Ici, on a des informations sur les établissements dépendants de l’église et traitant les fous aux 17ème et 18ème siècles :

« XVIIème et XVIIIème siècles

Ces siècles sont marqués en France par la naissance de grandes institutions, et l’instauration d’un traitement médical spécial dans les hôtels-Dieu :

Les hôtels-Dieu : celui de Paris réserve au début du XVIIIème siècle deux salles, une pour chaque sexe, où sont pratiqués des traitements médicaux fort réputés, mais dont la capacité reste assez modeste : une trentaine de places pour les hommes, une centaine pour les femmes, pour une région très étendue.

Les maisons religieuses spécialisées, dont la maison de la Charité de Charenton est un éminent exemple : tardivement par rapport à l’Espagne, où les premiers établissements sont créés à l’initiative de Juan Ciudad Duarte (1495-1550), canonisé sous le nom de saint Jean-de-Dieu, la France voit s’ouvrir plusieurs établissements de l’ordre des hospitaliers, qui serviront de modèle à la fin du siècle : Pontorson, Sainte-Marguerite à Cadillac, Sainte-Madeleine à Bourg, la Cellette en Corrèze, Leyme dans le Lot, Château-Thierry, Senlis dans l’Oise, Saint-Aubin (Côtes-d’Armor) puis Léhon, La Guillotière dans le Rhône, Lommelet dans le Nord. Charenton enfin, maison fondée en 1640, ne reçoit des fous qu’à partir de 1670.

– Les maisons de santé privées, au nombre de plusieurs dizaines au XVIIIème siècle à Paris.

On assiste tout au long de ces deux derniers siècles de l’Ancien Régime à une médicalisation progressive des soins aux insensés. L’intervention médicale se fait selon un double postulat :

– la folie est médicalement curable, et le but du traitement est la guérison

– Les fous doivent être traités par des moyens physiques.

Ce principe ne résulte pas de l’idée de lésion organique, cérébrale ou autre, mais de celle d’un trouble physiologique fonctionnel (humoral pour les très nombreux médecins fidèles aux théories galéniques). Le traitement vise le trouble en soi plus que celui qui en souffre. Il consiste pour l’essentiel en quelques mesures énergiques : saignées, bains, purges, et, seule méthode spécifique, les douches.

Bien qu’il puisse être parfois mis en œvre au domicile du malade (dans les milieux aisés essentiellement), le traitement requiert généralement l’admission dans un établissement hospitalier ou dans une maison de santé privée. Vers 1780, il n’y a guère plus de six établissements publics spécialisés ou ayant réservé des salles au traitement des fous en France : les hôtels-Dieu de Paris et de Lyon, l’Hôpital Général de Rouen, l’hôpital de la Trinité d’Aix (Provence), l’hôpital d’Avignon et la Maison de Saint-Lazare à Marseille.« 

 

 

Donc, voilà, on a ici suffisamment de documents qui montrent que, bien au-delà du 13ème siècle, l’église a continué à fournir des services médicaux à la population au travers de très nombreux établissements (hôtels-Dieu, hospices, maladreries, monastères, etc…). Services qui comprenaient l’utilisation de la saignée et des purges. Et non seulement ça, mais les soins étaient gratuits pour les indigents (et probablement même pour tout le monde).

Et les documents nous montrent également que les religieux ont très probablement continué à pouvoir pratiquer la médecine, voire même la chirurgie, après le 13ème siècle. Il y a vraisemblablement eu certaines restrictions, comme l’interdiction de s’enrichir excessivement, ou de faire commerce de la médecine tout court. Ou peut-être encore de voir des corps de femmes nus, ce qui aurait requis effectivement l’emploi de chirurgiens et de barbiers laïcs (mais qui pouvait néanmoins se contourner par le recours à des religieuses). Mais la médecine et la pharmacie, contrairement à ce qu’en dit l’histoire officielle a très probablement pu continuer à être exercée par les religieux.

Ce qui nous fait revenir au problème initial. La population bénéficiant des services médicaux de l’église, elle était loin d’être isolée et sans assistance médicale, bien au contraire. Du coup, à cause de cette couverture très étendue de la population, il est évident que la médecine était une source de morts énorme. A cause des saignées et des purges, c’était le massacre. L’espérance de vie était très fortement diminuée à cause de la médecine.

 

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