La rage (partie 1/4)

 

Comme la polio, le paludisme ou la tuberculose, la rage est une maladie totalement emblématique de la théorie microbienne.

Première raison à ça : il s’agit de la première maladie traitée par vaccin du début de l’ère microbienne, qu’on peut situer vers 1880. Bien sûr, avant, il y avait eu Jenner et le vaccin contre la variole en 1796. Mais c’est avec la rage que l’ère microbienne s’impose vraiment. Le vaccin contre la variole était comme un succès sans lendemain. Pendant ensuite presque 80-90 ans, on a continué à croire plus ou moins à la théorie hippocratique. Alors qu’avec le vaccin contre la rage, la théorie microbienne se met à remplacer celle-ci.

Deuxième raison : le vaccin a été inventé par Pasteur, lui-même emblème absolu de la théorie microbienne.

Troisième raison : la maladie est supposée être pratiquement toujours mortelle une fois les symptômes déclarés, ce qui lui donne un caractère terrifiant.

Et puis bien sûr, comme c’est une maladie qui est supposée avoir été décrite par la médecine depuis des temps immémoriaux, et que la contagion est censée être établie de façon indubitable, les gens pensent qu’on a là une preuve claire et nette qu’on est face à une maladie réelle et qui est microbienne. Le succès du vaccin renforçant bien sûr encore plus cette impression d’être face à quelque chose d’indéboulonnable, une maladie que seuls les fous oseraient remettre en cause.

Mais, là encore, on va voir que la maladie en question n’a tout simplement jamais existé, et qu’il ne s’agissait que d’une invention. Invention locale même.

 

Comme toujours lorsque je fais un très long article, il y a un résumé à la fin.

 

 

1)    Données générales sur la rage

 

 

Officiellement, la rage est donc une maladie microbienne causée par un virus. Elle touche tous les mammifères, mais en particulier les animaux comme le chien, le loup, le renard, le chat, la vache, le blaireau, le chevreuil, la chauve-souris, etc.., et se transmet par morsure, griffure ou léchage d’une plaie ou d’une muqueuse. Le virus ne traverse pas la peau saine. Les oiseaux, reptiles, poissons et insectes ne transmettent pas la maladie.

Concernant l’être humain, elle se transmet de la même façon, mais uniquement par un animal. Il n’y a pratiquement pas de contamination entre êtres humains (les seuls cas connus concernent des greffes).

Une fois la contamination réalisée, l’animal et l’être humain développent des symptômes différents.

Chez l’animal, les symptômes dépendent de l’espèce concernée. On trouve :

  • un manque de coordination des mouvements volontaires (ataxie généralisée)
  • une hypersensibilité des sens (hyperesthésie), qui concerne plutôt la vue
  • des douleurs cervicales
  • une hypersalivation
  • des convulsions des muscles faciaux
  • chez les carnivores, un comportement anormalement agressif est fréquent mais pas systématique

Chez l’homme, les symptômes sont les suivants :

  • Anxiété
  • Confusion
  • Agitation avec trouble du comportement
  • Hallucinations
  • Insomnies
  • Eventuel délires
  • Production d’une grande quantité de salive et de larmes avec difficulté de déglutition
  • Hydrophobie (la vue d’un liquide provoque une peur irraisonnée)
  • Le contact entraine des sensations de brulures insupportables

 

La maladie est systématiquement mortelle une fois les symptômes cliniques développés (souvent par arrêt respiratoire). Chez l’homme, elle arrive de deux à dix jours après les premiers symptômes.

Selon le site de l’Institut Pasteur, la rage est à l’origine de quelque 55 000 décès annuels dans le monde, le plus souvent suite à une infection transmise par un chien enragé. On trouve encore le chiffre de 55.000 sur topsante, ou dans un document pdf de Pasteur de novembre 2009, sur une page web de Sanofi-Pasteur de 2006 (ici), sur une page du CDC (mise à jour le 25 septembre 2014), etc… L’OMS parle de 60.000 cas dans ce document de 2013, qui fait référence au « WHO Technical Report Series, No. 982 » (les chiffres sont donnés page 9, tableau 2).

Et selon l’OMS : « 95% des cas humains mortels surviennent en Asie et en Afrique ». Selon ce document de Sanofi-Pasteur, 20 000 sont en Inde et 24 000 en Afrique. Selon le document 982 de l’OMS, en 2010, 24.000 sont en Afrique, 16.500 en Inde, 7.500 en Chine et 10.500 dans d’autres pays d’Asie. Elle a pratiquement disparu dans la plupart des pays occidentaux

 

Concernant le risque de déclenchement de la maladie après une morsure, les données varient fortement selon les auteurs.

Dans « Les 10 plus gros mensonges sur les vaccins » de Sylvie Simon, on trouve page 27 qu’un animal réellement enragé ne transmet la maladie que dans 5 à 15 % des cas. Autrement dit, une personne mordue a une probabilité de 5 à 15 % de développer la maladie.

L’édition 1999 du “Guide des vaccinations” nous dit p. 131 que le risque est de l’ordre de 50 %. Donc, très grosse différence avec les chiffres de Sylvie Simon.

Dans le livre « De la Rage et de l’Hydrophobie. Leurs … symptômes d’après les rapports officiels de H. Bouley, C. H. Hertwig, Youatt, recueillis et mis en ordre par J. D. » ; Joe DYCER, Henri Marie BOULEY, Carl Heinrich HERTWIG, William YOUATT, 1868, page 60 :

« Il est utile que l’on sache que la morsure d’un chien enragé n’est pas fatalement suivie de l’invasion de la maladie. Il résulte de documents statistiques, dans lesquels on peut avoir pleine confiance et qui ont été dressés en Allemagne, où la maladie est beaucoup plus commune que dans notre pays, que sur 100 personnes mordues par des chiens enragés, 77 échappent à la contagion. Bruxelles, le 5 mai 1868, Le Bourgmestre, J. Anspach »

Donc là, en 1868, on parle de 23 % de mordus qui développent la maladie.

 

Dans le livre « Traité de pathologie interne, Volume 2 » ; Augustin Grisolle, Victor Masson et fils, 1869, page 92/93 :

« Tous les individus mordus par un animal enragé et abandonnés à eux-mêmes ne contractent pas la rage. Beaucoup, et, d’après Renault, un tiers au moins des animaux mordus ou inoculés artificiellement échappent à la contagion (Bulletin de l’académie de médecine, séance du 13 janvier 1852). M. Bouley croit après Hunter que sur cent personne mordues, il n’y en a guère que cing chez lesquelles la rage se déclare.« 

Là, on parle de 5 % de mordus qui déclarent la rage, en 1869.

 

Dans le livre « Les virus » ; Arloing Saturnin ; Correspondant de l’Institut, Directeur de l’école vétérinaire, Professeur de la Faculté de médecine de Lyon, 1891, page 346 :

« On ne le croirait pas, et cependant il est difficile de rassembler de bons éléments de comparaison. Ainsi, pour établir le quantum des cas de rage après morsure, il faudrait connaitre exactement l’état de santé de tous les chiens mordeurs ; or il arrive assez souvent que l’on poursuit et que l’on abat comme enragés des chiens mordeurs simplement suspects de rage.

En conséquence, des personnes mordues par des animaux sains peuvent aller réclamer le traitement antirabique; leur présence sur une statistique en diminue nécessairement la valeur. Si l’on suppose que les statistiques donnent partout le même résultat que dans certaines grandes villes où les renseignements méritent plus de croyance qu’ailleurs, sur cent personnes mordues par des chiens enragés, seize contracteraient la rage. »

Ici, on a 16 % des mordus qui développeraient la rage. Chiffres de 1891.

 

Dans  » LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE : REVUE DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS » ; AOUT 1886, Tome I ; Causerie : Gaston Percheron : La rage et M. Pasteur :

« Si l’on tient compte de ce fait, que la plupart des chiens abattus ne sont pas enragés, que sur cent personnes mordues cinq seulement sont susceptibles de contracter la rage, on doit admettre que les cas de rage prétendus guéris par M. Pasteur sont rares. »

Donc, là aussi, on parle de 5 % des mordus qui développeraient la rage, en 1886.

 

Dans le livre « Experiments on Animals » ; Stephen Paget ; London, 1907 (ou 1903 selon un autre site) page 171 :

« Finalement, quel était le risque venant de la morsure d’un animal enragé, avant 1885 ? C’est du domaine de la supposition. Un auteur, et un seul, l’estimait à 5 % ; un autre à 55 %, et un troisième en venait à la conclusion prudente qu’il était « quelque part entre ces limites ». Leblanc, qui est probablement le meilleur guide, le situe à 16 % ; et Pasteur lui-même entre 15 et 20 %.

 

Voici un tableau récapitulatif :

Auteur

Date

Pourcentage de mordus tombant malades

Joe DYCER, Henri Marie BOULEY, etc…

1868

23 %

Augustin Grisolle

1869

5 %

Pasteur

Vers 1885

15-20 %

Gaston Percheron

1886

5 %

Arloing Saturnin

1891

16 %

Leblanc

Avant 1907

16 %

Sylvie Simon

2005

5-15 %

Guide des vaccinations

1999

50 %

 

On constate que Sylvie Simon est à peu près dans la fourchette donnée par les études de la fin du 19ème siècle. Même Pasteur n’en est pas loin. Donc, a priori, c’est la fourchette de 5-15 % de Sylvie Simon qui est la bonne.

Donc, avec 50 %, le guide des vaccinations surestime complètement le pourcentage. Mais, on comprend bien pourquoi il le fait. L’industrie pharmaceutique a tout intérêt à exagérer le risque de développement de la maladie, pour inciter les gens à se faire vacciner. 5-15 %, c’est moins motivant, 50 % ça l’est beaucoup plus.

En fait, on verra plus loin qu’il y a eu encore un autre chiffre avant, et qu’à toutes les époques, ceux-ci ont dû être trafiqués pour justifier les théories ou objectifs du moment.

Au passage, il faut savoir que le pourcentage varie selon les zones touchées et l’animal en cause. Par exemple une morsure à la jambe par un chien entraine une probabilité de seulement 3 % de développer la maladie, alors que pour une morsure à la face par un loup c’est 80-100 % (voir ici, document de 1999).

 

Concernant les animaux, voici ce qu’en dit Gustave Jouet dans son ouvrage « De la rage communiquée chez le chien », 1877 :

« DEGRÉ DE CONTAGION DE LA RAGE

Le degré de contagion, c’est-à-dire les chances de terminaison funeste sont donc variables suivant le cas ; on a cependant établi une moyenne.

Ainsi M. Lafosse a constaté que sur 60 chiens ayant été mordus par des animaux de leur espèce et enragés, 21 seulement sont morts affectés de la rage.

À l’École d’Alfort, sur un nombre de 244 chiens mordus, 74 seulement ont contracté la maladie.

À Lyon, le rapport approximatif serait de 1 sur 5.

À l’École vétérinaire de Berlin, d’après le savant professeur Hertwig, sur 137 chiens mordus, 16 seulement ont contracté la rage.

Le degré de contagion, pour le chien, a donc varié entre un tiers et un huitième.« 

Donc, là, on parle d’un développement de la maladie chez 12,5 à 33 % des chiens mordus.

 

 

2)    Histoire de la rage

 

 

Comme souvent, les premières bizarreries, faiblesses et incohérences apparaissent lorsqu’on analyse l’histoire de la maladie.

Les documents officiels voudraient bien nous faire remonter l’histoire de la rage à la nuit des temps. On parle de l’empire Sumérien, de l’Egypte. Mais en réalité, ce qu’on trouve n’est pas particulièrement convaincant. Déjà, ça ne concerne que les chiens, et pas l’homme. Et même pour les chiens, rien n’indique clairement qu’il s’agisse de la rage, et pas simplement d’une agressivité classique de ces carnivores.

C’est à partir des grecs qu’on commence à trouver des documents sur le sujet. Il semble effectivement qu’on parle d’une maladie transmissible par morsure d’animaux. Mais là-encore, c’est souvent très flou et donc pas convaincant. Et on ne trouve toujours pas de trace de transmission de la maladie chez l’homme. C’est uniquement d’animal à animal. Voici les auteurs qui en auraient soi-disant parlé :

  • Homère (Grec, 8ème siècle avant JC). Il se référerait soi-disant à la rage en parlant de Sirius, le chien d’Orion, qui aurait une mauvaise influence sur la santé des humains. Et Sirius était associé aux chiens fous dans le pourtour méditerranéen. Donc, c’est trop flou pour être convaincant.
  • Démocrite (Grec, 500 ans avant JC). Il est supposé être le premier à avoir fait une description de la rage canine. Mais il n’y a aucune citation et aucune précision.
  • Hippocrate (Grec, 460-370 av. JC). Il est dit qu’il parle d’hommes qui sont dans la frénésie et qui boivent très peu, sont effrayés et troublés, tremblent au moindre bruit et souffrent de convulsion. Donc, là, on ne parle pas d’hydrophobie. Donc, on ne voit pas en quoi il s’agirait de rage. Et il ne parle pas de transmission à l’homme.
  • Xenophon : (Grec, 430-355 av. JC). il en aurait parlé dans ses « Anabasis ». Il n’y a pas plus de précision que ça. Donc, avec aussi peu de détails, impossible de savoir de quoi il retourne vraiment.
  • Aristote (Grec, 384-322 avant JC). Là, ça devient plus précis (concernant les chiens). Il a écrit dans « histoire naturelle des animaux » (343 BC) que les « chiens souffrent de la folie. Ca les pousse à devenir très irritables et tous les animaux qu’ils mordent souffrent de la maladie ». Cependant, il croyait que les hommes attaqués ne développaient pas la maladie. Donc, là encore, pas de transmission de la maladie chez l’homme.
  • Andreas de Carystos : (Grec, 3ème siècle av. JC). On ne sait pas grand-chose de lui, à part qu’il était le médecin du roi Ptolémée. Il aurait écrit un traité entier sur la rage. Donc, ce serait le premier à en avoir parlé. Sauf qu’on n’a aucune information supplémentaire. En fait, après recherches, il apparait qu’on ne connait que le titre du livre. Donc, on n’a rien en fait sur ce qu’il a vraiment dit. Et la liste de ses livres semble venir d’Antonio Mongitore (1663-1743). Donc, il est bien possible que la liste soit apocryphe et complètement inventée. Donc, là encore, on n’a rien de bien concret.

 

Pour la période grecque, il n’y a donc qu’Aristote qui aurait vraiment dit quelque chose de précis, et ce, uniquement sur la rage des chiens. C’est tout ce qu’on a. On ne peut pas dire qu’on ait grand-chose.

 

Voyons maintenant la période romaine. C’est à partir de là qu’on commence à avoir de véritables descriptions de la rage humaine :

  • Epimarcus : il aurait dit des choses sur la rage. Seulement, il n’y a aucune référence le concernant sur Internet.
  • Virgile : (70-19 av. JC). Il aurait parlé de la rage dans ses Géorgies. Il dit que la rage vient de la pestilence de l’air. Mais on n’a pas plus de précision que ça.
  • Horace : (65-8 av. JC) Il fait une allusion à la rage en tant que canis rabiosa, et les jours du chien comme le signe du temps de la rage. Bref, les chiens pouvaient avoir l’air enragés. Mais ça ne dit pas clairement que les chiens transmettaient la rage. Ça pouvait donc être simplement de l’agressivité de la part des chiens. On ne peut pas dire que ce soit convaincant.
  • Ovide : (42 av. JC – 18 ap. JC) dans ses Métamorphoses. Il emploie l’expression « rabiem collegit dolor ». Ovide aurait parlé de vers sous la langue du chien qui transmettraient la maladie. Pline en aurait parlé aussi. D’où le fait qu’on coupait la zone d’attache de la langue et qu’on enlevait un pli sous lingual, où on pensait que le vers se logeait. Cette idée a persisté jusqu’au 19ème siècle quand même, jusqu’à ce que Pasteur établisse la « vraie cause » de la rage.
  • Aulus Cornelius Celsus : (environ 25 av. JC – 50 ap. JC). C’était un encyclopédiste romain. C’est le premier à parler de contamination de l’animal à l’homme. Selon Baer (page 2), il aurait fait de la rage son étude particulière. Et lui parlerait d’une contamination à l’homme par morsure. Il insisterait bien sur ce fait. D’ailleurs, F-C de Saint-Martin confirme dans sa « Monographie sur la rage », 1823, page 45, que c’est le premier à en parler  » « Les premiers écrits sur la rage n’ont point échappé aux ravages du temps, et l’ouvrage le plus ancien de ceux qui nous sont parvenus, où il est fait mention de cette maladie, est celui de Celse« 
  • Pline l’Ancien : (23- 79 ap. JC) : écrivain et naturaliste romain. Lui aussi, dans son « Histoire naturelle » parle très clairement et à plusieurs reprises de la rage hydrophobique transmise du chien à l’homme.
  • Pedanius Dioscoride : (40-90 ap. JC à Anazarbe, dans l’actuelle Turquie) : médecin, pharmacologue et botaniste grec dont l’œuvre a été la source principale de connaissance en matière de plantes médicinales durant l’Antiquité. Lui aussi parle d’une transmission du chien à l’homme. Par exemple, dans le livre 2 de son ouvrage « de materia medica », dans la partie 2-42 (Hepar Kunos Lussontos), on trouve « Foie d’un chien enragé. La rage est hautement communicable : le foie d’un chien enragé (mangé grillé par ceux qui ont été mordu par lui) est supposé protéger ceux-ci de la peur de l’eau« .
  • Plutarque : (Grec d’origine, mais penseur romain, 46-125 après JC, à ne pas confondre avec Plutarque d’Athènes, 400 avant JC) parlerait soi-disant du fait que la maladie peut être transmise par une morsure de chien enragé. Mais transmises à qui ? A un autre chien, un autre animal ? Ou aussi aux hommes ? Et de quels symptômes parle-t-il exactement ? On ne sait pas.
  • Rufus d’Ephèse : (environ 110 ap. JC, du temps de Trajan). Médecin vivant à Ephèse (Turquie). Il ne reste pas grand-chose de lui. Mais tout de même, dans ses fragments (ici), on trouve plusieurs éléments parlant assez clairement de la rage transmise par les chiens à l’homme. Donc là-aussi, on a quelqu’un qui dit que ça se transmet du chien à l’homme. Cela dit, ici aussi, on a des éléments allant complètement à l’encontre de la théorie officielle (guérison si la maladie est prise à temps).
  • Lukian ou Lucien de Samosate : (né syrien, puis a vécu en Anatolie (Turquie), puis est mort en Egypte, 120-180 ap. JC). Lui aussi aurait parlé de la rage. Mais il n’y a pas plus de précision que ça.
  • Carnadus : (soi-disant un écrivain romain). Il aurait décrit l’infection. Celle-ci viendrait de la salive des chiens, qui serait un poison. Mais on ne parle pas de contamination de chien à homme. Et puis surtout, on ne trouve aucune trace de lui sur Internet.
  • Galien : (Grec à la base, mais surtout romain, 129-200 ou 216 ap. JC, né en Turquie à Pergame, puis va à Corinthe, puis Alexandrie, puis Rome en 162). Il pensait que seuls les chiens étaient susceptibles d’attraper la rage. Il parlait bien d’hydrophobie chez l’homme, mais sans contagion.
  • Caelius Aurélianus : (Médecin romain, Afrique du nord, vers 450 ap. JC). Parle de l’hydrophobie chez l’homme de façon assez détaillée concernant les symptômes. Il parle de la rage chez les animaux comme le chien et autres. Mais il ne parle pas de contagion de l’animal à l’homme.

 

 

 

Donc, on a au moins quatre personnes qui parlent clairement de l’hydrophobie transmise du chien à l’homme : Celse, Pline l’ancien, Pedanius Dioscoride et Rufus d’Ephèse. Là, il s’agit vraiment d’une description de la maladie humaine telle qu’on la connait maintenant.

On pourrait donc dire que si les autres n’en parlaient pas avant, c’est tout simplement que la maladie a été correctement décrite à partir du début du 1er siècle et qu’auparavant, on n’avait pas une vision claire de la chose.

Seulement, il y a un certain nombre d’éléments qui viennent contredire cet argument.

Déjà, le problème, c’est que Galien et Caelius Aurelianius, eux, n’en parlent pas. Ils parlent bien de la rage chez le chien et de l’hydrophobie chez l’homme, mais sans faire le lien entre les deux. Soit ils spécifient bien qu’il n’y a pas de transmission du chien à l’homme (Galien), soit ils n’évoquent pas cette transmission (Caelius).

Or, l’hydrophobie chez l’homme était supposée pouvoir être causée par diverses affections. Donc, sans précision sur le fait que la maladie était communiquée via une morsure de chien, l’hydrophobie humaine pouvait venir d’un peu tout et n’importe quoi. On ne peut pas dire que puisqu’ils parlent d’hydrophobie, c’est forcément qu’ils parlent de la rage.

Donc, on tombe sur un problème logique. Comment peut-il se faire que Celse, Pline l’ancien, Pedanius Dioscoride et Rufus d’Ephèse aient reconnu la transmission du chien à l’homme, alors que le très célèbre médecin Galien, ainsi que Caelius Aurelius (autre médecin) l’aient ignorée ? Surtout que pour Galien, on parle de quelqu’un qui vivait à l’époque de Rufus d’Ephèse, et qui a écrit seulement 80 ans après Pline l’ancien. Et il ne s’agit pas d’un petit médecin, mais du plus célèbre de l’antiquité tardive. Donc, comment est-il possible que pratiquement en même temps, des gens aussi célèbres aient pu défendre une idée aussi contradictoire ?

Et si les autres étaient dans l’erreur, on peut alors se demander pourquoi Galien et Caelius n’ont pas insisté dans leurs écrits sur le fait que cette croyance était erronée. Vu qu’il ne s’agissait pas de simples péquins lambda qui défendaient cette idée, il aurait dû paraitre important à Galien et Caelius de rétablir la vérité. Mais non, tout se passe comme si chacun racontait son truc dans son coin en ignorant tous les autres. Très bizarre. Surtout que comme il s’agissait apparemment d’une idée nouvelle, Galien aurait eu particulièrement à cœur de la contrer. Et d’une façon générale, on aurait eu vent de la controverse par d’autres auteurs.

Et puis, si Pline l’ancien – qui, quoique célèbre, était un simple historien – disait que l’hydrophobie était transmise par les chiens enragés, sans préciser si c’était une notion controversée ou pas, c’est que c’était une sorte de vérité communément acceptée. Sinon, il aurait dit que tout le monde n’était pas d’accord. Sauf que justement, ça n’était apparemment pas une théorie partagée par tous, loin de là.

Et concernant Rufus d’Ephèse, il faut voir qu’Ephèse se situe en Turquie. Or, des auteurs du 19ème siècle on a mis en avant que la Turquie était exempte de la maladie, aussi bien chez l’homme que chez le chien. Donc, comment se fait-il que la maladie ait disparu, alors qu’il n’y a jamais eu aucun remède pour la soigner, et que les chiens errants pullulent littéralement en Turquie ? Ou alors, inversement, comment se fait-il que Rufus d’Ephèse en parle alors que la maladie ne devait pas exister dans la région (pays et pays limitrophe) où il vivait. Bien sûr, il aurait pu parler de cas se passant dans d’autres régions de l’empire romain. Mais alors, il aurait forcément précisé ça, ainsi que le fait que sa région était exempte de rage ; ce qui ne semble pas être le cas.

Et si l’idée d’une transmission à l’homme était un mensonge des médecins romains, pourquoi d’un seul coup inventer cette arnaque, si c’était pour l’invalider quelques dizaines d’années après ? Et si au contraire c’était la vérité, pourquoi certains médecins auraient menti par la suite, alors que cette théorie était défendue par des gens très en vue dans l’empire romain ?

Sans compter aussi que les personnes qui parlent de l’hydrophobie transmise par le chien racontent souvent n’importe quoi concernant les remèdes et d’autres détails de la maladie. Donc, ils mentent sur d’autres éléments du problème. Et du coup, il n’y a pas de raisons de les croire quand ils parlent de l’hydrophobie elle-même.

Et puis, dans la mesure où c’était plutôt Galien qui dominait au moyen-âge, on ne voit pas tellement pourquoi ce sont les écrits de Celse qui se sont imposés concernant la rage.

Ces variations dans les diverses versions, les incohérences par rapport à la théorie officielle concernant les symptômes et les soins, le fait que certains auteurs parlent de rage dans des lieux où par la suite, il n’y en aura pas, ainsi que l’absence de signalement des divergences d’opinion, sont très bizarres. On veut bien qu’il y ait des oppositions d’idées entre médecins ; mais pas aussi importantes vis-à-vis d’un phénomène tout de même assez évident, et pas sans qu’il y ait notification de leur existence par les protagonistes du problème. Et pas non plus dans un même pays au même moment, et pas avec des gens qui prennent manifestement leur théorie pour totalement acquise (par exemple Pline l’ancien). Donc, dès le début de l’histoire de la maladie, on est face à des éléments illogiques.

 

 

3)    Rage, textes apocryphes et théorie récentiste

 

 

Je pense que l’explication à ces bizarreries et illogismes est qu’il y a eu ajouts de texte apocryphes, voire carrément invention d’auteurs. Ou alors, ajouts de texte apocryphes, avec par ailleurs manipulation sur l’époque où l’auteur vivait (et dans cette hypothèse, l’auteur a vraiment existé).

Pourquoi faire une telle chose ? Eh bien, il est assez connu qu’à la fin du moyen-âge et à la renaissance, le loup et autres nuisibles n’étaient pas du tout en odeur de sainteté dans toute une partie de l’Europe de l’ouest (spécialement en Italie, en France et en Espagne). Les loups, les chiens errant, les renards, etc.., étaient alors des ennemis à abattre. Non seulement ils étaient une concurrence pour les paysans, mais par ricochet, également pour les nobles et l’église (et pour la noblesse, aussi de façon directe, puisqu’ils mangeaient le gibier). Du coup, on a inventé cette histoire de rage transmise des animaux aux hommes pour pouvoir justifier leur extermination.

Donc, à mon avis, cette histoire de rage transmise à l’homme par les chiens ou les loups (et autres animaux) est une invention du pouvoir politico-religieux de la fin du moyen-âge. Et les religieux ont ajouté des écrits apocryphes à certains ouvrages de l’antiquité, ou même ont inventé des auteurs.

Pourquoi les religieux ? Parce que c’était les seuls qui avaient accès à l’écriture. Ils contrôlaient également l’essentiel de la médecine. Et pourquoi la fin du moyen-âge et pas le milieu ou le début de celui-ci ? Eh bien parce que c’est essentiellement vers le 14ème et le 15ème siècle que les écrits sur la rage humains transmise par les animaux commencent à se multiplier. Peut-être que l’idée de la rage canine date d’il y a plus longtemps, même chose pour l’hydrophobie humaine (mais c’est loin d’être sûr ; peut-être que tout a été inventé à la fin du moyen-âge). Mais par contre, le lien entre les deux doit dater de cette époque.

Et pour donner plus de force à cette invention, on a inventé des écrits datant de l’antiquité parlant de transmission de l’animal à l’homme. Si c’était un truc inventé peu de temps avant, c’était moins convaincant. Si la chose était considérée comme très ancienne, ça faisait plus légitime.

Tout ça fait évidemment penser à la théorie récentiste. Celle-ci affirme qu’une partie du moyen-âge n’a jamais existé. Il y aurait 300 à 1.000 ans qui auraient été rajoutés par les moines à partir du 14ème ou du 15ème siècle. Corolaire de cette idée, une partie des textes antiques serait apocryphe. Et même certains auteurs auraient été purement et simplement inventés. C’est l’autorité religieuse qui aurait réécrit l’histoire en sortant des milliers de textes attribués faussement à des auteurs antiques.

Mon hypothèse sur la vraie histoire de la rage correspond cette théorie. On a probablement des anciens textes en réalité apocryphes ou/et des auteurs inventés. Ceci par les autorités religieuses. Et l’invention se situerait vers le 14ème ou le 15ème siècle.

 

 

Parmi les quatre auteurs qui parlent de rage transmissible, Celsus est intéressant. Déjà, sur Wikipédia, on s’aperçoit qu’on ne sait pas grand-chose sur lui. Et dans l’Encyclopedia Universalis, on apprend qu’en fait : «  Le premier livre médical imprimé en latin fut un texte complètement inconnu peu avant la découverte de l’imprimerie, le De medicina libri VIII de Celse ; il venait d’être découvert dans les archives de l’église Saint-Ambroise de Milan par le futur pape Nicolas V qui comprit la valeur de l’ouvrage. » Donc, son livre (publié à Florence en 1478) a été bien heureusement redécouvert par le futur pape, dans les archives de l’église. Donc, il est bien possible que le soi-disant livre médical de Celsus ait été un faux écrit entre quelque chose comme 1430 et 1450.

Et ce qui est dit sur l’encyclopédie Universalis, c’est que curieusement, aucun médecin ne cite Celsus à l’époque antique : « Fut-il ou non médecin ? Ce dernier point a suscité de nombreuses controverses ; est-il possible, en effet, que l’auteur si érudit du De medicina soit un profane ? Pourtant aucun médecin ne le cite ; en revanche, d’autres auteurs de son époque parlent avec admiration de son ouvrage sur l’agriculture, d’un autre consacré à la rhétorique et d’un troisième traitant de l’art militaire, sans pour autant le qualifier d’agronome, d’orateur ou de soldat.« . Donc, on le cite pour d’autres ouvrages, mais pas pour celui-ci, qui avait pourtant l’air assez considérable. Par ailleurs, il n’était apparemment pas médecin lui-même. Alors d’accord, on pourrait dire qu’il avait un esprit encyclopédique ; mais quand même, comme le souligne l’encyclopédie Universalis, on voit mal comment un non médecin aurait pu écrire une œuvre pareille. Tout ça va dans le sens de l’idée que soit ce n’est pas lui qui a écrit cet ouvrage (et qu’il s’agit peut-être d’un auteur inventé), soit c’est lui, mais qu’il n’a pas vécu durant l’antiquité.

Il est possible que l’écriture du livre en question ait été supervisée par Flavio Biondo ou un de ses acolytes. Celui-ci fut le secrétaire des papes Eugène IV, Nicolas V, Calixte III et Pie II. Il était donc bien placé pour réaliser un faux. Par ailleurs, on dit ça de lui « En 1459, il publie Les triomphes de Rome, histoire de la Rome païenne, érigée en modèle de gouvernement et d’organisation militaire. Le livre eut une grande influence et insuffla le patriotisme et le respect pour la Rome ancienne, tout en présentant la papauté comme la continuation de l’empire romain. Quant au terme « moyen âge », Flavio Biondio l’utilisa pour la première fois dans son livre Historiarum ab inclinatione Romanorum Imperii, Décades historiques depuis la fin de l’empire romain, sous l’expression « medium aevum ».« . S’il a été capable d’écrire ou de faire écrire une histoire de Rome pour présenter la papauté comme l’héritière de l’empire romain (une sorte de panégyrique à peine masqué), il est possible qu’il ait écrit ou supervisé l’écriture de livres apocryphes sur d’autres sujets.

 

Concernant Pline l’ancien, il est dit que son ouvrage n’a jamais été perdu. Ca va dans le sens d’un auteur et d’un livre réel (mais bon, on pouvait aussi raconter n’importe quoi). Par contre, on dit qu’il a subi de nombreuses modifications au cours des siècles, lors des recopies. Donc, il est tout à fait possible que les passages sur la rage aient été ajoutés pour aller dans le sens de la théorie officielle qu’on cherchait à imposer. Cette histoire de modification lors des recopies est d’ailleurs valable pour les autres auteurs.

 

Pour Pedanius Dioscoride, on dit dans Wikipédia à propos de son « de materia medica » que :

« Contrairement à beaucoup d’auteurs classiques, son œuvre n’a pas été redécouverte à la Renaissance, car le livre de Dioscoride n’a jamais cessé de circuler en Europe et dans le monde musulman (Abou Abdallah es-Siqili contribua à la révision de l’ouvrage en arabe). La plus ancienne copie illustrée de ce traité a été découverte à Istanbul en 1560 (il est probable que les illustrations proviennent du Rhizotomikon de Cratevas). Cette copie, dans laquelle l’ordre des chapitres n’est plus celui que leur avait donné Dioscoride, mais l’ordre alphabétique, date du VIe siècle (probablement 512 ou 513). Aujourd’hui conservée à Vienne, elle est connue sous les multiples noms de Dioscoride de Vienne ou Codex Vindobonensis, Codex Constantinopolitanus, Codex Byzantinus, Codex Aniciae Julianae. »

Donc, son œuvre n’a jamais cessé de circuler en Europe et dans le monde musulman. Et on nous dit que la plus ancienne copie est datée probablement de l’an 512. Très bien, sauf qu’elle a été « découverte » à Istanbul en 1560, c’est-à-dire à peu près à l’époque où les récentistes datent les traficotages de l’église catholique. Donc, rien n’empêche de penser que la date de 512 est bidon et qu’en réalité, l’ouvrage date de 1560. Surtout qu’on ne voit pas très bien pourquoi le livre aurait été « découvert » en 1560. Si l’œuvre n’a jamais cessé de circuler, non seulement en Europe, mais aussi dans le monde musulman, il n’y aurait eu aucune découverte à faire. On aurait tout simplement su que l’ouvrage était là.

Il faut aussi noter le « Contrairement à beaucoup d’auteurs classiques« . Ça veut donc dire qu’une grande quantité d’auteurs de cette époque ont vu leurs œuvres redécouvertes à la Renaissance. Elles auraient cessé complètement de circuler pendant l’essentiel du moyen-âge ; et tout d’un coup, à la Renaissance, elles seraient réapparues. On peut penser alors que dans les auteurs antiques qui ont parlé de la rage, une grosse partie est dans ce cas. Et ça, ça augmente la probabilité que des passages voire la totalité de ces livres soient apocryphes.

 

Ce qui va dans le sens de récits apocryphes ajoutés par les gens du moyen-âge, ce sont les raisons suivantes :

Déjà, pour reprendre ce qu’on a vu dans le chapitre précédent, ce qui fait la différence entre la période romaine et la fin du moyen-âge, c’est que là, tous les auteurs parlent d’une même voix concernant la contamination de l’animal à l’homme. Durant la période romaine, les auteurs qui se suivent, ou même qui sont contemporains, ne sont pas d’accord les uns avec les autres. Et pourtant, aucun ne signale l’existence d’une controverse, ce qui parait tout de même extrêmement bizarre. Donc, autant pour l’histoire récente, les choses sont logiques, autant pour l’histoire antique, ça ne l’est pas. Il n’y a aucune raison à ce qu’il y ait eu de telles divergences sans aucune confrontation ou ne serait-ce qu’un signalement de l’existence d’avis différents. Par ailleurs, dans le cas de Caelius Aurelianus, on s’explique très difficilement comment quelqu’un vivant en 450 ap. JC, soit 400 ans après les premières versions « modernes » de la rage, aurait pu ne pas savoir que celle-ci se transmettait de l’animal à l’homme. L’explication la plus logique à tout ça, c’est que des gens ont inventé les histoires en question, ou alors, ont ajouté des extraits apocryphes.

 

Deuxième chose, la maladie touche surtout les pays catholiques, et spécialement l’Italie, la France et l’Espagne. Si cette histoire de contamination à l’homme avait vu le jour sous l’empire romain, alors, la maladie aurait été vue dans tout le pourtour méditerranéen, en particulier, dans les pays d’Asie Mineure et du Maghreb. Et même, spécialement dans ces pays, puisque dans ceux-ci, les chiens errants sont très nombreux. Et l’erreur se serait transmise entre les générations de médecin.

Et puis, deux des quatre auteurs qui en parlent se trouvaient en Turquie (et les deux sont médecins, contrairement aux deux autres). Donc, une des zones d’origine de l’invention de la maladie aurait été l’Asie mineure et l’erreur aurait dû persister dans cette région.

Surtout qu’on affirme qu’une partie de la science romaine, notamment la médecine, s’est perpétuée dans l’empire musulman et que c’est grâce à celui-ci qu’on l’a redécouverte par la suite. C’est ce qu’on peut trouver dans Wikipédia : « La médecine arabe est fondée sur la tradition, c’est-à-dire essentiellement les connaissances théoriques et pratiques léguées par les Grecs, les Romains et les Perses. Aux yeux des savants de l’Islam, Galien et Hippocrate étaient l’autorité suprême en matière de médecine, suivis des savants de l’Alexandrie hellénistique. Les savants arabes traduisirent ces textes dans leur langue puis ajoutèrent de nouvelles connaissances. » Donc, les musulmans se fondant sur la médecine romaine, auraient dû reprendre la théorie de la rage transmise à l’homme.

Et non seulement ça, mais on nous dit sur Wikipédia que le livre de Dioscoride n’a jamais cessé de circuler dans les pays européens et dans le monde musulman. Et on ajoute qu’il exerça une très grande influence durant tout le Moyen Âge jusqu’au XVIe siècle.

Seulement, comme on le verra plus amplement dans un autre chapitre, la maladie se situe essentiellement en Europe, et plus spécifiquement dans les pays catholiques. Dans les pays musulmans, les historiens du 18ème et 19ème siècle rapportent qu’elle y est quasi inconnue.

Donc, si la maladie n’était pas présente dans tout le pourtour méditerranéen par la suite, c’est clairement que la maladie ne date pas de l’ère romaine. Le concept a été inventé après. C’est-à-dire au moins après le 5ème siècle.

De la même façon, on constate que la maladie est moins présente dans les pays protestants. En fait, elle l’était surtout dans 3 pays catholiques : l’Italie, la France et l’Espagne. Si ce mensonge avait été créé durant la première partie ou le milieu du moyen-âge, alors, les habitudes auraient été prises chez les médecins et la réforme protestante n’aurait rien changé à ce préjugé déjà bien installé chez ces derniers. La maladie aurait donc été rencontrée de façon aussi fréquente dans les pays protestants que dans les pays catholiques. Ça montre bien que c’est dans les environs de la création du protestantisme (un peu avant, pendant, ou un peu après) que l’invention a été conçue, et donc, à la fin du moyen-âge ou au début de la Renaissance.

Donc, si la maladie n’a pas pu être inventée à l’époque romaine et pas non plus avant la fin du moyen-âge, c’est forcément qu’il y a eu manipulation des textes anciens, voire création de textes et d’auteurs, par l’église catholique concernant la transmissibilité de la rage à l’homme (et peut-être sur la rage tout court, ce qui signifierait que tous les textes parlant de la rage seraient apocryphes). Ces inventions de l’église catholique sont probablement dues à des problématiques économico-sociales spécifiques de la zone Italie-France-Espagne de la fin du moyen-âge.

 

L’analyse des auteurs du moyen-âge nous donne d’autres informations allant dans le sens d’une invention datant de la fin de cette époque ou du début de la Renaissance.

Déjà, on trouve péniblement 8 auteurs pendant les 1.000 ans séparant le 4ème siècle du 14ème.

C’est ce qu’on trouve dans la « Monographie sur la rage » (1826), d’A.F.C de Saint-Martin (pages 52 à 55). Celui-ci évoque Oribase, Myrepsus, Serapion et Arnaud de Villeneuve ; mais dit que seuls Aetius, Paul d’Egine, Avicenne et Actuarius sont dignes d’être lus.

On peut supposer que les 4 premiers, soit ne font que répéter mot pour mot des textes plus anciens, soit sont tellement évasifs qu’il n’y a rien de significatif, soit introduisent des trucs tellement grotesques par rapport à la théorie plus ou moins officielle du début du 19ème siècle, que de Saint-Martin considèrent qu’ils ne sont pas fiables. Et bien sûr, ça peut être tout ça à la fois ou deux des trois éléments en même temps.

Par ailleurs, il dit que la plupart des auteurs de ce temps se bornent à répéter ce qu’on dit les grecs et les latins. C’est un détail important. Parce qu’autant, si on avait des auteurs originaux, on pourrait dire qu’effectivement, il y a des références de l’époque sur la rage. Mais là non. On a essentiellement des auteurs qui citent d’anciens auteurs sans fournir de témoignage de première main.

 

Voici quelques détails concernant les auteurs en question (les * sont pour ceux qui seront considérés comme pertinents, voir l’explication juste après la liste) :

*Aetius d’Amida est soit disant un médecin grec du 6ème siècle. Mais en fait, ce sont des suppositions.

Sur Wikipédia, il est dit que : « Son œuvre, comme celle d’Oribase, est une compilation d’extraits de médecins antérieurs (principalement Galien, dont il reproduit de nombreux passages, mais aussi Nicandre de Colophon pour les poisons, Dioscoride pour les remèdes, Rufus d’Éphèse, Archigène, Oribase lui-même et bien d’autres), illustrés par des observations cliniques personnelles et associés à de fréquentes considérations magiques et religieuses (notamment les charmes et amulettes répandus à l’époque en Égypte).« 

*Paul d’Egine est un médecin grec du 7ème siècle.

D’après la Souda (une encyclopédie grecque de la fin du IXe siècle), il écrivit de nombreux traités médicaux, dont il n’est resté que les Epitomes iatrikes biblia hepta (Latin: De Re Medica Libri Septem), essentiellement une compilation en sept livres de textes de médecins antiques. Sa source principale est Oribase, dont il est surtout un abréviateur.

*Avicenne est un philosophe, écrivain, médecin et scientifique médiéval persan du 10/11ème siècle (980-1037).

Jean Actuarius ou Jean Zacharias est un médecin byzantin qui a dû vivre vers l’an 1.300.

Oribase (325-395) est un médecin grec du IVe siècle de notre ère, notamment de l’empereur romain Julien. Il est surtout célèbre pour ses compilations, basées sur des textes d’Hippocrate et de Galien.

Nicolas Myrepsos, dit aussi Nicolas d’Alexandrie (en latin Nicolaus Alexandrinus), est un médecin byzantin du XIIIe siècle.

*Jean Sérapion (autrement appelé Yuhanna ibn Sarabiyun ou Yahya ibn Sarafyun) est un médecin oriental du IXe siècle, de religion chrétienne, qui écrivait en syriaque, mais dont l’œuvre a été conservée dans des traductions arabes et latines.

Arnaud de Villeneuve ou Arnau de Vilanova (1238 – 1311 ou 1313) fut un médecin, alchimiste, théologien et astrologue célèbre du XIIIe siècle. Il est considéré comme le plus éminent médecin de son siècle. À Montpellier où il se fixe, toute l’Europe vient entendre ses enseignements en médecine et chirurgie. Andry dit qu’apparemment, il a pris une grande partie de son chapitre sur la rage (de morsu canis rabidi) sur Sérapion.

 

Le premier problème, c’est que sur les 8 auteurs, on en a 3 qui vivaient au 13ème ou au 14ème siècle (Jean Actuarius, Nicolas Myrepsos et Arnaud de Villeneuve), ce qui ne présente pas d’intérêt. En effet, on est alors à peu près dans la période où les écrits sur la rage ont dû être inventés. Sur les 5 restants, il y en a un qui a vécu au 4ème siècle, ce qui n’est pas très intéressant non plus, parce que là, on est encore relativement proche de la période antique.

Donc, sur la période restante de 800 ans qui sépare l’antiquité de la fin du moyen-âge, on a seulement 4 auteurs qui parlent de la rage (signalés dans la liste par un *) : Aetius, Paul d’Egine, Jean Sérapion, Avicenne. C’est dérisoire.

Et sur les quatre, deux se trouvaient en pays musulmans (Jean Sérapion et Avicenne) et les deux autres se trouvaient dans l’empire byzantin.

Le problème, c’est que, comme évoqué plus haut, il n’y avait pas ou quasiment pas de cas de rage dans l’empire musulman. Donc, d’une part, ils n’auraient normalement pas dû en parler, et s’ils l’avaient fait, alors ils auraient précisé ce fait. Or, à priori, les deux auteurs musulmans n’évoquent pas du tout cet élément primordial. Forcément, ça les rend hautement suspects, au moins concernant la rage.

Surtout que comme pour les auteurs du 1er siècle, ils ont tendance à raconter n’importe quoi concernant les caractéristiques de la rage.

Avicenne, par exemple, racontait qu’il faut utiliser les cantharides jusqu’à ce que le patient urine du sang. Et il ajoutait qu’alors, le patient urine des caillots qui ressemblent à des chiens ; ce qui est complètement délirant. Et bien sûr, il n’a jamais dû voir un cas de rage vu qu’il vivait en pays musulman. Ce qui veut dire qu’il invente complètement. Donc, ses écrits sur la rage sont totalement disqualifiés.

Par ailleurs, de Saint-Martin affirme que pratiquement tous disent que les gens mordus ont tendance à mordre d’autres personnes et à leur transmettre ainsi la rage. Idée totalement abandonnée maintenant.

Concernant Jean Sérapion, on ne sait pas ce qu’il a dit sur la rage, puisqu’ d’A.F.C de Saint-Martin le considère comme inintéressant.

Quand à Aetius d’Amida, son œuvre est juste une compilation d’extraits de médecins antérieurs. Donc, il ne parle absolument pas de choses qu’il aurait vues de lui-même. Et s’il l’avait fait, alors, vu qu’il était natif d’Amida (sud-est de l’actuelle Turquie) et qu’il avait fait ses études à Alexandrie en Egypte, il aurait dû lui-aussi évoquer le fait qu’il n’y avait pas de cas rage là où il avait grandi et étudié. Et dans la mesure où il a exercé à Constantinople, qui est à cheval entre l’Europe et la Turquie, il aurait dû là-encore évoquer ce fait.

Enfin, Paul d’Egine, un grec (de l’ile d’Egine), a effectué lui aussi ses études à Alexandrie. Et lui aussi n’est essentiellement qu’un compilateur. Par ailleurs, certains auteurs disent qu’on ne trouvait pas ou très peu de rage en Grèce. Donc, une fois encore, soit il n’aurait pas dû en parler, soit il aurait dû préciser ce fait.

Donc, les quatre seuls livres sur la rage écrits durant ces 800 ans viennent de gens qui n’ont jamais dû voir de cas. Tous ne faisaient que compiler d’anciens textes ; il n’y a aucun matériel de première main. Ce qui fait que leurs écrits n’ont qu’assez peu d’intérêt. Et certains parlent de méthodes de soin délirantes ; ce qui rend leur crédibilité quasi-nulle.

Au final, on aboutit à ce fait que dans les pays supposément ravagés par la rage, il n’y a eu personne pour en parler pendant 800 ans. Si on avait des auteurs européens présents dans les zones les plus touchée (Italie, France, Espagne) parlant de cas qu’ils auraient observés ou qui leur auraient été rapporté par d’autres médecins proches d’eux, ça aurait été un minimum convaincant. Mais là, ce gigantesque vide de 800 ans rend la réalité de la maladie plus que douteuse.

Bien sûr, dans la continuité de l’invention de la maladie, des auteurs auraient pu être inventés de toute pièce, ou des passages apocryphes auraient pu être ajoutés à des textes d’auteurs ayant réellement existé. Donc, même s’il y en avait eu, de tels auteurs étaient loin d’être une preuve. Mais l’orthodoxie aurait quand même eu quelque chose à montrer. Alors que là, il n’y a carrément rien.

Ce qui s’est peut-être passé, c’est que les concepteurs de cette histoire ont dû voulu l’introduire en se référant à des auteurs prestigieux, mais éloignés dans l’espace ou dans le temps. En effet, comme la maladie n’avait jamais été constatée jusque-là, l’introduire de but en blanc aurait conduit à du scepticisme et des moqueries de la part des contemporains. En parlant d’une maladie ayant lieu dans des contrées éloignées, on pouvait raconter n’importe quoi. Et ensuite, on pouvait dire que la maladie se répandait en Europe. De la même façon, se référer à des auteurs anciens, mais prestigieux, permettait de dire que la description de la maladie avait été faite il y a longtemps et donc que sa connaissance était de notoriété publique. Probablement qu’on s’est référé aux auteurs éloignés dans l’espace en premier, et qu’on l’a fait pour ceux éloignés dans le temps en deuxième.

Sauf que problème, ceux qui ont étudié la maladie par la suite ont mis en évidence que celle-ci ne touchait pas ou quasiment pas le monde musulman et la Grèce. Ce qui fait que toute cette partie de l’invention de la maladie devient illogique. Mais évidemment, une fois l’histoire acceptée par tous, ça ne posait plus trop de problème. Ça ne pouvait plus être remarqué que par quelques spécialistes.

A la page 56 de son livre, A.F.C de Saint-Martin ajoute la chose suivante :

« Nous arrivons au 14ème siècle, et aucun des auteurs qui ont vécu jusqu’à cette époque ne nous a conservé d’histoires particulières d’enragés, ni d’observation assez complète pour mériter ce nom. Les deux siècles suivants ne nous offrent presque rien qui ait trait à cette maladie, et ce n’est qu’au commencement du 16ème, que les premières observations de rage ont été publiées ; mais l’amour du merveilleux, le peu d’habitude qu’on avait d’observer, la manie des hypothèses et de tout expliquer, la terreur qu’inspirait la rage, les erreurs dont on était imbu à son égard, le traitement cruel auquel étaient soumis les malheureux hydrophobes, enfin la disposition des esprits de ce temps à recueillir les croyances vulgaires et le dictons comme des vérités démontrées, font que leurs observations, rarement exactes et complètes, sont presque toujours incroyables, et ne peuvent inspirer aucune confiance.« 

Donc, là, on apprend que c’est carrément seulement au début du 16ème siècle, vers 1510 ou 1520, qu’on a commencé à avoir des observations de première main. Et encore, A.F.C de Saint-Martin les considère comme incroyables et ne pouvant inspirer aucune confiance. Pourtant, de Saint-Martin n’est pas du tout un auteur sceptique sur l’existence de la rage. On ne peut donc pas l’accuser de chipoter sur la valeur des descriptions. Donc, ça signifie que celles-ci devaient vraiment être hallucinantes. En tout cas, ça implique que les premières observations à peu près cohérentes avec la théorie officielle actuelle doivent dater du milieu du 16ème siècle, voire même du 17ème siècle.

C’est un élément important, parce qu’autant, pour la période 400-1200, on peut éventuellement dire que la civilisation s’est effondrée et que c’est pour ça qu’il n’y a aucun témoignage direct, autant, pour la période 1200-1500, la civilisation avait supposément repris son chemin, et il y aurait donc dû y avoir des témoignages de première main. Mais non, pendant 300 ans, alors que la rage fait rage J en Europe, toujours pas un témoignage direct. Donc, là aussi, ça va tout à fait dans le sens qu’en fait, la rage était alors une invention récente.

Le fait que dans un premier temps, les histoires aient été incroyables vient peut-être de ce qu’au début de la mise en place de l’arnaque, on a exagéré fortement les récits afin d’instaurer plus facilement la terreur de la maladie.

 

Concernant la théorie récentiste, ce qu’on peut se dire aussi, c’est que comme on inventait des siècles, il valait mieux rester discret sur la période du moyen-âge. Il fallait donner relativement peu de détails pour ne pas que le mensonge soit éventé. En effet, quand on ment, plus on donne de détails, plus on risque de se contredire. Donc il fallait dire qu’il s’agissait d’une période obscurantiste pour pouvoir justifier qu’il n’y avait pas beaucoup d’informations sur celle-ci. Ca permettait également de limiter la quantité de faux documents à produire.

Justement à cause du fait que le moyen-âge est considéré comme une période obscurantiste, pour les concepteurs du mensonge de la rage, il fallait situer la découverte de cette maladie dans l’antiquité. Une découverte située durant le moyen-âge était moins crédible. Ça pouvait être considéré comme un racontar de l’époque. Alors que si c’était fait durant l’antiquité, on pouvait le rattacher à des gens prestigieux vivant dans une époque hautement civilisée. Ca donnait plus de crédibilité à l’ensemble. Et puis, ça donnait 1.000 ans à la découverte, ça faisait remonter le truc à loin. Si ça avait été découvert seulement 200 ans avant, ça aurait été moins convaincant.

Par ailleurs, comme le moyen-âge n’était pas censé être une époque de grandes découvertes, mais seulement de reprise de ce qui avait été dit pendant l’antiquité, il était un peu difficile de situer la découverte de la maladie durant cette époque. Si tout d’un coup, un type qui ne faisait que répéter les trucs de l’antiquité se mettait à inventer une maladie, c’était bizarre.

 

Alors, il n’y a pas forcément besoin de la théorie récentiste. L’église catholique ou le pouvoir politique aurait pu trafiquer les sources ou même inventer des auteurs sans qu’il y ait d’histoire d’ajouts de siècles par ailleurs. Mais disons que ça va dans le sens de cette théorie. Evidemment, avec le récentisme, on est dans un mensonge d’une toute autre ampleur. Mais en tout cas, cette manipulation de l’histoire de la rage s’insère bien dans la théorie récentiste et possède une forte similitude avec elle. La théorie récentiste soutient que si on a inventé le moyen-âge, c’est pour donner l’impression au peuple que l’église catholique avait 1000 ans d’ancienneté et assoir ainsi plus facilement son autorité. Et la manipulation de l’histoire de la rage sert elle-aussi à donner l’impression que cette maladie est très ancienne afin de lui donner plus de crédibilité. Comme tout ça est fait au même moment (vers le 14/15ème siècle), ça laisse à penser que ça ressort de la même démarche.

De la même façon, il n’y a pas besoin de cette histoire de falsification des sources pour montrer que la rage est un truc bidon. Il y a d’autres éléments qui le démontrent par ailleurs. Mais ici aussi, ça va dans le sens de cette idée. Pourquoi inventer des sources si la rage est une vraie maladie ? Ça n’a aucun sens. Si la maladie était réelle, rien n’empêchait les autorités de la fin du moyen-âge de dire qu’il y avait une nouvelle maladie appelée rage. Mais s’il s’agissait d’une invention, là, il devenait intéressant de lui donner une origine ancienne émanant d’auteurs faisant autorité.

 

 

4)    La prévalence de la rage au 19ème siècle

 

 

Un élément crucial pour comprendre que cette histoire de rage relève de l’invention est la prévalence de la rage (le nombre de cas de rage par an).

Grace au livre de Faugère-Dubourg « le préjugé de la rage » (qui était une véritable charge contre la théorie officielle), écrit en 1866, on apprend page 53, qu’en France, il y a eu 195 morts de la rage entre 1852 et 1862. Donc, il n’y avait que 19 morts de rage par an.

Ce qui faisait également 19 cas par an, puisque la rage est supposée être toujours mortelle une fois déclarée.

Par ailleurs, il est ajouté page 65 que :

« M.Renault, dans un rapport à l’académie des sciences fait en 1863, tout en assurant, sur des documents officiels, que jamais, depuis vingt ans, le nombre des décès pour rage, chez l’homme, n’avait été aussi considérable que pendant les années 1860, 1861 et 1863, confirme, au sujet du résultat des mesures répressives, les chiffres de M. Vernois.« 

Donc durant les années 1840-1860, le nombre de décès était encore plus bas.

Comme la France comptait dans les 36 millions d’habitants entre 1840 et 1870, ça veut dire que l’incidence était d’environ 0,5 cas par million d’habitants.

 

On a d’autres chiffres.

Ici, (Virologie. Volume 6, Numéro 2, 89-104, Mars – Avril 2002 ; par Y. Rotivel, M. Goudal, P. Perrin, N. Tordo, Unité de la Rage, Institut Pasteur) on trouve les chiffres pour l’Angleterre à la fin du 19ème siècle :

« À la fin du 19ème siècle, la rage des rues ou rage canine flambe en Angleterre. Dans un article du Lancet, on trouve : « c’est un fait certain que les décès dus à l’hydrophobie ont augmenté en Angleterre dans les dernières années (figure 2). Le taux annuel de morts dus à cette maladie par million d’habitants, qui, selon le rapport du registre général, n’excédait pas 0,3 entre 1860 et 1865, a augmenté successivement jusqu’à atteindre 0,9 et 1,8 pendant les deux périodes de 5 ans suivantes et s’est accru jusqu’à 2 en 1875. À Londres, 6 morts par hydrophobie ont été rapportées en 1875 et 6 autres en 1876, et dans les 29 premières semaines de 1877, finissant le 21 juillet, 9 cas ont déjà été rapportés ». La rage est devenue une maladie notifiable par le Contagious Disease Animal Act en 1886 et en 1887, le Rabies Order a donné aux autorités locales le droit de museler, contrôler, saisir, enfermer et disposer des chiens errants [3]. »

Or en 1861, il y avait 18 millions d’habitants en Angleterre. Donc, ça faisait seulement 5 cas par an. Et pour la période 1865-1875, la population était d’environ 22 millions. Donc, avec des incidences de 0,9, 1,8 et 2, ça donnait respectivement 20, 40 et 44 cas. Autrement dit, le nombre de cas (et de morts) en Angleterre était là-aussi dérisoire. Et pourtant, on parle bien dans ce passage de flambées de cas de rage ; c’est-à-dire une situation anormale par rapport à avant. La situation normale, c’était donc 5 cas de rage par an.

 

Ici, on trouve :

« Depuis le début du 20ème siècle, le nombre de morts causées par la rage en Amérique du Nord est passé de 100 cas ou plus par an à seulement un ou deux cas. L’essentiel du déclin date des années 40, quand la vaccination et les programmes de contrôle des animaux ont été mis en place. Au début des années 40, il y avait environ 40 cas par an. Ce chiffre a baissé à un total de 99 pour toute la décade des années 50, puis a chuté à 15 durant les années 60, 23 dans les années 70, 10 dans les années 80 et 22 de 1990 à 1996. La vaccination étendue des chiens de compagnie dans les années 50 est partiellement responsable du déclin des cas humains dans les années suivantes.« 

Donc, en 1900, dans le nord de l’Amérique, il n’y avait que 100 cas de mort par an de la rage. Sachant qu’à l’époque, les USA comptaient 76 million d’habitants, ça fait 1,31 cas par million d’habitant, soit la fourchette basse de la période de flambée anglaise des années 1865-75.

 

Enfin, dans l’ouvrage « Saint Hubert, guérisseur de la rage de l’homme et des animaux« , Hervé Bazin, Professeur émérite de la Faculté de médecine de l’Université de Louvain, 20 octobre 2007, page 117 :

« Dans les années de 1850 à 1860, il y eut chaque année environ 20 décès dus à la rage en Prusse (25 millions d’habitants), 4 en Bavière (5 millions d’habitants), 3 en Belgique (5 millions d’habitants), 10 en Angleterre (23 millions d’habitants), 1 en Ecosse (3,5 millions d’habitants), 4 en Suède (4,5 millions d’habitants)…« 

 

Donc, aussi bien en France, qu’en Angleterre, qu’aux USA, et qu’ailleurs en Europe, le nombre de cas était totalement dérisoire. On nous a fait une montagne de cette maladie, on nous a fait croire que la rage dévastait la France, alors qu’il n’y avait que 19 morts par an (ce qui faisait autant de cas). Et ceci, à une époque où la France était essentiellement rurale et où les gens étaient beaucoup plus en contact avec des chiens, des loups, des renards, des furets, etc… Et ça ne tuait qu’entre 20 et 44 personnes en Angleterre, 100 en Amérique, 1 en écosse, 4 en Suède, etc… Alors que ces pays étaient eux aussi encore essentiellement ruraux aux époques considérées.

En réalité, c’était une maladie totalement anecdotique.

La question qui vient immédiatement, c’est « comment se fait-il qu’avec tous ces chiens, chats, renards et loups enragés, il n’y ait pas eu plus de cas chez les êtres humains » ? Dans des pays qui étaient encore principalement ruraux, on aurait dû avoir des milliers de cas humains, au minimum. Dans la mesure où il y avait probablement des dizaines de milliers d’animaux contaminés chaque année et des milliers de morsures sur les êtres humaines, le nombre de cas aurait dû être de cet ordre-là. Donc, ça ne pouvait pas du tout être la maladie transmissible dont on nous a parlé. L’idée de maladie contagieuse virale s’effondre.

 

Mais tout de suite, on sent qu’il y a comme quelque chose qui cloche. Normalement, le nombre de cas aurait quand même dû être plus grand, vu l’excitation qu’il y avait sur cette maladie. Il y a un hiatus à ce niveau-là. L’étude de la situation permet de comprendre divers traficotages rendus nécessaires par l’introduction de la théorie virale.

En fait, en analysant les écrits sur le sujet, on s’aperçoit de la chose suivante. Dans la période pré-pasteurienne, un certain nombre de médecins ne pensaient pas que la maladie était toujours mortelle, une fois les symptômes apparus (même si la majorité le pensait). Il y a beaucoup de témoignages de remèdes ayant guéris des gens déjà malades. Et surtout, avant que les symptômes n’apparaissent, on considérait qu’avec un bon traitement, il n’y avait aucun problème pour empêcher la maladie de se développer.

Ça veut dire qu’on avait plein de cas de morsures n’entrainant pas la maladie parce que soignés, mais qui auraient pu l’entrainer s’ils ne l’avaient pas été. Et il y avait également un certain nombre de cas de personnes ayant développé la maladie, mais ayant survécu, là encore grâce aux soins. Donc, à l’époque, il y avait beaucoup plus de cas de morsure et de maladie que de morts. On avait peut-être 5.000 cas de morsure par an, pour seulement 19 morts.

Bref, avant l’ère pastorienne, il y avait effectivement plein de cas, même si pour la plupart, ils n’étaient que potentiels. Donc, effectivement, le nombre de cas était bien plus grand, et l’agitation concernant cette maladie ne venait pas de nulle part.

Mais à partir de Pasteur, tout change. Non seulement on a introduit l’idée du virus, mais en plus, on a continué avec la version disant que la maladie déclarée était mortelle 100 % du temps. Résultat, comme les remèdes utilisés jusque-là ne pouvaient pas empêcher le microbe de se propager, les cas où une personne survivait à la maladie ne pouvaient plus être des cas de rage. Seuls les cas avec mort pouvaient l’être. Dès lors, les 19 morts par an correspondaient à 19 malades par an. Le nombre de cas de maladie se réduisait énormément. Et vu la nouvelle position, on ne pouvait rien y faire.

Et du coup, on ne comprend plus du tout l’excitation qu’il y avait sur cette maladie.

 

Ce qui explique d’ailleurs qu’on n’ait quasiment plus parlé du nombre de morts et de malades par la suite.

Avant l’époque pasteurienne, on n’avait pas de problème avec le nombre de cas, parce qu’on avait 5.000 malades potentiels, (potentiels parce que, non traités, ils auraient développé la maladie). Donc, même avec très peu de morts, la maladie avait une vraie importance, représentait une vraie menace. Par ailleurs, les autorités n’avaient pas de problème à avouer que la maladie avait une importance aussi à cause de l’impact sur les élevages. Avec ces autres éléments, le fait qu’il n’y avait que 19 morts par an était gênant, mais pas rédhibitoire. On ne le criait pas sur les toits. Les ouvrages ne donnaient que rarement ce chiffre. Mais avec l’amélioration des statistiques au 19ème siècle, on commençait à en avoir de disponibles.

Mais, comme on l’a vu, à partir de Pasteur, tout change. Le nombre de malades devenait alors égal au nombre de morts. Et comme il y avait très peu de morts, ça faisait un nombre de malades de la rage absolument ridicule.

Là, on ne pouvait plus employer l’argument que si les morsures n’avaient pas été soignées, il y aurait eu des milliers de morts. Et comme on voulait apparemment mettre l’accent sur la tragédie humaine et pas sur le problème économique, on ne pouvait plus non plus mettre en avant les pertes en bétail. Donc, avec si peu de morts et de malades, la maladie ne représentait plus du tout une menace. On tombait même carrément dans le ridicule. Et bien sûr, impossible de présenter la « victoire » sur la rage comme un grand succès. Il fallait alors cacher à tout prix ces statistiques. C’est pour ça qu’alors qu’on commençait à en avoir un peu, un blackout a été organisé et que quand on lit des livres allant dans le sens de la théorie officielle (c’est-à-dire à peu près tous), on n’a pratiquement jamais de chiffres sur le nombre de cas à l’époque. On parle presque toujours d’épidémie à tel endroit, de tel cas à tel autre endroit. Mais on ne donne quasiment jamais de chiffre global.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *