Contamination des cultures de cellules

 

Voici une conception alternative du problème des contaminations des cultures cellulaires.

Durant la rédaction de mon article sur les cultures de virus et les antibiotiques, je me suis demandé si le pH des cultures de cellules n’était pas suffisant pour empêcher le développement des bactéries et levures. Normalement, celles qui vivent dans le corps humain ne se développent que dans un environnement  acide. Donc, avec un pH de 7,4, normalement, même sans antibiotique, les levures et bactéries ne devraient pas se développer. Mais, il semble que ça ne soit pas suffisant, parce que la littérature sur les cultures de cellules parle des contaminations comme d’un problème très récurrent. Donc, il semble que les antibiotiques soient effectivement nécessaires.

 

1) Un faible dosage des antibiotiques qui conduit a un équilibre fragile

Mais alors, il y a quelque chose de bizarre. Désormais, on emploie systématiquement des antibiotiques dans les cultures cellulaires. Donc, normalement, il ne devrait pas y avoir de contamination bactérienne ou de levures. Et pourtant, c’est le cas. Comme dit précédemment, la littérature sur le sujet est assez abondante est claire. Ca arrive relativement souvent. Et quand il s’agit de bactéries ou de levures, c’est visible à l’œil nu (la culture devient trouble).

Ce qui conduit à l’idée suivante. On peut penser qu’en fait, les antibiotiques utilisés dans les cultures de cellules sont faiblement dosés. Pourquoi ? Parce que contrairement à ce que laisse souvent entendre la littérature officielle, ils ne sont pas spécifiques. En réalité, ils peuvent détruire aussi bien les cellules que les bactéries et les levures. Et, s’ils étaient fortement dosés, ils détruiraient autant que les unes que les autres. Ce document le confirme. Il dit concernant les antibiotiques et les antifongiques ajoutés : « Ils doivent être ajoutés en concentration adéquate car à trop forte dose ils sont toxiques pour les cellules« .

Il faut donc utiliser un dosage relativement faible pour ne pas détruire les cellules. Ce faible dosage ne permet probablement pas de détruire les bactéries (ou sinon, peu), mais plutôt de les empêcher de se multiplier. Mais du coup, l’équilibre doit être fragile, et dès que les conditions sont un peu favorables, l’antibiotique n’est plus suffisant et les bactéries et levures se multiplient.

 

2) La concentration des cellules fait la différence vis-à-vis de l’antibiotique

Durant mes recherches, je suis tombé sur une page web parlant d’un produit contre les mycoplasmes : le Mynox. Ce n’est pas tellement le produit en lui-même qui est intéressant, que ses limitations présentées par la société qui le commercialise.

Mais voyons d’abord les mycoplasmes. Qu’est ce que c’est ? Ce sont des bactéries de très petite taille qui se développent dans les cellules. Et ça représente l’autre grand problème de contamination des cultures cellulaires avec les bactéries et les levures (les virus aussi peuvent être contaminant, mais ça semble représenter un problème moins prégnant).

Les mycoplasmes font entre 150 et 800 nm (voir ici, page 4). Dans les tailles basses, on est en plein dans la taille des virus. Donc, on peut se demander si en réalité, ce ne sont pas aussi des débris cellulaires.

Concernant les limitations du Mynox, voici ce qu’on peut trouver sur le site web de la société qui le produit :

3.2  Les limites du Mynox®

Mynox® n’éliminera pas le « Mycoplasme penetrans  » pénétrant dans les cellules.

Du fait de l’effet atténué du sérum, il est impossible de concevoir un protocole spécifique qui serait applicable pour le traitement de produits biologiques avec de grandes concentrations de protéines et de lipides.

Parce que l’effet biophysique du Mynox® est directement lié à son association avec la membrane des mycoplasmes, le réactif doit être en contact direct avec les mycoplasmes pour être efficace. Le traitement sur des cellules agrégées doit donc être évité. Les mycoplasmes sont protégés dans les espaces intercellulaires aussi bien que dans des poches et des fissures de la membrane cellulaire, ce qui peut empêcher le contact avec le produit. Nous suggérons d’utiliser de la trypsine pour détacher les cellules entre elles et pour lisser la surface des cellules.

3.3  Cytotoxicité du Mynox®

Tout comme les autres produits disponibles sur le marché pour l’inactivation des mycoplasmes, Mynox® présente aussi une cytotoxicité sur les cellules adhérentes et non adhérentes. Notre protocole a été testé sur plusieurs lignées cellulaires et a montré une cytotoxicité entre 10% et 80%, laissant assez de cellules viables pour les sous-cultures. Généralement, les taux de prolifération plus important liés à l’élimination du parasite compensent la perte des cellules pendant le traitement.

Il y a deux informations importantes ici : 1) ça engendre la mort de 20 à 80 % des cellules ; 2) le mynox ne marche pas si les cellules sont agrégées.

La première laisse à penser que le Mynox est un simple antibiotique en réalité, mais beaucoup plus fortement dosé que ceux utilisés d’ordinaire dans les cultures. S’il tuait seulement les mycoplasmes et pas les cellules, comme la société semble le revendiquer par ailleurs (dans ce document publicitaire de la société Biovalley, qui produit le Mynox, on peut lire : « sans danger pour les cultures cellulaires et les souches virales » et « Mynox tue les mycoplasmes, sauve les cellules« , ainsi que « Avec  une  seule  application  de  Mynox,  les  membranes  de  tous  les mycoplasmes  sont  détruites  alors  que  les  membranes  des  cellules  du  tissu  ne  sont  pas  touchées« . C’est effectivement contradictoire avec ce qui est dit dans le premier document. Mais là, ce n’est qu’une plaquette publicitaire, alors que le document précédent est plus à destination des techniciens et doit servir à se protéger en cas de mauvais résultats. Donc c’est certainement dans le premier document qu’ils disent la vérité sur leur produit), on pourrait se dire qu’il s’agit d’un produit particulier. Mais comme ça tue 20 à 80 % des cellules, il est clair que c’est un simple désagrégateur de cellules, c’est-à-dire, un antibiotique. C’est donc clairement une arnaque. Et une arnaque qui ne doit pas très bien marcher, puisqu’il semble que le mot d’ordre chez les microbiologistes continue à être de jeter les cultures contaminées, ne serait-ce que pour éviter la contamination de l’ensemble du labo.

La deuxième information fait naitre l’idée suivante. Il est bien possible que l’efficacité du produit soit diminuée par l’agrégation des cellules. Puisque ça tue tout aussi bien les cellules que les mycoplasmes, ça devrait tout tuer dans la culture. Mais non, ça ne tue que 20 à 80 % des cellules. Pourquoi ? Ben il est bien possible que ce soit parce qu’elles sont agglutinées. Donc, il y a une surface moins grande qui est accessible au produit. Et du coup, elles survivent alors que les mycoplasmes, plus dispersés, meurent (par désagrégation).

Ca permet de comprendre pourquoi les antibiotiques ne tuent pas les cellules dans les cultures, mais en même temps empêchent les bactéries et levures de se développer. Ca viendrait d’une différence de concentration. Les bactéries et levures sont plus dispersées, donc, plus accessibles aux antibiotiques. Tandis que la masse compacte de cellules l’est beaucoup moins. Le petit avantage qu’ont les cellules par rapport aux bactéries et levures ferait la différence.

Mais dès que les bactéries ou les levures arriveraient à former des amas, elles deviendraient tout d’un coup moins accessibles aux antibiotiques. Et elles pourraient alors outrepasser l’action de ces derniers et proliférer. Ce qui conduirait à l’envahissement de la culture et à la nécessité de la mettre au rebut. Le fait que les antibiotiques utilisés soient faiblement dosés permet cet envahissement. N’étant pas assez puissants, dès qu’il y a des amas de bactéries ou de levures, il y a risque que l’antibiotique ne soit plus suffisant pour empêcher leur développement.

C’est vrai qu’il y a des cultures de cellules non jointives (des cellules en suspension comme des globules rouges par exemple). Mais tout de même, à partir d’une certaine quantité, elles doivent former des amas. Et la situation doit redevenir en partie la même que pour les cellules jointives (cellules venant des tissus).

 

3) Un exemple

Un témoignage posté sur le forum Futura-sciences va dans ce sens et apporte d’autres informations intéressantes. C’est un étudiant en biologie qui a eu un envahissement de sa culture par un champignon. Ca lui pose problème, parce que la culture en question vaut apparemment assez cher. Donc, il préfèrerait la décontaminer plutôt que de la jeter. Les autres membres du forum lui déconseillent très fortement de la garder, parce qu’il y a un très gros risque que les spores du champignon se répandent dans le labo et contaminent toutes les autres cultures. Seulement, il passe outre ces conseils et réalise quand même une décontamination suivie d’un changement de boite de culture (il remet la culture dans 6 autres boites). Et, coup de chance, il n’y a plus aucun problème après le changement de support. Et ça dans les 6 autres boites. Et durant une période de temps (4 jours) que l’étudiant en question estime suffisamment longue (il a l’air de s’y connaitre) pour être sur qu’il n’y a pas eu reprise de la contamination.

Les idées qu’on peut tirer de cette expérience sont les suivantes. Ce qu’on constate, c’est que dans la première phase, les antibiotiques n’ont pas été suffisants pour empêcher le développement du champignon. Et pourtant, dans les autres cultures dérivées de la première, il n’y a plus de problème.

Donc, ça va dans le sens des idées avancées précédemment. Si les champignons se sont développés, c’est qu’il devait y avoir un facteur ou une combinaison de plusieurs facteurs qui a entrainé leur développement malgré les antibiotiques. Et ce ou ces facteurs ont été différents lors du changement de boites. A mon avis, soit, dans la première boite, les cellules ont relargué des débris qui ont permis aux levures de se nourrir, mais ont en plus acidifié la culture, entrainant des conditions plus favorables à leur développement. Soit il y avait déjà des colonies de levures. Et ça peut être les trois en même temps bien sur. Et du coup, ayant à faire face à des amas de levures plutôt qu’à des levures isolées, l’antibiotique n’était plus suffisant pour empêcher leur multiplication.

Dans les six nouvelles cultures, les cellules avaient du déjà relarguer une partie de leurs débris. Donc, le milieu était moins fourni en nutriments pour les champignons et était donc également moins acide. Et d’autant moins acide que le pH avait du être rétabli à 7,4 dans les nouvelles cultures. Par ailleurs, avec la décontamination et le changement de boites, les levures devaient désormais être trop dispersées. Et du coup, elles étaient plus vulnérables aux antibiotiques. C’est pour ça qu’elles n’ont pas envahi à nouveau les cultures.

Ca implique que c’est le terrain particulier à telle culture qui entraine la multiplication des bactéries et levures. Et ça laisse à penser que la peur des microbiologistes que des spores résistantes aux antibiotiques viennent envahir d’autres cultures est erronée. Tant que le terrain n’est pas favorable au développement des bactéries et levures, les autres cultures du labo ne risquent pas de voir une multiplication de ces micro-organismes. Et si le terrain n’est pas bon, rien ne pourra empêcher leur développement. Et ça n’a donc rien à voir avec le fait que les bactérie et levures soient devenues résistantes aux antibiotiques.

Donc, on peut tout à fait faire comme cet étudiant et simplement changer de boites après décontamination. Bien sur, ça n’exclue pas que le problème de la contamination puisse se représenter. Vu que c’est relativement aléatoire, il y a toujours un risque que ça arrive. Et d’ailleurs, comme ça arrive, les biologistes croient que ça vient d’une décontamination insuffisante ou d’une résistance du micro-organisme aux antibiotiques ou aux antifongiques. Et comme ça revient aléatoirement et que ça revient alors qu’ils mettent une grande application dans la procédure de décontamination, ils se disent que ces micro-organismes sont increvables et qu’en cas de contamination, il vaut donc mieux tout jeter systématiquement. Mais en réalité, quand la contamination revient, ça n’a rien à voir avec le fait que le micro-organisme n’aurait pas été éliminé. Ca vient seulement du fait que les conditions sont à nouveau favorables au développement des bactéries ou des levures.

 

4) Le problème des mycoplasmes fragilise un peu plus l’équilibre

Enfin, un autre problème vient rendre encore plus fragile l’équilibre créé : les mycoplasmes. On peut penser qu’en fait, ces micro-organismes, soit n’existent carrément pas, soit existent, mais peuvent être confondus avec des débris. Or, l’usage d’antibiotiques provoque la formation de débris de la taille des mycoplasmes (et des virus). Donc, si les antibiotiques sont un peu fortement dosés, on se retrouve avec des débris cellulaires qui seront pris pour des mycoplasmes.

Le document suivant va tout à fait dans ce sens. Il y est dit concernant la lutte contre les mycoplasmes (fin de la page 5) : « Curieusement  plus  on  fait  l’emploi d’antibiotiques,  plus  il  y  a  de  chances  que  vos  cellules soient contaminées. De cette façon, on contribue à cacher le problème qui semble très répandu à travers le monde… ». Et aussi (page 9) : « Avec antibiotiques : on trouve 72% des cellules qui ont des problèmes. Sans antibiotique : on a trouvé 7% des cellules qui sont contaminées« . Et ça parle bien des contaminations par le mycoplasme, puisque c’est évoqué juste après.

Ca va dans le sens de l’article publié il y a quelques jours : à savoir que les antibiotiques augmentent le nombre de particules de taille virale (qui est aussi la taille des mycoplasmes, comme on l’a vu plus haut). En fait de contamination, il doit s’agir de débris cellulaires qui sont pris pour des mycoplasmes.

Donc, on se retrouve avec un problème supplémentaire d’équilibre du dosage de l’antibiotique. Avec seulement les bactéries et levures, il y avait déjà le problème d’espace assez fin entre l’excès d’antibiotiques aboutissant à une destruction des cellules (mais empêchant les bactéries et levures de se développer), et le manque d’antibiotiques aboutissant à un développement des bactéries et levures. Avec le problème des mycoplasmes, la fourchette se resserre encore un peu plus. Dans la partie haute de la fourchette, avant que n’apparaisse le problème de la destruction massive des cellules, apparait le problème du développement des mycoplasmes. La fourchette est alors tellement fine qu’il devient relativement fréquent de se retrouver dans une situation où il y a contamination soit par les bactéries ou les levures, soit par les mycoplasmes.

Selon les données sur le sujet, il semble que de façon logique on préfère la contamination par les mycoplasmes à celle par les bactéries ou les champignons (c’est logique dans la mesure où apparemment, les mycoplasmes sont moins destructeurs pour la culture). Voir ici : « Le mycoplasme est le plus dévastateur et le plus répandu des contaminants. On le surnomme le cancer  des  cellules« . Donc, ça veut dire qu’on dose les antibiotiques un peu trop fort. Ca permet de ne va pas avoir de développement de bactéries ou de levures. Mais en contrepartie on va avoir très souvent une contamination par des mycoplasmes.

En réalité, le problème, c’est que si on choisit de plutôt éliminer les bactéries et les levures, on se retrouve automatiquement avec un commencement de production de particules de tailles virale. Donc, plutôt que d’accuser l’antibiotique, on doit bien accuser autre chose. Et cet autre chose, ce sont les mycoplasmes. On aurait pu accuser les virus cela dit. Mais apparemment, on a préféré accuser les mycoplasmes.

 

Conclusion :

Donc d’un seul coup, le mystère des contaminations de cultures de cellules devient un peu plus clair et logique. Et on comprend que le problème est complètement insoluble. Parce que si on ne met pas assez d’antibiotiques, ça va entrainer la multiplication des bactéries ou des levures. Si on en met beaucoup trop, ça tue tout ce qu’il y a dans la culture. Et si on en met un peu trop, ça va entrainer la production de particules de la taille des mycoplasmes et des virus. Et dans le premier et le troisième cas, la culture est considérée comme contaminée et en général comme bonne à jeter. Le problème, c’est que la fourchette entre le dosage un peu trop fort (formation de mycoplasmes) et trop faible (formation de bactéries et champignons) doit être très étroite. L’équilibre est donc très fragile, le problème inhérent à la problématique. Et il est donc impossible d’éviter la contamination en question sur le long terme.

Au passage, il y a tellement de possibilités d’échecs, que quand une culture virale ne marche pas, il y a plein d’explications possibles. Il y a des contaminants chimiques, des contaminants biologiques (voir ici), bref, plein de causes possibles d’échec de la culture. Et comme on recommence jusqu’à ce qu’on obtienne quelque chose, c’est facile d’obtenir toujours ce qu’on veut au bout d’un moment. Seulement, après, dans la publication scientifique, on ne dit pas qu’on a du recommencer 5 fois sa culture pour obtenir le résultat désiré.

 

PS :

Il est vrai que dans la mesure où je dis que les antibiotiques permettent la multiplication des déchets, et que la quantité de ces derniers favorise le développement des bactéries ou des champignons (grâce au couple « nourriture + acidité ») normalement, on devrait avoir une multiplication des champignons. Mais en fait, il doit y avoir là aussi une fenêtre assez étroite. Si l’antibiotique est un peu fort, il entraine effectivement la création de déchets qui devraient favoriser le développement de bactéries et levures. Mais en étant plus fort, il limite plus la prolifération des bactéries et levures. Donc, il y a 2 effets contradictoires. Globalement, ça doit être plutôt l’effet antibactérien et antifongique qui doit gagner. Mais parfois, ça doit être l’effet de développement des bactéries qui gagne, au moins localement. Et puis cette problématique ne joue pas sur le troisième élément favorisant le développement de bactéries ou de levures : le fait qu’il y ait des amas au début de la culture.

En fait, on peut se dire que quand il y a des débris cellulaires, ça pose un second problème par rapport au faible dosage de l’antibiotique. Ca doit mobiliser l’antibiotique pour désagréger les débris. Mais du coup, localement, il y en a moins pour les bactéries et levures. La concentration en antibiotique diminue encore un peu. Et en plus, il y a de la nourriture pour les bactéries et levures. Donc, à cet endroit, les bactéries et levures, si elles sont déjà un peu concentrées, risquent de se développer. Et on peut penser qu’effectivement, le problème est souvent local. L’antibiotique peut être un peu moins concentré à tel endroit, les débris plus. Et donc, l’antibiotique peut être en quantité suffisante ailleurs ; mais localement, il va y avoir cette petite faiblesse de concentration qui va faire la différence.

 

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