Les vraies causes des diarrhées soi-disant microbiennes (partie 2/3)

 

5) Les touristes

 

La tourista va venir de différents problèmes.

 

1° Le changement de température, la déshydratation et le stress du début de voyage,

Quand la personne va arriver dans un pays chaud, la chaleur soudaine va entrainer une déshydratation, et ça va provoquer un ralentissement du transit intestinal (le corps le ralentit afin de capter plus d’eau de la part des aliments). Le fait de bouger beaucoup va participer à la déshydratation (installation, exploration du coin, shoping, ballades, excursions, plage, etc…). Et ce d’autant plus que ce sera fait pour l’essentiel en pleine journée sous un soleil de plomb (donc en plus de la température élevée à l’ombre, ils subiront celle au soleil aux moments les plus chauds de la journée). Au début, la personne va aussi moins manger à cause de la chaleur, ce qui va participer à la déshydratation et donc la constipation. Et puis, la personne ne va pas forcément très bien s’hydrater durant les premiers jours, à cause de toutes les choses qu’il y a à faire et durant lesquelles elle n’aura pas amené d’eau (ou pas suffisamment).

Du coup, pendant les premiers jours, la personne va avoir tendance à être constipée.

Puis, le  corps va s’habituer à la chaleur. La personne va aussi aller se baigner, ce qui va la refroidir. Elle va mieux dormir, reprendre du poil de la bête niveau énergie. Elle va manger plus. Elle va consommer des glaces et boire des sodas. Elle va bien s’hydrater.

La tension va alors redevenir normale, la tonicité musculaire aussi. Et du coup, le transit également. Seulement, ça peut aller trop loin et le transit peut devenir trop rapide, et donc se transformer en diarrhée. Ça sera rarement très important. Mais ça sera considéré par la plupart des gens comme un épisode de tourista.

Souvent la consommation de produits froids et gras va être le déclencheur de la tourista. La personne va commencer à récupérer. Il suffira alors qu’elle achète un soda glacé suivi d’une glace. Et là, le froid va faire se contracter les muscles des intestins, accélérant ainsi le transit, ce qui conduira à une diarrhée. Le  fait que la glace soit composée de gras va faciliter le transit et donc la diarrhée.

La clim peut également participer à la chose en augmentant le refroidissement corporel. Avec les voitures climatisées, une balade de plusieurs heures pour aller voir un village ou un site touristique va entrainer un refroidissement corporel. Et si la personne est en phase de récupération, ça peut servir de déclencheur de diarrhée. Même chose si on met la clim la nuit.

2° La nourriture locale

Une autre cause capitale de diarrhées est la nourriture locale. Comme ces pays ont des aliments accompagnés de piments, d’épices et de condiments a effet laxatif, et que les touristes vont en manger lorsqu’ils iront au restaurant, ils vont souvent avoir des diarrhées à cause de ça. Ajouté au problème de chaleur et de fatigue évoqué précédemment, un ou deux repas épicés peuvent suffirent pour provoquer une diarrhée plus ou moins importante. Et là, on peut obtenir une diarrhée d’importance moyenne. Autant la phase de récupération évoquée plus haut aboutit plutôt à des petites diarrhées, autant l’alimentation locale épicée peut entrainer deux ou trois épisodes de diarrhée de suite. Ca ne sera pas systématique (ni la présence de la diarrhée elle-même non plus). Parfois, ce sera simplement une petite diarrhée. Mais parfois, ça pourra être plus important.

 

3° Autres causes : purificateurs d’eau, prise de médicaments contre le paludisme

Par ailleurs, il est peut-être possible que les produits chimiques utilisés par les touristes pour assainir l’eau (à base de chlore) agressent légèrement les intestins. Donc, peut-être que certains problèmes viennent de là.

Il y a aussi des gens qui prennent des traitements préventifs contre le paludisme quand ils vont dans les pays chauds. Comme ces médicaments agressent le système digestif (ce sont des analogues d’anti-inflammatoires), ils peuvent provoquer des diarrhées plus ou moins importantes.

 

4° Vomissements, douleurs abdominales et baisse d’énergie provoqués par la déshydratation et les analogues d’opiacés

Ce dont il faut tenir compte, aussi, c’est que les symptômes définissant la tourista ne se limitent pas à la diarrhée. Les douleurs abdominales ou les vomissements en font partie aussi. Si quelqu’un a un de ces symptômes, tout le monde mettra ça sur le compte de la tourista. Ce qui ouvre la porte à d’autres causes de tourista.

Par exemple, les vomissements pourront éventuellement arriver après une ou deux diarrhées. A cause de la déshydratation et donc de l’hypotension que les diarrhées auront entrainées. Ça sera considéré comme un élément de la tourista et on ajoutera ça aux deux autres épisodes de diarrhée comme symptômes de la tourista. Et forcément, ça renforcera l’idée qu’on avait bien affaire à ce problème. Par ailleurs, une ou deux diarrhées, c’est déjà suffisant pour être considéré comme une tourista. Mais avec les vomissements en plus, là, on se dira qu’on avait affaire à un cas vraiment sérieux. Et justement, comme on l’a vu un peu plus haut, si le médecin considère que la tourista est sérieuse, il donnera des antibiotiques. Ce qui risquera d’aggraver encore le problème.

Les médicaments pour soigner la tourista peuvent en prolonger les symptômes. Un médecin local peut donner un anti-diarrhéique. Et le touriste (ou un de ses amis) peut en avoir amené lui aussi dans sa trousse de soin. Or, ce sont des analogues d’opiacés. Donc, la baisse de tension que ça provoquera pourra entrainer des vomissements. Pas toujours, parce que l’effet relaxants sur les muscles fera que la personne pourra n’avoir que des nausées. Ça dépendra donc de la force de l’anti-diarrhéique et du niveau de déshydratation. Mais si ça arrive, les vomissements seront attribués au microbe.

Par ailleurs, l’hypotension causée par la diarrhée entraine une baisse d’énergie. Un médicament de type opiacé, puisqu’il augmente l’hypotension va donc saper encore un peu plus l’énergie de la personne. Celle-ci mettra tous ces symptômes sur le compte du microbe. Elle pensera qu’elle a eu quelque chose de vraiment grave et remerciera la médecine moderne de l’avoir sauvée.

A cause de la déshydratation (et donc de la perte de sels minéraux) ou de l’usage d’antibiotiques ou des deux, les muscles du ventre vont parfois se tendre et la personne va avoir des gros problèmes de crampes abdominales. Du coup, pour soulager ça, on va donner un relaxant musculaire, c’est-à-dire un analogue d’opiacé. Et là encore, il pourra y avoir des vomissements et une perte d’énergie qui seront mis sur le compte du microbe.

 

Il va parfois y avoir consommation préventive d’analogues d’opiacés comme le Tiorfan ou l’Imodium (des anti-diarrhéiques) pour éviter la tourista. C’est va être spécialement vrai chez les routards (c’est d’ailleurs sur ce site écrit par l’un d’entre eux que j’ai pris connaissance de cette pratique). C’est en effet très utile quand on doit faire un très long voyage dans un vieux bus (genre 8 ou 10 heure) ou d’une façon générale, quand on sait qu’on va être dans une situation prolongée où on ne pourra pas faire ses besoins aussi souvent qu’on le voudrait. Et si la personne est déshydratée durant le moment ou ce genre de médicament fait effet, on va avoir deux causes d’hypotension. La personne risque donc d’avoir des nausées, et éventuellement de vomir. Ce qui sera pris pour une tourista. Et une fois qu’elle aura arrêté de prendre ces médicaments anti-diarrhéiques et qu’elle sera à nouveau correctement hydratée, c’est éventuellement la diarrhée qui prendra le relais.

Dans ce cas de figure, certains routards qui vont dans ces pays pour « s’éclater » vont en plus fumer des joints ou boire des alcools forts ou même fumer de l’opium, etc.., après avoir pris ces médicaments. Donc l’hypotension sera encore plus importante et le risque de nausées et de vomissements aussi. Et là aussi, la diarrhée pourra prendre le relais une fois les anti-diarrhéiques et les drogues à effets de type opiacé arrêtées. Evidemment, la survenue de ce genre de problème dépendra de l’habitude qu’a la personne de ces produits, de la quantité et de la puissance des drogues absorbées, de la quantité et de la puissance des anti-diarrhéiques, de la durée de la prise, de l’importance de la déshydratation, etc…

 

Et puis il y a des gens qui vont avoir le mal de transports et qui du coup vont prendre aussi des analogues d’opiacés pour le combattre, comme la Nautamine. Donc, on va avoir les mêmes problèmes que pour les anti-diarrhéiques pris préventivement.

 

Il y a aussi des gens qui vont avoir des maux de crane et qui vont prendre des médicaments antimigraineux. Or, comme on l’a vu dans un autre article, les antimigraineux sont soit des anti-inflammatoires, soit des associations « anti-inflammatoire-opiacé », soit des analogues d’opiacés purs. Et du coup, ça va là aussi rejaillir sur la digestion.

–          Les anti-inflammatoires risquent de provoquer des diarrhées, ou de participer à leur survenue (conjointement avec les autres causes de diarrhée du voyageur)

–          Je ne sais pas trop pour les associations. Peut-être que l’effet s’équilibrera plus ou moins et que ça ne fera pas grand-chose. A voir.

–          Les analogues d’opiacés vont provoquer de la constipation, des nausées et éventuellement des vomissements. Et quand on arrêtera de les prendre, la diarrhée risquera d’arriver.

 

D’une façon générale, toute personne prenant un traitement prolongé pour une affection quelconque risque de voir la chaleur et la déshydratation interférer avec celui-ci. Que ce soit un traitement pour le diabète, pour la tension, pour telle ou telle douleur, etc…

 

5° Aggravation de la tourista par prise d’antibiotique

Là où ça peut se transformer en problème important, c’est si la personne prend des antibiotiques pour sa diarrhée. Comme les antibiotiques sont justement des diarrhéiques, d’un seul coup, la personne va avoir une diarrhée carabinée, qui peut être potentiellement dangereuse.

Heureusement, ça n’arrive apparemment pas souvent. C’est ce qu’on peut lire sur Wikipédia (diarrhées du voyageur) :

« L’usage d’un antibiotique chez le sujet sain n’est pas indiqué étant donné la nature bénigne de l’affection. Son emploi doit être réservée aux situations sévères avec plus de 3 selles liquides par jour, présence de douleurs abdominales, de fièvre et/ou dysenterie et symptomatologie récidivante lors de l’interruption du traitement symptomatique, ou chez la personne fragile.« 

Donc, a priori, c’est rarement qu’on va avoir des problèmes importants. Et effectivement, c’est ce qu’on peut constater en pratique. C’est rare qu’on ait des récits de touristas vraiment graves. La plupart du temps, les gens qui racontent leur voyage parlent de touristas légères ou qui les ont assommés pendant un ou deux jours avant de disparaitre.

Mais comme on peut le voir, il y a des cas (plus de 3 selles liquides par jour, douleurs abdominales, récidive) où on va les utiliser. Et justement, ça va être les cas où les symptômes étaient les plus importants. Donc, puisqu’on utilise des diarrhéiques alors que les symptômes sont déjà importants, on va avoir un certain nombre de cas graves ; et il va y avoir quelques témoignages de gens dont l’état aura été vraiment sérieux. Ce qui permet de maintenir la peur de la tourista, et de façon dérivée, celle du microbe.

Heureusement, le touriste bénéficiera la plupart du temps de soins de qualité, ce qui fera qu’il ne risquera pratiquement jamais de mourir. Et même sans soins avancés, grâce aux solutions de réhydratation orale, c’est très rare que la diarrhée soit létale. Donc, 99.9 % du temps, le touriste ayant eu une diarrhée aggravée en sera quitte pour la peur.

 

Cela dit, souvent, les effets laxatifs et parfois vomitifs des antibiotiques pourront éventuellement être limités par la prise d’analogues d’opiacés. En effet, comme on va le voir plus bas, certaines personnes prennent des analogues d’opiacés avant de prendre des antibiotiques. Et parfois, le docteur donne peut-être les deux en même temps justement dans le but de limiter l’effet laxatif des antibiotiques.

Ce qui se passe alors est facile à comprendre. Comme les opiacés ralentissent le transit intestinal, ils éviteront que la diarrhée provoquée par l’antibiotique ne continue, voire même ne survienne (si on a pris l’analogue d’opiacé avant de prendre l’antibiotique, et peut-être même si on l’a pris dès le début du traitement antibiotique).

Il doit être relativement rare que les antibiotiques provoquent des vomissements. Mais si la personne est assez déshydratée, l’agression de l’antibiotique envers le système digestif peut entrainer une mobilisation importante d’eau et de sang dans le système digestif, ce qui entrainera une hypotension. Et comme la personne sera déjà en situation d’hypotension, celle-ci commencera à être importante et la personne risquera de vomir.

La prise d’analogues d’opiacés anti-vomitifs (ex : le vogalene ou le primperan, voir ici), en entrainant un relâchement musculaire, empêchera que le vomissement puisse se faire. La personne ressentira probablement des nausées, mais ne pourra pas vomir. Mais évidemment, tout dépendra de l’importance de l’hypotension et de la force de l’opiacé.

Bref, l’effet opiacé équilibrera l’effet antibiotique. C’est probablement pour ça que pas mal de gens n’ont pas tant de problèmes que ça quand ils prennent des antibiotiques. Et fait, on donne le contrepoison en même temps que le poison.

 

6) Les maladies diarrhéiques dans les temps anciens

 

Dans les temps anciens, les gens des pays tempérés mourraient beaucoup de choléra et de dysenterie. Pourtant, là, on ne peut pas incriminer la chaleur. Donc, ça va dans le sens de l’idée que ce sont des maladies microbiennes.

Mais avec ce qu’on a vu des traitements utilisés dans les temps anciens, il est facile de comprendre de quoi il retourne.

Dans les temps anciens, avec la prédominance totale de la théorie des humeurs d’Hippocrate, on pratiquait la saignée et les purges médicamenteuse.

Et vers le milieu du 18ème siècle jusqu’au début du 20ème, on utilisait énormément les opiacés (en fait, on les utilisait déjà depuis l’antiquité, mais probablement de façon moins intensive).

Avec ces trois éléments, tout devient clair.

 

–          Les causes des cas de choléra, dysenterie, etc…

Evidemment, des diarrhées pouvaient déjà survenir à cause des problèmes de conservation de la nourriture. Par exemple, il semble que l’ergot de seigle ait posé pas mal de problèmes de conservation à l’époque. Et puis, en ville, comme on ne se souciait pas du problème de l’eau, il pouvait y avoir des rejets de produits chimiques dans les rivières ou les fleuves.

Mais on peut penser que le problème principal, concernant les cas graves, était plutôt le suivant.

D’une façon générale, on pratiquait la purge médicamenteuse (avec des plantes) un peu pour tout et n’importe quoi. Il y avait même des saisons où on se purgeait sans avoir aucun symptôme de rien, simplement pour entretenir sa santé. Evidemment, les gens savaient que ces médicaments pouvaient créer des diarrhées. Mais, s’ils étaient habitués à que ça n’en provoque pas, ou alors ce que ce soit des diarrhées passagères ou légères, et que tout d’un coup, ça durait plus longtemps et de façon plus intense, ils ne voyaient alors pas forcément le lien avec les plantes purgatives en question. Et le médecin ou la personne du village ayant quelques connaissances en médecine pouvait diagnostiquer un cas de choléra ou de dysenterie ou une maladie liée à la théorie des humeurs (genre excès de bile).

A cause de l’usage fréquent des purges, beaucoup de gens se retrouvaient dans une situation similaire à celle des habitants des pays chauds actuellement. A force d’utiliser des laxatifs, leur digestion finissait par être perturbée. Ils alternaient des phases de constipation et de diarrhée. Ils finissaient par utiliser des doses de laxatifs de plus en plus puissantes. Et ils pouvaient finir par avoir parfois des diarrhées importantes. Et comme ils étaient habitués à un résultat moins intense, ils n’incriminaient pas forcément les purgatifs, et pouvaient conclure à la présence d’une maladie diarrhéique plus ou moins grave.

On pratiquait aussi la saignée lors de certaines saisons, ou sur les femmes ayant des problèmes de règles irrégulières, ou sur celles considérées comme hystériques, ou encore sur les hommes qu’on considérait avoir trop d’énergie. Bref, un nombre de raisons considérable pouvait aboutir à des saignées répétées. Or, les saignées, en entrainant une hypotension, pouvait entrainer de la constipation. Et une fois que la personne se remettait, une diarrhée pouvait se manifester. Et par ailleurs, elle pouvait être traitée par des plantes laxatives. La saignée pouvait donc indirectement être une cause de diarrhée.

Et comme la saignée était praticable facilement (elle était pratiquée par les barbiers), énormément de gens pouvaient y avoir accès. Donc, ça pouvait concerner beaucoup de monde.

L’utilisation massive d’opiacés au 19ème siècle pour un peu tout et n’importe quoi (même dans la boisson des ouvriers, comme avec le laudanum) devait entrainer des phases de constipation. Constipation qui était ensuite soignée avec des purgatifs médicamenteux à hautes doses (en automédication ou via un médecin). Ce qui provoquait parfois des diarrhées (éventuellement mortelles). Et même sans utilisation de purgatifs, la diminution ou l’arrêt de la consommation des opiacés pendant quelques jours pouvaient aboutir à des diarrhées ou même des vomissements. C’est d’ailleurs ce qu’on peut voir sur Wikipédia concernant le sevrage aux opiacés. On y trouve : « accélération du transit intestinal avec diarrhée et parfois vomissements« .

Evidemment, avec des purgatifs puissants, on obtenait aussi parfois des diarrhées sanglantes, puisqu’à hautes doses, ce sont des désagrégateurs de cellules. Ce qui pouvait favoriser fortement le diagnostic de dysenterie ou de choléra, etc…

Et bien sûr, il y avait le fait qu’en cas d’épidémie, la moindre diarrhée pouvait être considérée comme du choléra ou autres maladie diarrhéique grave. Ce qui pouvait carrément créer l’épidémie ex nihilo. On va voir un peu plus loin que c’était un élément majeur du problème.

 

–          Explication des morts du choléra, de la dysenterie, etc…

 

Là encore, les traitements administrés expliquent facilement les morts, une fois le choléra ou autre maladie de ce genre diagnostiqué.

C’est le célèbre François-Joseph-Victor Broussais qui nous indique comment on traitait les patients atteints de choléra dans son livre « Opinion de Broussais sur le choléra-morbus », paru en 1832 aux éditions H. Dumont.

A la page 50, il nous apprend qu’il y avait avant son époque un traitement apparemment standard. Il appelle ça le traitement classique. Celui-ci consistait en ceci. On donnait d’abord des vomitifs afin que la personne se purge (« que toute la bile sorte »). Quand les vomissements ne donnaient plus aucun liquide, on donnait alors des narcotiques pour calmer les crampes et les « irritations ».

Avec un traitement pareil, il est évident que les gens mourraient en masse. Ça devait être apocalyptique. La personne avait déjà perdu énormément d’eau, et on la déshydratait encore plus en la faisant vomir. Non seulement ça la faisait entrer dans un état de déshydratation extrême, mais ça pouvait la tuer aussi par mobilisation d’eau et de sang dans le système digestif (ce qui augmentait donc encore plus l’hypotension). Ensuite, si elle n’était pas déjà morte, on l’achevait en lui donnant des opiacés, qui augmentaient l’hypotension jusqu’au point fatal.

Au passage, Broussais signale (p51) qu’on considérait que le choléra était mortel 100 % du temps s’il n’était pas soigné. Donc, aucun traitement ne pouvait être considéré comme mauvais, puisqu’il ne pouvait jamais faire pire que le choléra lui-même. Au pire, il ne sauvait personne.

Broussais nous dit que le traitement classique était en grande partie abandonné et qu’il avait été remplacé par le traitement Brownien dans l’empire Anglo-saxon. Comme John Brown a commencé à avoir du succès vers 1780, ça signifie que sa théorie a commencé à s’imposer seulement à la toute fin du 18ème siècle. Donc, la théorie classique est restée en vigueur jusqu’à la fin du 18ème siècle.

Le traitement qui avait une certaine faveur dans l’empire anglais au début du 19ème siècle était donc le traitement Brownien. Les choses ne sont pas complètement claires en fait. Broussais nous dit (p. 34 et 35) que Brown préconisait l’usage de « stimulants » accompagnés d’alcools forts comme le vin de Madère, l’eau de vie ou le rhum. Seulement, le terme de « stimulants » semble recouvrir aussi bien des substances anti-inflammatoires (donc, des diarrhéiques, voir des vomitifs) que des opiacées. On parle par exemple de la cannelle, la muscade, le girofle, le poivre, le gingembre, le musc. Seulement, si le poivre, le girofle, le gingembre et la cannelle sont des anti-inflammatoires, la muscade et le musc sont des opiacés (le musc n’était que très rarement vraiment issu de l’animal. C’était généralement un composé de synthèse). Donc, soit le traitement était pratiquement le même que le traitement classique (anti-inflammatoires puis opiacés), soit on administrait les produits un peu au hasard. Mais au final, ça ne devait pas changer grand-chose.

P.53, Broussais nous dit aussi qu’on a vu des médecins anglais et polonais administrer du calomel (chlorure mercureux, un purgatif) pour l’évacuation.

Broussais parle ensuite d’une troisième méthode (en vigueur à son époque) : le traitement mitigé. En premier lieu, on cherchait à arrêter la diarrhée en donnant du riz, du discordium (appelé diascordium actuellement), ou de l’opium. Difficile de dire a priori quel était l’effet discordium vu que c’était composé de nombreux produits différents. Mais si on l’utilisait dans le but de ralentir le transit, c’est que l’effet de type opiacé devait dominer. Donc, en premier lieu, on donnait du riz et des opiacés. Forcément, si la diarrhée avait déjà bien entamé les réserves d’eau du corps, la personne était en état d’hypotension, et l’administration d’opiacés devait souvent faire atteindre le point d’hypotension fatal.

Ensuite, si la diarrhée était arrivée au point d’asphyxie et de cyanose (donc si la personne était quasiment morte), on cherchait à réchauffer le malade. On le réchauffait par l’extérieur en utilisant des bains chauds, ou des frictions de produits « aromatiques et stimulants ». Le problème, c’est que réchauffer le malade entrainait là encore une hypotension (à cause de la vasodilatation que ça provoquait). Vu l’état du malade (asphyxie et cyanose), le réchauffement pouvait être largement suffisant pour l’achever.

On ne s’arrêtait pas là, puisqu’on cherchait aussi à réchauffer l’intérieur du corps. On donnait apparemment des liquides chauds. Mais on donnait aussi des alcools forts (qui sont des analogues d’opiacés) ; donc des produis hypotenseurs. On administrait également de l’éther (également un analogue d’opiacés) et enfin parfois des opiacés. On peut comprendre que puisque l’alcool donne une impression de chaud quand on l’avale, ça ait été considéré comme un produit échauffant (même chose pour les opiacés et leurs analogues). Ces traitements intérieurs participaient évidemment encore plus à achever le malade agonisant (par hypotension) que les bains chauds.

Broussais ajoute que certains médecins utilisaient aussi des vomitifs pour favoriser l’évacuation.

Enfin, si par miracle le malade retrouvait un semblant de conscience et que les médecins constataient la présence de fièvre, ils saignaient, soit par lancette, soit avec des sangsues. Puis, si le malade était trop affaibli par la saignée, ils lui donnaient de l’éther et de l’eau de Seltz.

Donc, ce troisième type de traitement était plus ou moins similaire au traitement classique. On utilisait là-aussi des laxatifs ou des vomitifs ainsi que des opiacés (la différence étant peut-être que l’ordre d’usage de ces deux médicaments était moins stricts). Sauf que là, on augmentait l’hypotension par d’autres moyens (chaleur et irritation de la peau) et on pratiquait la saignée. Mais même si Broussais ne le signale pas, on devait aussi pratiquer cette dernière avec la méthode classique.

Au passage, Broussais dit que quand les patients étaient considérés comme « réchauffés », on en profitait parfois pour les mettre le plus vite possible dans un service différent ou les renvoyer chez eux (p52). Ce qui permettait ensuite de dire qu’ils avaient été guéris : « Lorsque par ces moyens on a obtenu une réaction, ce qui n’arrive pas toujours, le malade se réchauffe ; quelques heures après, il se refroidit de nouveau : on emploie les mêmes procédés, et il se refroidit de plus en plus. Mais les personnes habiles se hâtent de profiter du premier réchauffement pour renvoyer le malade ou le faire passer dans une autre salle. Ainsi, j’ai vu, dans une pension, des élèves qui avaient été attaqués, réchauffés momentanément et renvoyés à leurs parents, chez lesquels ils ne tardaient pas à retomber malade« . Comme quoi, les manipulations de statistiques ne datent pas d’hier. Et du coup, ça permettait de faire croire que le taux de mortalité n’était pas si élevé. Vu qu’il était considéré comme d’au moins 30 ou 40 % minimum (souvent de plus de 60 ou 70 %), on imagine quel était le taux réel. Ca permettait aussi de faire croire que le traitement sauvait des vies. En effet, comme on affirmait que le taux de mortalité était de 100 % en l’absence de traitement, si on obtenait seulement 60 % de morts, ça voulait dire que le traitement marchait.

Dans mon article sur la fièvre puerpérale, j’avais émis l’hypothèse qu’on transférait les patients dans d’autres lieux de l’hôpital, pour les sortir des statistiques. Ce qui dit Broussais va dans ce sens.

 

Enfin, Broussais nous parle du traitement physiologique, celui qu’il utilise. Il dit que contrairement à ce qui est recherché dans le traitement mitigé, il refroidissait les malades. Principe effectivement judicieux, puisqu’avec le froid, les veines se contractent et la tension sanguine augmente, ce qui permettait d’éviter la mort par hypotension.

Cela dit, il réchauffait les pieds. Ce qui n’était pas bon puisqu’une partie du sang partait là et que ça limitait la vasoconstriction générale.

Le problème, c’est qu’il pratiquait la saignée (par sangsues).

Par ailleurs, alors qu’il laisse entrevoir l’idée qu’il n’utilise pas les narcotiques. Quelques lignes plus loin, il dit clairement qu’il le fait. Je cite : « Mais lorsque le malade a été saigné, lorsque les évacuations ont été abondantes, si les malades ont encore le bas-ventre endolori, s’ils éprouvent des craintes, du malaise, de l’agitation, c’est l’époque des lavements narcotiques« . Donc, il les utilise au pire moment, quand la personne a déjà eu des diarrhées très abondantes, qu’elle a été saignée et qu’elle est tellement déshydratée qu’elle a le bas-ventre endolori, bref, quand elle est déjà en situation d’hypotension très importante.

C’était déjà suffisant pour amener le malade ad patres. Mais Broussais nous parle aussi de ce qui se passe au début de la crise (p.62 et 63).

Il dit que dès qu’il y a une diarrhée inhabituelle, on est face à ce qu’on pourrait appeler le stade 1 du choléra. Il préconise alors d’agir vite et fort au lieu de se contenter des traitements classiques (astringents divers, c’est-à-dire des laxatifs, eau de vie, lavements et diminution de la nourriture) qu’il considère apparemment comme des demi-mesures. Il conseille donc le retrait immédiat de la nourriture, ainsi que de manger de la glace. Seulement, il conseille aussi de pratiquer la saignée le plus rapidement possible, et ce de façon abondante si le médecin considère ça nécessaire.

Il y a bien la restriction « si nécessaire ». Seulement, comme les médecins de l’époque étaient des excités de la saignée, il n’y avait pas besoin de leur dire deux fois de la pratiquer. Donc, avec la méthode de Broussais, on pratiquait aussi des saignées abondantes dans un pourcentage de cas qui ne devait pas être négligeable. Forcément, en faisant ça, bon nombre de personnes devaient se retrouver très affaiblies dès le départ. Et aller donner là-dessus des opiacés augmentait le nombre de morts.

Donc, la méthode de Broussais était très probablement aussi létale que les autres.

D’une façon générale, toutes les méthodes de l’époque étaient extrêmement dangereuses et très fortement létales.

 

On a un autre ouvrage qui nous donne quelques informations supplémentaire sur les traitements utilisés à l’époque : le « Rapport de l’Académie royale de médecine sur le choléra-morbus », 1831 (pas d’auteur de cité, on va supposer que c’est un ouvrage collectif).

Les auteurs parlent d’abord des traitements administrés en Inde, puis de ceux utilisés en Russie et en Pologne. Je vais analyser le cas de l’Inde.

D’après les auteurs, en Inde (p.61), qui était sous domination anglaise à l’époque, on utilisait selon les endroits deux types de traitements : 1) surtout la saignée ; ou 2) surtout les opiacés associés aux « aromatiques », aux spiritueux ou aux toniques. Cela dit, ils ajoutent que le calomel était considéré par la plupart des médecins comme le meilleur traitement (en Inde et en Asie d’une façon générale). Donc, il est possible que le calomel ait été utilisé également même là où les autres traitements dominaient. Les auteurs ajoutent qu’il était utilisé à des doses « exorbitantes ».

Cela dit, un peu après (p.62), ils ajoutent que « la saignée est sans contredit un des moyens les plus généralement conseillés, un de ceux sur l’efficacité desquels les avis et les opinions des médecins de l’Inde sont le plus d’accord. Le noter en tête de tous les autres et le discuter en première ligne, est un devoir ; par cette raison surtout que c’est presque exclusivement dès la période d’imminence, dès le principe de la maladie, qu’il est indiqué. » Donc, en fait, la saignée était utilisée elle aussi par quasiment tout le monde.

Donc, on peut penser qu’on était loin d’avoir une pratique exclusive selon les lieux, contrairement à ce qui est déclaré au début. On utilisait aussi bien le calomel, que la saignée, que probablement les opiacés, et que les autres médicaments un peu partout. Ce n’était pas les uns ou les autres. Probablement que selon les médecins, ont avait un peu plus de saignée et un peu moins d’opiacés. Mais pour la plupart, ça n’était pas uniquement la saignée ou uniquement le calomel, etc…

A noter que la saignée est utilisée au début. Ce qui rejoint la méthode de Broussais. Donc, en fait, Broussais, loin de faire quelque chose d’original, ne faisait que reprendre une pratique quasiment universellement utilisée.

Au passage, ça vient contredire ce que laissait entendre Broussais sur les pratiques du monde anglo-saxon de l’époque, à savoir que ceux-ci n’utilisaient pas la saignée. Puisque l’Inde était sous domination anglaise, si on y utilisait pratiquement universellement la saignée, ça veut dire que c’était le cas aussi en Angleterre. Finalement, la méthode anglaise n’était que très peu différente des autres méthodes. 

Les auteurs disent que certains médecins reconnus préconisent de ne pas utiliser la saignée après la première phase de la maladie. Mais ils ajoutent aussitôt après : « il n’est pas rare cependant de trouver des médecins qui proclament les bons effets de la saignée à presque toutes les époques de la maladie« . Donc, les médecins qui pratiquaient la saignée durant toutes les phases de la maladie n’étaient pas rares.

On retrouve la même chose que dans les descriptions de Broussais concernant les méthodes pour arriver à réussir la saignée lors des phases ultérieures de la maladie. En effet, avec la déshydratation extrême engendrée par les diarrhées et la saignée, le sang se concentrait de plus en plus, et la tension était de plus en plus faible. Il devenait dès lors difficile de saigner le malade. Les méthodes étaient donc les suivantes : « Ces praticiens facilitent la sortie du sang de la veine, quand il s’en exprime avec peine, soit en plongeant le bras dans de l’eau bien chaude, soit en pratiquant sur cette extrémité supérieure des frictions sèches ou aromatiques, ou bien encore en plongeant le bras dans un bain partiel d’eau fortement sinapisée« .

 

Bref, au travers des différents écrits sur le sujet, on se rend compte que la méthode canonique vers 1830 était à peu près la suivante :

–          Saignée en début de choléra (abondante si le médecin l’estimait nécessaire), parfois dans les phases suivantes selon les médecins

–          Puis utilisation de laxatifs ou/et de vomitifs et d’opiacés dans un ordre qui dépendait de la méthode à laquelle se rattachait le médecin. Généralement, les laxatifs étaient plutôt utilisés avant et les opiacés après

–          Assez souvent, on cherchait à réchauffer le malade de l’extérieur (bains chauds) et de l’intérieur (boissons chaudes, alcools forts, opiacés)

Et, là encore contrairement à ce que laisse entendre Broussais, le traitement classique devait lui aussi faire appel à la saignée. En effet, si pratiquement tous l’utilisaient en début de traitement vers 1830, c’est que ça ne venait pas de nulle part. Vu que la saignée était utilisée depuis des centaines d’années, ce n’est pas au début du 19ème siècle qu’on s’est mis soudainement à l’utiliser pour le choléra. Donc, on devait certainement l’utiliser aussi avec le traitement classique. Ce qui veut dire que le traitement canonique de 1830 était aussi le traitement canonique utilisé depuis des siècles. Il y avait quelques variantes nouvelles (utilisation de la glace par Broussais), mais globalement, on utilisait la même méthode que les siècles précédents. Bref, jusque vers la fin du 19ème siècle, on a partout (dans le monde occidental et les empires qui y étaient rattachés) et toujours utilisé grosso modo la même méthode.

 

Dans deux documents que j’ai lus sur choléra datant du 19ème siècle, on apprend que souvent, les personnes guéries du choléra étaient atteintes juste après de la fièvre typhoïde.

C’est ce qu’on peut trouver dans « Du choléra épidémique observé en Pologne, en Allemagne et en France, avec quelques remarques sur les mesures prises par l’administration, et quelques conseils à l’autorité, aux gens du monde et aux médecins », de Claude-Marie-Stanislas Sandras, Crochard, 1832. Aux pages 42 et 45, on dit qu’au choléra succédait souvent la fièvre typhoïde ou le typhus (du grec tuphos, torpeur).

On imagine effectivement qu’après avoir été mis au 36ème dessous par les traitements hallucinants de l’époque, les malades entraient dans des torpeurs qui duraient plus ou moins longtemps.

En réalité, on cachait bon nombre de morts de choléra en accusant le typhus. En, créant une deuxième maladie, on pouvait diviser le taux de mortalité par deux. Donc, beaucoup de traitements soi-disant à succès ne le devaient que parce qu’on reportait les morts sur le typhus.

Et ça ne devait pas être limité au choléra. Pour plein d’autres affections qui étaient traitées par la saignée et autres traitements de l’époque, les maladies typhoïdes devaient leur succéder (ou plutôt, on les faisait succéder artificiellement).

On parle aussi de fièvres. Il est logique aussi qu’il y ait eu des fièvres. Comme on déshydratait à mort les personnes, elle n’avaient plus d’eau à consacrer à la transpiration. Donc, dès que la température était élevée, ils développaient des hyperthermies. Or, justement, dans le traitement mitigé, on cherchait à réchauffer les malades. Cela dit, le terme de fièvre ne signifiait pas forcément la même chose que maintenant. On considérait qu’il y avait fièvre en grande partie à l’aide du pouls. Donc, si le pouls était rapide, on pensait que le malade avait de la fièvre. Ce qui pouvait arriver avec la déshydratation de la personne. Si elle n’était alors plus sous opiacés (ce qui arrivait en fin de traitement), le cœur pouvait repartir et se mettre à battre la chamade. Et du coup, les médecins pensaient qu’il y avait fièvre.

En tout cas, si jamais on n’avait pas été tué par le traitement lors de la phase choléra, on risquait de l’être lors de la phase typhoïde. Parce que les traitements donnés lors de cette phase devaient être bien carabinés eux aussi.

 

Toutes ces informations sur les anciens traitements, c’est le genre de choses dont ne nous parlent pas les médecins actuels. Eh oui, forcément, si les gens savaient ça, ils se diraient peut-être que l’amélioration du taux de mortalité n’a rien à voir avec l’amélioration de la médecine, mais avec l’abandon des pratiques les plus meurtrières.

 

Les débuts de l’industrialisation au 19ème siècle ont pu être une cause supplémentaire de problème de diarrhées. Beaucoup d’entreprises ont dû rejeter leurs déchets chimiques directement dans les rivières ou sur le sol. Et dans certains villages ou villes, ça a pu provoquer des diarrhées, des vomissements et des morts. Et peut-être qu’il était alors plus pratique d’accuser le choléra ou autre maladie diarrhéique grave, en attendant de résoudre le problème. Généralement, les médecins devaient poser un diagnostic de choléra de bonne foi. Mais il est possible que parfois, le fait d’accuser le choléra ou autre maladie diarrhéique ait servi consciemment à masquer la vraie cause des diarrhées.

 

PS :

Avec de tels médecins, on comprend pourquoi les armées fondaient littéralement comme neige au soleil même sans combats. Une fois les maladies microbiennes remises en cause, c’est quelque chose qui semble bizarre a priori. Sans maladies microbiennes, il n’y avait pas tellement de raisons qu’en faisant 1000 km de marches forcées, 10 ou 20 % des soldats meurent. D’accord, les conditions de vie étaient parfois très rudes, mais quand même. Seulement, avec les marches forcées, le froid, la pluie et donc l’humidité, le stress, etc.., forcément, tôt ou tard, les soldats avaient des diarrhées plus ou moins importantes, ou de la constipation puis des diarrhées (à cause des laxatifs) ou des fièvres, etc… Et forcément, avec les traitements administrés, c’était l’apocalypse.

 

–          Pourquoi ne mourrait-on pas plus ?

 

Avec des traitements aussi apocalyptiques, et vu que Broussais laisse entendre que la moindre diarrhée pouvait être considérée comme du choléra, on peut se demander pourquoi on ne mourrait pas plus des maladies diarrhéiques. Vu que pratiquement tout le monde a des diarrhées tôt ou tard, plus de la moitié de la population aurait dû mourir des traitements administrés. Or, ça n’était pas le cas.

Bien sûr, on devait mourir beaucoup de diarrhées, mais pas autant qu’on aurait dû si toute diarrhée un peu répétée avait impliqué des traitements aussi dangereux.

On commence à comprendre en partie pourquoi quand on lit dans le livre de Broussais que les épidémies de choléra étaient nouvelles en Europe au 19ème siècle. En fait, la maladie en elle-même n’est pas nouvelle. La théorie humorale en parlait. Mais elle avait été oubliée depuis longtemps en Europe. C’est ce qu’on peut lire page 6 : « Quoi qu’il en soit, le choléra-morbus avait été oublié dans notre région. Nous lisions bien de temps en temps des articles de journaux sur les ravages que le choléra-morbus avait faits à Calcutta et dans d’autres villes de l’Inde ou du Levant ; mais cela se bornait là, ce n’était pour nous qu’une affaire de curiosité« . Donc, la maladie n’était pas nouvelle, mais les épidémies, elles, étaient effectivement nouvelles.

Du coup, ce qui devait se passer avant le 19ème siècle, c’est que les gens ne devaient pas s’affoler quand ils avaient des diarrhées. Ils devaient se soigner eux-mêmes en utilisant des produits pas trop puissants. Il pouvait y avoir des accidents, mais ça restait limité. Comme ça n’était pas considéré comme grave, ils ne faisaient pas appel au médecin.

Seulement, quand on s’est mis à leur faire croire que les diarrhées étaient potentiellement très graves parce que des épidémies de choléra étaient apparues, d’un seul coup, les gens se sont mis à s’affoler. Et tout ce que les médecins disaient semblait vrai, puisque effectivement, beaucoup de monde se mettait à mourir. Donc, au lieu de recourir à l’automédication comme d’habitude, les gens se sont mis à aller voir le médecin. Les diarrhées cachées jusque-là (parce que faisant l’objet d’une automédication) ont alors été révélées aux médecins. Et les cas se sont multipliés d’un seul coup aux yeux de la médecine. Mais surtout comme les médecins utilisaient des traitements létaux, les gens se sont mis à mourir en masse.

Par ailleurs, on peut penser que pour les diarrhées ordinaires, les médecins utilisaient des traitements allant de moyennement agressifs à peu agressifs. En fait, il devait y avoir deux types de situation : 1) quand la diarrhée était considérée comme bénigne, on devait utiliser des laxatifs peu puissants, ou alors des opiacés. Le patient était affaibli par le traitement, mais s’en sortait la plupart du temps s’il s’agissait d’un adulte pas trop âgé ; 2) si la diarrhée semblait grave, là, on pratiquait la saignée et on utilisait des laxatifs plus puissants (et toujours des opiacés bien sûr). On passait au traitement lourd. Et même des adultes en pleine santé pouvaient y succomber.

Seulement, ce dernier cas devait être assez rare. D’où le fait qu’on ne mourrait pas en masse de diarrhée. La médecine devait prélever sa livre de chair sur les personnes faibles (les enfants et les personnes âgées) et sur un certain nombre de personnes en pleine force de l’âge. Mais la mortalité ne devait pas atteindre des niveaux épidémiques.

Donc, d’ordinaire, il n’y avait que « peu » de morts de diarrhée. C’est seulement lors des soi-disantes épidémies de choléra ou autre dysenterie que ça arrivait. Comme tout le monde allait voir le médecin pour la moindre diarrhée ou la moindre indigestion et que ceux-ci donnaient des traitements plus agressifs que pour les diarrhées ordinaires, c’était le massacre. Donc, les massacres en question étaient limités dans le temps.

 

On comprend pourquoi on a parlé d’épidémies de choléra. Il fallait que la maladie se fasse par épidémies. Sinon, ça aurait été intenable. Il y aurait eu une quantité énorme de morts en permanence. Soit on avait une maladie présente de façon permanente, mais alors on aurait dû limiter le taux de mortalité, soit on avait une maladie agissant par épidémies avec des taux de mortalité élevés.

Le fait que la maladie ait été en quelque sorte nouvelle et se soit manifestée par épidémies a rendu possible ce genre de paniques. Si la maladie avait été ancienne et continue, les médecins auraient forcément fini par la rendre bénigne. Et les gens ne se seraient plus affolés. Ils seraient lentement retournés à leur automédication. Si elle avait été ancienne et épidémique, les gens se seraient affolés, mais un peu moins. Avec une maladie nouvelle et épidémique, on avait la meilleure configuration pour que les gens aillent consulter en masse et subissent donc les traitements médicaux tueurs.

Mais en tout cas, cette indication de Broussais sur le fait que les épidémies étaient nouvelles en Europe nous révèle que le choléra (en tout cas en Europe) est encore une pure invention du 19ème siècle, comme bien d’autres maladies microbiennes. C’est un siècle où on aura inventé (ou réactivé comme ici) des tas de maladies.

Et on apprend aussi que le problème était surtout présent en Inde et en Asie en général, c’est-à-dire des pays tropicaux ou alors des pays où le riz est la base de la nourriture. En fait, on trouvait déjà les problématiques actuelles. Dans les pays où il y a des problèmes de constipation à cause du climat, il y avait depuis longtemps déjà des problèmes de diarrhées excessives.

 

–          Les morts établis après coups via d’autres maladies

 

Une autre cause de cas de mort vient des autres maladies. On prodiguait aux gens des purges médicamenteuses extrêmes ou répétées ou les deux dans plein de cas de maladies ou d’affections. Et par ailleurs, comme on l’a vu à de nombreuses reprises, beaucoup de médicaments donnés pour d’autres maladies entrainaient des diarrhées (sans que ce soit l’objectif initial). Forcément, avec ça, le patient développait des diarrhées extrêmes et finissait par mourir de déshydratation. Et ce d’autant plus qu’avec les extraits de plantes, on ne maitrisait pas bien les dosages. Alors bien sûr, dans de nombreux cas, les médecins devaient attribuer la mort à la maladie initiale qu’ils soignaient. Mais ça pouvait arriver qu’on accuse le choléra ou la dysenterie. Si la maladie était censée frapper et tuer rapidement, il y avait peu de chance que ce soit le cas. Mais si la maladie était du genre chronique (ex : syphilis, tuberculose, etc…), une diarrhée mortelle ou non causée par les traitements administrés pour l’autre maladie pouvait être considérée comme causée par le choléra ou la dysenterie ou autre maladie diarrhéique grave.

6 réflexions sur « Les vraies causes des diarrhées soi-disant microbiennes (partie 2/3) »

  1. encore un article très interessant.
    Donc la gastro entérite s’explique de la meme façon que la tourista Sauf qu’en plus il y a les nausées et vomissements. Et pourquoi les gens attrapent ils le plus de gastro à la période des fetes de fin d’années ?

  2. Merci,

    Pour la gastro dans les pays comme le notre (du nord), c’est assez différent.

    Déjà, il peut y avoir aussi nausées et vomissement pour la gastro. En fait, c’est à peu près comme la tourista au niveau des symptômes.

    Mais dans la mesure où la personne va rarement se trouver dans un environnement très chaud (sauf pendant les vacances dans le sud), la cause est généralement différente.

    Il faudrait faire une recherche un peu poussée sur la chose, parce que les causes doivent être multiples. Mais bien sûr, on retrouve l’usage de produits de type anti-inflammatoires, des problèmes de nourriture un peu avariés, des mélanges sucre/protéines, de séquence constipation/diarrhée. Il y a aussi la consommation de fruits ayant une action laxative. Etc…

    Pour les fêtes de fin d’année, je pense que l’accumulation de gros repas doit être la cause principale. On se retrouve à manger tout le temps. Les repas n’en finissent pas. On mélange des aliments très sucrés avec des aliments protéinés. Et çà, ça provoque des diarrhées. On mange beaucoup de gras aussi, ce qui favorise le transit.

    Il est possible aussi que des protéines (viande, poissons, fruits de mer, etc…) prises avec beaucoup de sucre soient non seulement mal digérées, mais en plus fermentent (c’est à dire pourrissent) dans le système digestif. Du coup, il y a des toxines qui sont émises et qui provoquent de la diarrhée. Donc, même avec une viande saine, il peut parfois y avoir des problèmes similaires à l’ingestion de viande avariée.

    Tout ça peut provoquer également des nausées et des vomissements (spécialement dans le cas où il y a fermentation des protéines). Et la consommation d’alcool favorise ces dernières. En effet, l’alcool provoque de l’hypotension. Un gros repas provoque aussi de l’hypotension. Ce qui fait que les deux mis ensembles peuvent provoquer des nausées et des vomissements qui seront mis sur le compte de la gastro. Cela dit, un gros repas peut provoquer ça même sans alcool.

    Il peut y avoir aussi un effet constipation/gastro. On s’agite pour acheter les cadeaux au dernier moment, pour aller chez les parents qui habitent à 300 km, pour préparer le repas. On est plus ou moins constipé. Là-dessus, on mange comme 4. On continue malgré tout à être constipé (à cause du stress). Et quelques jours après, le transit revient à la normale et il suffit d’un repas un peu important de plus pour subir une diarrhée (par exemple au nouvel an).

    Les femmes qui prennent la pilule se retrouvent en état de légère hypotension quand elles sont en phase d’arrêt. Ça peut favoriser les nausées, les vomissements et les maux de tête. Inversement, quand elles en sont à la phase disons de la 2ème ou 3ème semaine de prise de pilule, il peut y avoir accélération du transit, et donc diarrhée.

    Et il doit y avoir encore d’autres causes. Il faudrait faire des recherches plus approfondies sur le sujet. Mais bon, comme ça n’est généralement pas très grave, je n’ai pas analysé le sujet de façon exhaustive.

  3. déjà tous ces éléments de réponses sont complets pour comprendre l’origine de la gastro. Je te remercie pour le temps que tu passes à me répondre.
    Je tenais à te remercier également pour cet article sur la fabrication des fous par la psychiatrie, et notamment l’explication aux suicides.
    On assiste aujourd’hui à une multiplication des suicides. Pas étonnant. Et dire que certains pensaient que le suicide était héréditaire…

  4. Oui. Et dans la fabrication des fous, il y a aussi les cas des maniaco-dépressifs et des schizophrènes, qui sont essentiellement fabriqués par les médicaments.

    Une grande partie des maniaco-dépressifs sont fabriqués soit en partie, soit complètement.

    Certains ont effectivement une base de nervosité qui peut éventuellement les rendre dangereux pour eux et leur entourage. Mais ensuite, on fabrique la phase dépressive, et le yoyo maniaque-dépression avec les analogues d’opiacés. Ceux-ci calment artificiellement et dépriment, ce qui entraine une phase de dépression. Et comme rapidement, ils font moins effet, la phase maniaque revient en force.

    Et évidemment, on peut fabriquer entièrement une maniaco-dépression en faisant consommer à la personne des analogues d’anti-inflammatoires ou d’opiacés. La consommation de l’un appelle souvent la consommation de l’autre. Et du coup, la personne entre dans une phase ou quand l’analogue d’anti-inflammatoire domine, elle est boostée, tandis que sous analogues d’opiacés, elle ne fonce plus à 100 à l’heure, mais en contrepartie, elle déprime.

    Quant à la schizophrénie, elle contient plein de symptômes qui sont clairement ceux provoqués par les analogues d’opiacés. Il y a des tonne de schizophrènes qui ont été fabriqués purement et simplement par les opiacés.

    Je ferais des articles plus détaillés là-dessus un de ces quatre.

  5. Concernant les saignées pratiquées lors du choléra, on a dans l’article « Malades, médecine et médecins à Bordeaux au XIXe siècle » de Pierre Guillaume (Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest Année 1979 86-2 pp. 291-300) cet extrait, page 293 :

    « le 5 avril 1832, on pouvait lire dans le Mémorial bordelais :
    « « Nous avons cru faire une chose utile en mettant sous les
    yeux du public les divers modes de traitement opposés au
    choléra par les docteurs qui ont eu à traiter le plus grand
    nombre de malades. »

    « M. Broussais, qui prétend que le choléra-morbus est une gastro-entérite avec inflammation du système veineux, fait usage de la saignée et des sangsues, des boissons opiacées et de frictions à la peau. »

    Ce sont des remèdes identiques que révèlent les ordonnances
    délivrées en 1854 et dont certaines ont été conservées. »

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