Le paludisme n’est pas une maladie microbienne (partie 2/3)

 

7) Les vraies causes des symptômes du paludisme

 

Avec les informations données précédemment, il devient clair que le paludisme n’a pas vraiment de réalité. On collecte des symptômes pour la plupart tout à fait ordinaires, et on postule de façon péremptoire qu’ils sont liés à une seule et unique maladie.

Mais bon, comme ces divers symptômes sont réels eux et qu’il y a des morts, il est intéressant de savoir quels en sont les cause pour les enfants et les femmes en question.

les raisons entrainant des fièvres, des diarrhées, des céphalées, des anémies, des jaunisses et des morts.

–          Les enfants

On va d’abord analyser le cas des enfants, puisque ce sont eux qui sont les plus concernés.

1° les fièvres et les diarrhées :

Concernant les fièvres, il y a déjà une cause possible, c’est le fait d’être nourri avec une alimentation trop riche. A un moment ou à un autre, l’enfant développe une fièvre pour éliminer le surplus de nourriture. C’est le mécanisme du rhume ou de la grippe. Une vasodilatation se met en place, afin de faire en sorte que la personne ne fasse rien. Il y a un relargage d’eau de la part des cellules pour les vider de la nourriture accumulée. L’activité cellulaire et musculaire augmente pour que les cellules consomment la nourriture accumulée. Ce qui provoque de la fièvre. Le cerveau supprime l’appétit pour que la personne n’ait pas envie de manger. Et ainsi, durant quelques jours, la personne évacue le surplus. Et après quelques jours, elle est remise.

Evidemment, on a tendance à se dire qu’en Afrique, l’enfant doit être nourri exclusivement au sein, ce qui est une nourriture tout à fait adaptée ; donc, que le problème ne doit pas se poser. Mais en fait, rapidement, l’enfant n’est plus nourri exclusivement au sein. On ajoute à son alimentation de la bouillie de mil, du lait caillé ou le plat familial, etc.., à partir de l’âge de 6 mois en moyenne (voir ici). Dans les villes, comme les femmes doivent travailler, elles achètent aussi du lait de vache.

On se dit alors que vu la pauvreté qui règne là-bas, les enfants ne doivent de toute façon pas tellement manger, et n’ont donc pas un grand risque d’avoir une alimentation trop riche. La nourriture peut être riche, mais comme elle est donnée en faible quantité, l’alimentation n’est pas trop riche. Seulement, ça, c’est vrai en cas de disette, ou/et dans certaines zones très pauvres. Mais globalement, les africains ne meurent pas de faim. Sinon, il n’y aurait pas eu une augmentation pareille de la population depuis 40 ans, avec un accroissement d’environ 30 % tous les dix ans (voir ici). Donc, les quantités données aux enfants peuvent être importantes et l’alimentation globale finalement assez riche. Finalement, même en Afrique, un bon nombre d’enfants a une alimentation relativement riche, et pas mal peuvent donc développer des rhumes ou des grippes. Et comme ce sont des maladies avec des symptômes de fièvre, on pourra considérer qu’il s’agit de paludisme.

D’autant plus que l’usage des antibiotiques peut faire revenir le problème. Puisqu’ils stoppent le processus d’élimination. Du coup, quand on arrête de les prendre, le processus se réenclenche et la fièvre revient. Forcément, un médecin qui apprend qu’il y a eu deux ou trois épisodes de fièvres récurrents va penser au paludisme.

L’autre grande cause, et elle est valable pour les autres catégories d’âges concernées, c’est la chaleur. De nombreux cas de fièvre vont être dus à la chaleur. En réalité, il s’agira d’épisodes d’hyperthermie.

Ce qui différencie l’hyperthermie de la fièvre, c’est que dans le cas de la fièvre, l’augmentation de la chaleur interne vient du corps et est initiée par le corps, en l’absence même d’effort physique. Alors que l’hyperthermie c’est le fait que le corps n’arrive pas à évacuer la chaleur causée par un effort physique, ou par la chaleur externe. Donc, si on met quelqu’un qui a de la fièvre dans un endroit frais, il va continuer à avoir de la fièvre ; alors que la personne en état d’hyperthermie va voir sa température interne baiser rapidement.

Plus la chaleur est élevée, plus la personne est déshydratée, et plus l’hyperthermie risque de survenir. Ceci parce que la chaleur corporelle ne peut plus s’évacuer correctement.

Or, Dans le cas des pays tropicaux, justement, il peut faire très chaud.

Pour lutter contre la chaleur, le corps a à sa disposition trois moyens : le rayonnement, la convection (suffisante en cas de chaleur pas trop importante) et la transpiration. C’est ce dernier qui est le plus efficace en cas de chaleur importante. Et l’avantage, c’est qu’il suffit de boire pour renouveler l’eau. Mais le problème, c’est justement qu’en l’absence de renouvellement de l’eau, le corps n’a à sa disposition qu’une réserve limitée d’eau utilisable pour la transpiration. Dans la mesure où il doit utiliser l’essentiel de l’eau à la survie des cellules, au maintien de la pression du flux sanguin ainsi qu’à la concentration du sang, il ne peut pas laisser toute l’eau partir.

Or, quand il fait très chaud, comme le rayonnement et la convection ne sont plus efficaces, le corps va se mettre à transpirer pour réussir à évacuer la chaleur. Donc, si la personne n’arrive pas à s’hydrater, la réserve d’eau que le corps peut consacrer à la transpiration va vite s’épuiser. A partir de là, la chaleur ne pouvant plus s’évacuer correctement, la température interne va se mettre à monter de plus en plus. C’est l’hyperthermie.

Dans les pays froids, on peut distinguer la fièvre de l’hyperthermie. Il suffit de mettre la personne dans un endroit un peu frais pour voir si la température redescend. Mais dans les pays chauds, ça n’est pas le cas. Comme il fait chaud tout le temps, et qu’il fait chaud partout, puisque les gens n’utilisent généralement pas de climatisation (en tout cas pas dans les pays touchés par le paludisme), la température interne ne va pas forcément redescendre. Du coup, plein de cas d’hyperthermie peuvent passer pour de la fièvre, et être pris pour des accès de paludisme.

Donc, on peut penser qu’un nombre très important de cas de paludisme sont des cas d’hyperthermie.

Et les enfants vont être particulièrement touchés par ce problème. Le corps étant moins gros, l’inertie thermique doit être moins importante face à un apport externe de chaleur. Donc, ils doivent atteindre le point d’hyperthermie plus rapidement qu’un adulte.

Les nourrissons ont déjà ce problème. Mais en plus, ils peuvent se retrouver déshydratés à cause de la diarrhée. Dans les pays chauds, c’est un problème important. En fait, à la base, c’est la constipation qui est un problème important dans les pays chauds. Or, très souvent, dans ces pays-là, les gens ont recours à l’automédication. Et les produits utilisés pour faire passer la constipation entrainent la diarrhée s’ils sont un peu trop dosés. Par ailleurs, les gens vont avoir tendance à manger épicé, justement pour aider le transit (les épices ont un effet laxatif). Or, on a vu plus haut que dès 6 mois en moyenne, les parents peuvent donner à manger au bébé le repas familial. Donc, relativement souvent, l’enfant va avoir une diarrhée et va se déshydrater. En cas de montée de la température extérieure, il risquera de se retrouver en situation d’hyperthermie. En fait, plus il fait chaud, et plus il y a risque de constipation et plus il y a donc risque de diarrhée à cause de l’automédication. Donc, c’est justement dans les périodes chaudes que le risque de déshydratation par diarrhée est le plus important. Et comme on transpire également plus durant ces périodes-là, c’est à ce moment-là qu’il y a le plus de risque d’hyperthermie.

Par ailleurs, dans les campagnes, dès qu’ils ont dans les 4 ou 5 ans, ils participent aux travaux des champs. Donc, ils sont sous le soleil et font des efforts. Ils peuvent donc éventuellement se retrouver en situation d’hyperthermie.

Et puis, en cas de disette, les parents peuvent décider de limiter la nourriture des enfants dans les pays pauvres. J’ai vu récemment un reportage se situant en Afrique où les parents d’une famille disaient qu’ils avaient dû limiter leur nourriture ainsi que celle des enfants. Eux-mêmes prenaient 2 repas par jour, mais les enfants n’en prenaient qu’un seul. Or, moins on mange, plus on se déshydrate, puisque la nourriture participe de façon importante à l’hydratation. Donc, la réserve d’eau utilisable pour la transpiration diminue d’autant. Si en plus les enfants travaillent aux champs, ils sont soumis à une chaleur externe importante tout en faisant des efforts physiques. Et du coup, un épisode d’hyperthermie devient tout à fait possible.

Et comme l’hyperthermie passe assez rapidement si la chaleur interne redescend, on va souvent avoir des épisodes successifs d’hyperthermie. L’enfant va faire un premier épisode. Puis on va le laisser se reposer et il ira mieux le lendemain. Du coup, on le fera à nouveau travailler. Mais comme la réserve d’eau à consacrer à la transpiration sera encore faible, il aura à nouveau un épisode d’hyperthermie. Et ça pourra durer pendant plusieurs jours comme ça, avant qu’on se décide à le laisser se reposer plus longtemps. Mais parfois, au bout de plusieurs épisodes de ce genre (et même lors du premier), le corps sera endommagé, et l’enfant mourra d’une insuffisance rénale ou d’un empoisonnement du sang, ou d’une crise cardiaque, etc… Parfois, ce sera l’automédication qui tuera l’enfant. D’autres fois encore, ce seront les antibiotiques ou la quinine donnés par les médecins qui le tueront.

On peut lire ici :

« Les jeunes enfants africains paient le plus lourd tribut en termes de décès, notamment dans les zones rurales éloignées où l’accès aux services de santé est limité. Chez les moins de cinq ans, un million environ de décès peuvent être imputés au paludisme seul ou associé à d’autres maladies.

La mortalité se concentre chez les plus jeunes. Parmi les enfants hospitalisés gravement atteints, on signale des taux de létalité de 10 à 30 %. Dans les zones rurales, où il est difficile de bénéficier d’un traitement approprié, ces taux peuvent même être supérieurs.« 

On constate que le problème est particulièrement présent dans les zones rurales éloignées ou l’accès aux services de santé est limité. Bref, des zones où l’automédication est reine, où les enfants ne peuvent pas être mis dans des endroits frais, et où ils vont souvent travailler aux champs. Exactement ce qui est décrit plus haut. Et comme les services de santé prennent connaissances de la situation à postériori (après la fièvre ou la mort), en se basant sur des témoignages rapportant des problèmes de fièvre, de diarrhées ou de céphalées, ils peuvent inventer un diagnostic de paludisme facilement, personne ne viendra les contredire.

On peut se demander si, en ville, les médecins diagnostiquent correctement le problème ou pas (à savoir comprennent qu’il s’agit d’une simple déshydratation et d’une hyperthermie). Pour une bonne part, ça doit être le cas. En effet, les médecins de ces zones tropicales savent que la déshydratation est un problème majeur. Donc, dans de nombreux cas, ils vont faire un diagnostic juste. Mais même quand ils feront un diagnostic erroné de paludisme, si l’enfant a eu une diarrhée et de la fièvre, ils auront tendance à faire les bonnes actions pour éviter qu’il ne meurt. Donc, le diagnostic sera erroné, mais l’enfant survivra la plupart du temps. Mais de temps à autres, l’enfant mourra aussi à cause du traitement. La prise d’antibiotique alors qu’il sera déjà trop déshydraté fera qu’il mourra d’hypotension (par mobilisation soudaine d’eau et de sang dans le système digestif).

 

2° les maux de tête :

Il n’y a pas grand-chose à en dire. Les maux de tête sont un problème banal partout dans le monde. Ici, ils ne vont pas tellement servir à inventer des morts, mais essentiellement des cas.

3° les jaunisses :

Avec l’usage de médicaments de types antibiotiques ou anti-inflammatoires (prescrits par le médecin ou pris en automédication), il va y avoir des cas de jaunisse chez les jeunes enfants. En effet, ces médicaments selon leur dosage, peuvent entrainer la destruction des particules présentes dans le sang, donc, aussi des globules rouges. Les débris des globules rouges forment la bilirubine, qui est un de couleur jaune. Par ailleurs, ces médicaments peuvent entrainer l’endommagement des reins. Or, ces derniers permettent l’élimination de la bilirubine (d’où la couleur jaune de l’urine). Même chose pour le foie ; la bilirubine est éliminées par celui-ci sous forme de bile, et les médicaments en question peuvent l’endommager ou perturber son fonctionnement. S’il y a surproduction de bilirubine et que les reins et/ou le foie sont endommagés, la bilirubine s’accumule dans le corps, et celui-ci prend une couleur jaune.

Comme ces médicaments sont souvent utilisés chez les enfants en bas âge, forcément, il y a un certain nombre de cas de jaunisse. Et comme ça arrivera à des enfants pris en charge par la médecine, un petit nombre mourra à cause des traitements administrés (antibiotiques encore, opiacés, etc…).

4° L’anémie : Là, ça dépend. Quand c’est lié à la proportion d’hémoglobine dans les globules rouges, je ne sais pas trop. Mais quand on parle d’anémie liée à la destruction des globules rouges, là, les choses sont plus claires. C’est l’usage de substances (anti-inflammatoires à doses élevées ou antibiotiques) désagrégeantes qui va détruire les globules rouges, et donc provoquer l’anémie. Il faudra une dose assez élevée (ou une substance assez puissante) cela dit, pour entrainer cet effet.

 

–          Les adultes

Pour les adultes, on peut penser que l’automédication est en grande partie à l’origine de fièvres. C’est en particulier l’usage d’analogues d’anti-inflammatoires qui doit poser problème.

La population des pays chauds doit consommer très régulièrement des équivalents d’anti-inflammatoires. Le problème est en effet que la chaleur entraine de la constipation. C’est un problème récurrent dans les pays tropicaux. C’est pour ça que dans ces pays-là, l’alimentation est très pimentée. Ça permet d’éviter la constipation. Mais en dehors de l’alimentation pimentée, de nombreuses plantes peuvent servir de laxatif. Comme le problème de la constipation est extrêmement répandu, ces plantes sont connues et utilisées en automédication par la majorité de la population. L’usage de produits similaires à des anti-inflammatoires est donc un phénomène sanitaire majeure dans ces pays-là. Et bien sûr, dans les villes, il peut aussi y avoir utilisation de laxatifs de type anti-inflammatoires issus de l’industrie pharmaceutique occidentale.

Le problème de ces produits, c’est qu’ils doivent accélérer la transpiration et augmenter l’activité cellulaire et musculaire. Par ailleurs, comme on l’a vu, ça entraine souvent de la diarrhée, ce qui participe à la perte d’eau. Donc, pour peu que la réserve d’eau servant à la transpiration soit déjà bien entamée, la personne peut se retrouver en situation d’hyperthermie. Et bien sûr, en plus d’un diagnostic de « fièvre », on aura un diagnostic de diarrhée.

Il y a également le problème de l’hyperthermie liée à l’effort et à la chaleur. Avec la chaleur de ces pays tropicaux, si la personne fait un effort prolongé en plein soleil et perd trop d’eau, sans la remplacer suffisamment, elle peut subir un épisode d’hyperthermie. Bien sûr, ça concernera surtout les campagnes, où un tel problème va être pris en charge moins rapidement. Le fait de ne pas manger à sa faim n’aidera pas. Mais un tel problème ne sera quand même pas trop fréquent, parce que les gens savent qu’il faut s’hydrater. Bien sûr, les deux problèmes (prise d’analogues d’anti-inflammatoires et efforts) pourront être présents en même temps. Ca augmentera fortement le risque d’un coup de chaud.

Des problèmes de fièvre classique (donc pas de l’hyperthermie) de type rhume ou grippe peuvent également arriver (déjà décrit pour le cas des enfants).

Du coup, le problème de l’hyperthermie et de la fièvre va se rencontrer relativement fréquemment. Et tous ces cas de fièvres pourront être détournés pour faire un diagnostic de paludisme.

Mais bien sûr, il faudra que la personne aille consulter. Et comme beaucoup de gens seront habitués à ce phénomène, ou n’auront pas l’argent ou le temps (si c’est la période des récoltes dans le cas d’un agriculteur) pour aller voir un médecin, ils ne s’affoleront pas et n’iront pas consulter. Par ailleurs, beaucoup de ceux qui iront consulter, iront voir un marabout ou un guérisseur avant d’aller voir un médecin de type occidental.

Et puis, il faut que le médecin fasse un diagnostic de paludisme à la place d’un diagnostic d’hyperthermie ou de fièvre lambda. Comme le problème de l’hyperthermie est bien connu, tous les médecins ne feront pas un diagnostic de paludisme. Donc, la plupart des cas de fièvres n’aboutiront pas à un diagnostic de paludisme.

Sinon, les problèmes de céphalées ou de jaunisses sont du même ressort que pour les enfants.

 

–          Les femmes enceintes

 

Comme on l’a vu plus haut, le problème des femmes enceintes n’est pas la maladie en elle-même, puisqu’il est dit que chez elles, le paludisme est très peu mortel. Le problème se situe au niveau de la mortalité néo-natale. Donc, il n’y a pas grand-chose à analyser concernant la santé des femmes enceinte vis-à-vis du paludisme.

Sur le problème spécifique de la mortalité néo-natale, en Afrique, elle est très importante. Donc, une fois encore, c’est facile de piocher des cas d’enfant mort-nés ou morts peu de temps après la naissance et de dire que c’est lié au paludisme.

 

–          Les touristes

Les touristes ne vont pas, ou alors très rarement, développer des symptômes de fièvre prolongés. Ils peuvent parfois développer des hyperthermies. Mais la plupart du temps, ça disparaitrait en quelques heures et ça ne reviendra pas parce qu’ils sont bien hydratés.

Ils vont développer des diarrhées, parce qu’ils vont prendre des glaces, des boissons froides, vont bénéficier de la climatisation, etc… Ça pourrait potentiellement poser un problème de déshydratation et donc d’hyperthermie. Mais en tant qu’occidentaux, ils vont être bien surveillés, par des gens relativement compétents. Et on va donc éviter qu’ils se déshydratent. Et surtout, comme ils seront alités, et probablement avec de la clim, ils auront peu de risque de se déshydrater. Donc, il n’y a pas de risque d’apparition d’hyperthermie de ce côté-là non plus.

Et la diarrhée en elle-même ne sera quasiment jamais considérée comme un symptôme de paludisme, puisque ça arrive très souvent aux touristes. Ça sera pratiquement toujours considéré comme une simple diarrhée.

Et du côté de l’anémie ou de la jaunisse, les touristes n’en développeront à peu près jamais.

Du coup, c’est très rarement que les touristes développeront des problèmes pouvant faire penser au paludisme.

 

–          Les autres types de paludisme

Comme les substances qui provoquent les fièvres, ou qui sont utilisées pour les soigner provoquent d’autres problèmes, on a inventé des variantes de paludisme les prenant en compte. C’est pour ça qu’on parle d’une variante de paludisme qui entraine des problèmes rénaux. Ou d’une autre qui provoque des symptômes neurologiques (neuropaludisme).

 

8 ) L’intermittence des fièvres comme caractéristique du paludisme

 

Une des caractéristiques un peu bizarroïde du paludisme serait que la fièvre serait très souvent intermittente. Elle partirait puis reviendrait. Et ceci sur un rythme de trois ou quatre jours.

Au début, on imagine que ça vient des médecins du 19ème siècle, qui auraient analysé la maladie scientifiquement ; donc, que ce serait quelque chose de réel. Au pire, on imagine que ça remonte au 15ème ou 16ème siècle. Mais en réalité, ça vient carrément d’Hippocrate (c’est dans Wikipédia) :

« Les symptômes de fièvre intermittente ont été décrits par Hippocrate ; il lie ces fièvres à certaines conditions climatiques et environnementales, et les divise en trois types : febris tertiana (tous les trois jours), quartana (tous les quatre jours), et quotidiana ou continua (maintenant appelée tropica).« 

On trouve dans l’article « la grande peur des marais » d’Edward Jeanfils un extrait d’un ouvrage d’Hippocrate où il parle de l’idée que les marais ou les étangs sont à l’origine de maladies :

« Le bref rappel ci-dessus des idées médicales visant le paludisme et les marais prenait comme point de départ le XVIIIe siècle, quand les Encyclopédistes et de grands naturalistes (Buffon, Linné…) imprimaient une marque délibérément moderne aux sciences naturelles de leur temps. On n’a pas cherché ici à poursuivre une telle étude plus loin dans le temps, pour voir à quand pouvaient remonter l’origine des conceptions miasmatiques et la croyance au « mauvais air » (mal’aria, en italien) générateur du paludisme. Peut-être même ces croyances médicales remontent-elles à l’Antiquité grecque et à Hippocrate, quatre siècles avant l’ère chrétienne. Ce dernier n’écrit-il pas, en effet, dans son Traité des airs, des eaux et des lieux : « Les eaux dormantes, soit de marais, soit d’étangs, sont nécessairement, pendant l’été, chaudes, épaisses, de mauvaise odeur; n’ayant point d’écoulement, mais étant alimentées continuellement par de nouvelles pluies, et échauffées par le soleil, elles deviennent louches, malsaines et propres à augmenter la bile« . Les commentateurs ont vu dans ce texte la mention du paludisme.« 

Donc, cette histoire de fièvre discontinue remonte non seulement à l’époque de la théorie des humeurs, mais même carrément au tout début de cette théorie, à l’antiquité. C’est un truc simplement repris d’Hippocrate tel quel pendant des siècles par les théoriciens des humeurs. Cela dit, on ne peut pas critiquer les médecins des siècles précédents d’avoir fait ça, puisque jusqu’au 19ème siècle, la théorie des humeurs était la seule théorie disponible. Les médecins avaient la même grille d’analyse qu’Hippocrate. Et dans cette théorie, la périodicité de la fièvre des marais s’insérait de façon logique (enfin…, avec la logique de l’époque, qui était pleine d’analogies, de raccourcis, de sophismes, etc…) comme on va le voir après. Donc, il est normal que cet élément ait survécu jusqu’au 18ème siècle.

Pour comprendre le pourquoi du comment de cette idée d’intermittence de la fièvre des marais dans la théorie des humeurs, encore une fois, un ouvrage de Chantal Beauchamp nous aide fortement. Il s’agit ici d’un article sur la fin du paludisme en France (ici ; on peut le télécharger en entier).

« Voici ce qu’en dit le Dictionnaire de médecine (note d’Aixur : LITTRE et ROBIN, Dictionnaire de médecine, chirurgie, pharmacie et de l’art vétérinaire, Baillère, 13e édition, 1873, article « Fièvres », sous-article « Fièvres d’accès ») :

[(…) A l’état normal, tous les phénomènes de la vie animale sont intermittents, et se reproduisent généralement avec des alternatives d’action et de repos d’une durée qui est à peu près la même pour chacun d’eux (…) Les miasmes qui causent la fièvre intermittente agissent surtout sur le sang, c’est le système nerveux que cette altération modifie le plus, et c’est à la loi de l’intermittence normale de ses actions normales que se rattache l’intermittence morbide de ses troubles.]

Si donc l’intermittence est une loi de la nature, on comprend mieux que la fièvre intermittente soit à ce point la maladie de ces pays palustres et marécageux dans lesquels la nature, rétive aux efforts productifs des hommes, menace quotidiennement de les engloutir. »

Et un peu plus loin :

 » La logique de la fièvre intermittente telle qu’on peut la dégager des écrits médicaux est donc la suivante : éclose à la faveur de conditions physiques excessives (excès d’humidité et excès de chaleur) elle est le signe de la domination de la nature sur les hommes ; comme les phénomènes naturels, elle est rythmée et périodique ; elle frappe prioritairement ceux qui, par nécessité, se risquent à travailler la terre, aux divers sens de l’expression. »

Donc, la fièvre palustre était considérée comme intermittente parce que pour les médecins de l’époque, c’était un phénomène de la nature et que tous les phénomènes de la nature étaient intermittents. Vu que la fièvre venait d’une domination écrasante de la nature (le marais) sur l’homme, celui-ci en subissait le caractère discontinu.

On se rend compte que cette histoire d’intermittence était liée à tout un système de croyances, de réthorique, de considérations générales, etc… Le concept d’intermittence a été introduit artificiellement dans la description de la maladie pour correspondre à ces considérations générales.

 

Il est possible qu’il y ait une légère réalité derrière cette histoire de fièvre intermittente. En effet, certains cas d’hyperthermie peuvent être intermittents. C’est ce qu’on apprend sur le site soins-infirmiers.com. On peut par exemple avoir ce genre de courbe.

 

Or, comme on l’a vu, une majorité de cas de paludisme dans les pays tropicaux doivent être des hyperthermies. Donc, un certain nombre de cas doivent être intermittents et correspondre un peu à la définition officielle. Cela dit, ça ne doit pas correspondre souvent aux rythmes dont on parle dans la version officielle (les rythmes tierce et quarte). Le rythme peut tout à fait être de cinq, six, sept jours, ou plus, et pas seulement de trois ou quatre jours. Mais ça doit être déjà suffisant pour que l’orthodoxie soit satisfaite et considère que ça correspond à la définition.

Et c’est logique qu’il y ait des hyperthermies intermittentes. Il se peut tout à fait que la personne récupère un peu, puis rechute le jour d’après. La personne peut par exemple travailler aux champs sous un soleil brulant, se retrouver en état d’hyperthermie, se reposer et se rafraichir durant la fin de journée, ce qui va faire tomber sa température ; puis, parce que la réserve d’eau interne n’est pas assez reconstituée, refaire un épisode d’hyperthermie durant la journée de travail du lendemain. Phénomène qui peut se reproduire pendant plusieurs jours avant que la personne ne décide de rester au frais et au repos pendant plusieurs jours de suite.

 

Mais globalement, cette histoire d’intermittence est fausse. On peut le vérifier en voyant si les peuples africains en parlent ou non. Et effectivement, dans un document qui analyse la perception du paludisme par différentes tribus et ethnies du Burkina Faso (ici), on apprend que :

« Le rythme de la fièvre (tierce, quarte) n’est pas observé comme dans la théorie hippocratique. On a vu que la qualité du sang est d’avantage pertinente.« 

Donc, voilà, au Burkina Faso (et il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le cas aussi dans le reste de l’Afrique), on ne parle pas de fièvre intermittente. Pourtant, vu que c’est en Afrique que se trouvent 80 % des cas, si c’était bien une fièvre intermittente, et dans la mesure où les autres fièvres ne le sont pas, les autochtones devraient parfaitement connaitre cette caractéristique. Comme en Europe, ça aurait dû leur permettre de faire la différence avec les fièvres d’autres origines.  S’ils ne connaissent pas cette caractéristique, c’est tout simplement qu’elle n’existe pas.

Par ailleurs, il faut noter que les africains de l’étude en question utilisent une médecine de type hippocratique en plus d’une médecine basée sur la magie. Donc, comme la notion de fièvre intermittente vient justement de la médecine hippocratique, ils devraient d’autant plus adopter cette histoire de fièvre intermittente si celle-ci avait la moindre réalité. D’autant plus qu’ils sont au cœur du problème du paludisme. Et puis, dans la mesure où les occidentaux en parlent, si c’était réel, ils se seraient rapidement rendu compte qu’il étaient passé à côté de ça et auraient intégré cette idée. Donc, s’ils ne l’adoptent pas, c’est vraiment que cette histoire de fièvre intermittente est une invention pour l’essentiel.

Au final, l’orthodoxie semble revendiquer cette caractéristique au niveau de la théorie. Mais en pratique, il semble qu’elle ne la met pas trop en avant. Et elle ne requiert pas forcément sa présence pour déclarer qu’une personne a le paludisme. On est dans une situation bizarre où l’orthodoxie garde ce lambeau de l’ancienne théorie, mais sans que ça n’ait d’impact pratique, la plupart du temps.

 

Alors pourquoi a-t-on cherché à sauver ce truc qui n’a plus qu’une faible utilité comme élément de diagnostic maintenant qu’on a des moyens sophistiqués de déterminer la présence du plasmodium ? Ça pouvait encore servir quand on venait juste de passer à la théorie microbienne puisqu’on ne pouvait pas forcément détecter le plasmodium facilement. Mais maintenant, ça n’en a plus.

Eh bien la première raison, c’est déjà parce que justement, au début de la théorie microbienne, on en avait encore besoin puisqu’on ne pouvait pas forcément détecter la présence du plasmodium facilement. Donc, avoir un tel symptôme assez particulier pouvait encore servir pour établir le diagnostic de la maladie. Ca a conduit à conserver ce symptôme au début. Et on a été obligé de le conserver après pour ne pas contredire les pionniers de la version microbienne du paludisme.

Mais la raison la plus importante est le maintien de la spécificité de la maladie à l’époque de la théorie humorale. On pense que c’est l’élément principal qui permettait de distinguer le paludisme des autres fièvres dans les temps anciens. Comme des fièvres, on en voyait partout, c’était le seul moyen d’avoir une maladie autonome, et des cas de fièvre bien distincts des autres. Sans ça, les fièvres palustres décrites à ces époques redeviennent de simples fièvres non spécifiques de cette maladie. Si on déclare maintenant que la maladie en question n’est pas intermittente, une très grosse partie de l’histoire de la maladie est caduque. Et ça c’est très gênant parce que ça voudrait dire que le paludisme n’a été qu’une simple création de la fin du 19ème siècle. Alors que sinon, ça reste une maladie connue depuis l’antiquité. Ca perdrait une énorme part de crédibilité. Du coup, il faut absolument maintenir cette histoire de fièvre intermittente. C’est très probablement pour ça qu’on en parle encore maintenant.

 

Au passage, il est dit que l’intermittence de la fièvre est liée au cycle de destruction des globules rouges par le plasmodium.

C’est ce qu’on trouve sur le site du Larousse :

« Les poussées de fièvre, qui correspondent au moment où les globules rouges parasités se rompent, se produisent en général tous les deux jours (fièvre tierce), plus rarement tous les jours (fièvre quotidienne) ou tous les trois jours (fièvre quarte).« 

Sur Wikipédia, on explique plus précisément pourquoi la destruction des globules rouges entraine de la fièvre :

« Cette destruction de globules rouges s’accompagne de la libération d’hémozoïne, qui va perturber le fonctionnement de l’hypothalamus (production de cytokine comme le TNFα) et causer de très fortes fièvres qui peuvent aller jusqu’à l’hyperpyrexie.« 

Seulement, on ne voit pas pourquoi tous les globules rouges infectés seraient détruits en même temps. Ils devraient l’être aléatoirement, et du coup, la destruction devrait être stable dans le temps. Donc, même du point de vue orthodoxe, il n’y a aucune raison qu’il y a des fièvres intermittentes. Soit il devrait y en avoir tout le temps, soit ne pas y en avoir du tout.

 

9) Les problèmes du diagnostic du paludisme en Afrique

 

Comme 80 % du paludisme se trouve en Afrique, il est important de savoir comment est établi le diagnostic là-bas. Parce qu’il est évident que comme c’est un continent pauvre, les choses ne se passent pas de façon idéale, très loin de là.

Le document suivant écrit par un anthropologue nous donne des renseignements très intéressants sur la problématique du diagnostic en Afrique. L’étude a été faite au Burkina Faso, a priori en 1990.

 

–          Diagnostic biologique à la tête du client

Déjà, on apprend ceci (page 2) :

« Un diagnostic formel ne peut donc être que biologique: les chercheurs du Centre Muraz de Bobo-Dioulasso ont ainsi constaté que l’examen biologique infirmait leur présomption clinique une fois sur deux. Encore faut-il ajouter que les paludologues ne se réfèrent pas tous au même taux de parasites dans le sang pour déclarer qu’il y a ou non accès palustre et que ce niveau est variable selon l’état immunitaire des populations et selon l’âge du sujet (Mouchet et Carnevale 1988).« 

Donc, une fois de plus, le test biologique est fait à la tête du client, selon que la personne fasse partie d’une catégorie à risque ou pas. Le moyen de diagnostic qui devrait être le plus sérieux comporte une grosse part d’arbitraire et de pif.

Et du coup, on va trouver plus de cas dans les zones très endémiques que dans les zones qui ne le sont pas, tout simplement en adaptant le seuil de parasites à partir duquel on déclare la personne positive. Donc, on va augmenter le nombre de cas artificiellement dans ces zones là. Probablement que juste par ce biais-là on invente 10 ou 20 % de cas en plus par rapport à une situation où on ne jouerait pas sur les seuils de réaction.

Par ailleurs, il est dit qu’une fois sur deux, la présomption clinique est infirmée par l’examen biologique. Donc, ça veut dire qu’en l’absence d’examen biologique, on invente deux fois plus de cas qu’on en aurait si le test biologique était pratiqué. Or, justement, on doit très souvent ne pas faire de test biologique par manque de moyens. On peut estimer à vue de nez que ça doit représenter au moins 80 % des cas. Donc, on peut penser que 40 % de l’ensemble des cas ne seraient pas considérés comme du paludisme si on pratiquait le test biologique à chaque fois. Même en restant dans le cadre théorique de l’orthodoxie, il y a 40 % de cas inventés.

On comprend aussi que le test n’est donc probablement pas du type tout ou rien, noir ou blanc, mais de type en niveau de gris avec une limite établie artificiellement. Donc, il est tout à fait possible qu’en fait, énormément de gens présentent du plasmodium au microscope, mais qu’une forte proportion d’entre eux soit considérée comme négative parce qu’elle est sous la limite. On a déjà vu ça pour le vih. En réalité, énormément de gens sont négatifs alors qu’il y a quand même une réaction au test.

 

–          Déclarer un paludisme pour obtenir un arrêt de travail ou une prise en charge médicale

Juste après, on a ça :

« Le signifiant « paludisme » ou plus exactement l’expression française « j’ai un palu» est utilisée par les Burkinabè – surtout en zone urbaine -pour désigner un ensemble de troubles somato-psychiques aigus divers et aussi afin d’obtenir une espèce de passeport d’entrée dans le circuit du biomédical ou encore justifier un arrêt de travail qu’une simple déclaration de mal-être n’aurait peut-être pas permis d’obtenir.« 

Donc, un nombre probablement très important de gens se font diagnostiquer un paludisme simplement pour avoir un arrêt de travail ou pour pouvoir se faire prendre en charge par un médecin. Eh oui, évidemment, un simple rhume ou un mal-être ça peut être insuffisant. Alors que du paludisme, ça, ça en impose. Ca justifie plus facilement un arrêt de travail ou d’accepter de traiter une personne.

Bien sûr, la plupart des médecins doivent être conscients de ce problème. Ils savent que de nombreuses personnes disent qu’elles ont le paludisme ou des symptômes du paludisme simplement pour avoir un arrêt de travail ou avoir une prise en charge médicale. Mais très souvent, ça passera quand même et le médecin fera un diagnostic de paludisme. Et puis, vu le nombre de médecins corruptibles qu’il doit y avoir, ça doit être facile de leur faire accepter de poser ce diagnostic malgré tout en donnant un petit billet. Du coup, ça relativise là encore fortement l’importance du nombre de cas officiels.

 

–          Problèmes de compréhension entre patients et médecins

Un autre élément capital est que les africains ont une représentation de la santé qui est complètement différente des celle des occidentaux. C’est un mélange de représentations de type hippocratique et magique. Donc, ils utilisent des expressions pour désigner le mal qui les touche qui recouvrent des réalités plus larges que le simple symptôme. Et la description du symptôme en lui-même peut vouloir dire quelque chose de différent de ce qu’un médecin formé aux théories occidentales croit. Du coup, très souvent, un médecin va traduire tel terme par « paludisme », alors que ça n’a rien à voir, ou au moins est assez différent. Donc, il y a un très grand nombre de gens qui se font poser un diagnostic erroné parce que le médecin a mal interprété ce qui lui a dit le patient (et n’a pas voulu chercher plus loin). Résultat, le nombre de cas est augmenté artificiellement à cause de ça.

Concernant plus précisément la fièvre, à cause des représentations hippocratiques et magiques, qui souvent se mélangent, un problème de fièvre peut ne rien avoir à faire avec un symptôme d’augmentation de la chaleur corporelle. Par exemple, les membres des ethnies étudiées différencient le sang lui-même et le principe vital. Or, ils considèrent que le principe vital peut s’échapper du corps. Et s’il est allé au soleil, une fois revenu dans le corps, il peut transmettre la chaleur à celui-ci. C’est ce qui peut arriver à quelqu’un qui s’est endormi sous un arbre par exemple. De nombreuses maladies sont ainsi expliquées par des sorties diurnes ou nocturnes de l’énergie vitale.

Il peut également y avoir augmentation de la température corporelle via l’action d’un sorcier. Si un sorcier envoie un sort à un individu, le sort peut agir directement sur la chaleur du sang. Donc, la personne peut déclarer qu’elle est dans un état de fièvre alors qu’il ne s’agit que de problèmes de superstition.

Quand il y aura un vrai symptôme, souvent, la notion de fièvre sera très différente de la notion moderne (ça sera une fièvre de type hippocratique, c’est-à-dire un échauffement du sang, une accélération du sang, un tempérament « chaud », etc…). Ou alors, il y aura fièvre plus autre chose. Et du coup, dans de nombreux cas, le truc n’aura rien à voir avec de la fièvre, ou alors seulement en partie.

Si le médecin n’a pas conscience de ça, il peut tout à fait omettre de demander au patient de préciser si le problème est physique ou pas. Il peut prendre pour argent comptant quelque chose qui n’a rien à voir avec de la fièvre physique. Evidemment, si le médecin le sait, il peut éventuellement finir par comprendre ce qu’a le patient, mais sinon, il peut être complètement trompé. Et même en ayant conscience du problème, les dires du patient peuvent être compris de travers par le médecin. S’il s’agit d’un médecin occidental, il aura tendance à ne pas chercher beaucoup plus loin que le paludisme. Il ne va pas se compliquer la vie. Et si c’est un médecin local, encore faudra-t-il qu’il ait conscience de ça, et qu’il ait envie de creuser un peu.

Quand il y a un symptôme réel, les termes utilisés ne désignent de toute façon que rarement la fièvre seule. Par exemple concernant l’étude citée, dans certaines régions, on utilise le terme de weogo et de koom pour désigner le couple hyperthermie/céphalée. Koom s’appliquant pour les moins de 15 ans et weogo pour les autres. Si un problème digestif ou hépatique vient s’ajouter au reste, on parle de sabga, ce qui commence à faire un peu fourre-tout et qui rend encore plus problématique la compréhension de ce qu’a vraiment la personne.

Ça commence à devenir un peu le foutoir. Mais en plus, au nord-ouest du Burkina Faso, le terme koom, quoi que connu, n’est pas utilisé. On utilise seulement le terme sabga. Comme c’est un terme qui recouvre beaucoup de chose, ça devient franchement peu précis. Au nord-est, le terme sabga recouvre plutôt des problèmes digestifs, surtout chez l’adulte. Et le terme koom est très utilisé.

Donc, si le patient vient du nord-est, le terme sabga signifiera qu’il a plutôt des problèmes digestifs, alors que s’il vient d’ailleurs, ça recouvrira quelque chose de plus vaste, incluant de la fièvre, des maux de tête et des problèmes digestifs ou hépatiques. Et du coup, si le médecin ne sait pas d’où vient le patient, il peut penser qu’il a quelque chose qui pourrait éventuellement contenir des symptômes de paludisme, alors qu’en fait il n’a que des problèmes digestifs.

Donc, en plus du flou des termes utilisés, il faut savoir de quelle région vient le patient pour comprendre un peu plus précisément ce qu’il a. Et là, il ne s’agit que d’un seul pays africain. Sur l’ensemble du continent, le nombre de particularités locales doit être multiplié par 100. Donc, un médecin occidental ou même du pays qui arrive sans rien connaitre aux diverses particularités locales concernant les termes et concepts utilisés peut partir sur des bases complètement fausses. Le médecin pourra penser que le patient a des fièvres depuis un mois, alors qu’en fait, il n’a que des céphalées depuis un mois, ou des problèmes digestifs.

Alors bien sûr, on pourrait penser que ça n’a pas d’importance, puisque les médecins vont déterminer si la personne a de la fièvre ou pas avec des instruments fiables. Oui mais non. Le problème c’est que la plupart du temps, les gens ne sont pas suivis de près par les médecins. Ils consultent souvent un assez long moment après que le problème soit survenu. Donc, une grosse partie du diagnostic repose sur les déclarations de la personne. Or, ces déclarations reposent sur les représentations que celui-ci a de la maladie. Donc, si les représentations sont fantaisistes, le diagnostic aura un risque important d’être erroné.

 

Le problème de l’établissement du diagnostic à partir des déclarations du patient est encore plus important concernant une part importante des morts. Comme la plupart se trouvent dans les campagnes, et que là, les gens meurent souvent avant que le médecin ait pu rencontrer le malade, il s’agit alors d’un diagnostic à posteriori. Si la personne est vivante, le médecin peut au moins mesurer sa température le jour de la consultation. Mais si la personne est déjà morte, il ne peut plus se reposer que sur les dires des proches, après coup. Le médecin fait alors un diagnostic qui repose essentiellement sur des impressions. Donc, la qualité des statistiques du taux de mortalité souffrent de ce manque total de données réelles sur la cause de la mort.

On a une confirmation de cette idée page 10 :

« Pour les épidémiologistes et les démographes, les mesures de morbidité rétrospective  et  de mortalité  se  heurtent  aux  problèmes  de  diagnostic, particulièrement en ce qui concerne la mortalité étudiée par autopsie verbale sans possibilité d’examen biologique. »

 

–          Le coté génériques des symptômes fait que tout le monde peut en avoir

Mais, comme de toute façon, les problèmes digestifs et les céphalées sont aussi des symptômes du paludisme, les médecins peuvent prendre ces descriptions pour du paludisme. Et du coup, on peut augmenter le nombre de cas de façon phénoménale, puisque des problèmes de céphalée et des problèmes digestifs sont très fréquents en Afrique.

Donc, déjà, souvent, la personne n’a rien. Le problème est purement imaginaire. Et le médecin peut passer complètement à côté de ça. Mais même quand le problème est réel, de toute façon, des symptômes très courants (maux de tête, problème digestifs) peuvent être interprétés comme du paludisme quasiment tout le temps. Il suffit ensuite au docteur d’adapter le diagnostic en fonction des saisons où l’incidence du paludisme est élevée, ou des zones où son incidence y est forte, etc… Quand on n’est pas dans la saison du paludisme, ça n’est pas du paludisme. Quand on y est, ça en est. Idem pour l’idée de groupe à risque et les autres éléments influençant le diagnostic.

On pourrait dire « oui mais ensuite, on fait un test biologique ». Donc, peu importe que le diagnostic clinique soit erroné ; le test microbien viendra séparer ce qui sera considéré comme les vrais cas de paludisme des faux. Sauf que, comme dit plus haut, vu la pauvreté et le manque de moyens, généralement, on ne va certainement pas faire des examens poussés. Donc, le diagnostic clinique est le plus souvent le seul qui est fait.

En fait, la confirmation du diagnostic clinique va prendre la forme suivante. On va simplement donner des antibiotiques à la personne, et on va voir si les symptômes disparaissent. Si c’est le cas, on pensera que c’était donc bien le paludisme. C’est le succès du traitement qui conditionne le diagnostic final. Il entraine l’établissement a postériori du diagnostic de paludisme. C’est un peu comme pour la pneumonie dans les pays riches. Mais du coup, le diagnostic final repose très fortement sur le diagnostic initial. En effet, c’est parce que la personne a utilisé un terme évoquant le paludisme qu’on a établi une sorte de diagnostic préliminaire et temporaire de paludisme et qu’on lui a donné des antibiotiques. Donc, les déclarations de la personne sont essentielles. Et donc, les intentions (mentir pour obtenir un arrêt de travail), les représentations de la personne (représentation de la santé et superstitions), le flou des termes utilisés, et le désir du médecin de voir du paludisme dans le cas de la personne gardent un rôle très important dans le diagnostic final.

Et puis, dans le cas des tests biologiques rapides (qui sont des tests d’anticorps), il y a aussi un risque d’être influencé par le diagnostic préliminaire et donc par les déclarations du patient si on fait le test après coup. Supposons qu’on ne se casse pas la tête à faire un test biologique couteux et qu’on donne des antibiotiques d’abord pendant 1 à 2 semaines. Si ça ne marche pas et qu’on pense encore que c’est le paludisme, on va peut-être faire un test biologique. Seulement, comme on a donné des antibiotiques, la personne va avoir d’autant plus de risques de réagir positif (voir mon article sur les tests d’anticorps). Donc, là encore, les dires des patients influencent le diagnostic final.

Au final, si on a

  • 10 % de l’ensemble des cas inventés par manipulation des seuils de réaction des tests biologiques
  • 40 % de cas inventés par surestimation du nombre de cas en l’absence de tests biologiques
  • 10 % de cas inventés parce que les patients inventent des symptômes pour obtenir un arrêt de travail ou une prise en charge médicale
  • 20 % de cas inventés parce que le médecin n’a pas bien traduit les termes employés par le patient qui utilise son patois local et parce qu’il n’a pas cherché à creuser le problème

Ça finit par faire 80 % de cas inventés, même en restant dans le cadre théorique orthodoxe.

 

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